La subtile requête des ''droits de l’hommiste'' sénégalais
Le président de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples a soutenu hier n’avoir pas encore été saisie au sujet des exécutions de condamnés à mort en Gambie. Pourtant, les défenseurs sénégalais des droits de l’Homme soutiennent le contraire.
Alors que les organisations de défense des droits de l’Homme du Sénégal persistent et signent avoir saisi la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples à propos des exécutions de condamnés à mort en Gambie, parmi lesquels des Sénégalais, la juridiction a botté en touche, hier. Les défenseurs des droits de l'Homme disent avoir saisi la Cour à travers une correspondance en date du 27 août 2012. Seulement, cet acte sonne comme une provocation car le Sénégal ne remplit pas encore les conditions pour saisir directement la juridiction. En effet, sa saisine exige une ''déclaration spéciale'' de la part des États membres, ce qui n’est pas encore le cas pour le Sénégal. A ce jour, seuls 5 États de l’Union africaine, notamment le Burkina, le Mali, le Ghana, la Tanzanie et le Malawi, ont souscrit à cette ''déclaration spéciale''.
Pourquoi donc la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme (Raddho, Amnesty international/Sénégal et la Ligue sénégalaise des droits de l’Homme ont-elles adressé à l’instance une requête, sachant que c'est une action ''vaine'' ? Me Assane Dioma Ndiaye de la Ligue sénégalaise des droits de l’Homme a fourni une réponse à double niveau. Reconnaissant que lui et ses pairs savaient pertinemment que leur requête était irrecevable, il a révélé que c'est une manière de mettre la pression sur l’État du Sénégal et le pousser à signer cette déclaration. L’autre motivation, c’est de faire en sorte que la Cour africaine puisse s’auto saisir et empêcher les violations des droits de l’Homme. ''Si la Cour ne peut empêcher des violations, elle n’a pas sa raison d’être'', a dit Me Ndiaye avant de suggérer que ''même quand la Cour se déclare incompétente, les juges qui la composent doivent faire preuve d’audace''.
En clair, les trois organisations de défense des droits de l’Homme ont introduit exprès cette requête pour ''mettre l’Etat du Sénégal et la Cour devant leurs responsabilités''. L’instance en question, a soutenu Me Assane Dioma Ndiaye, avait les moyens juridiques d’empêcher l’exécution des condamnés à mort. Suffisant pour qu’il appelle les juridictions africaines à plus de responsabilité et de courage. Néanmoins, les défenseurs des droits de l’Homme ont également saisi la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples basée en Gambie. Cette dernière permet de saisir indirectement la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples.
''Fraternité judiciaire''
La Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples est une institution de l’Union africaine basée à Arusha en Tanzanie. Son président a entamé une visite de sensibilisation dans plusieurs pays africains. Le Sénégal est le 7e pays visité pour faire examiner la possibilité d’une ''déclaration spéciale'' avant la fin de l’année, renseigne le président de l’instance, Gérard Niyungeko, reçu hier au Conseil constitutionnel. ''Nous allons examiner avec les autorités la possibilité pour elles de souscrire à une déclaration spéciale requise pour permettre aux individus et aux organisations non gouvernementales d’accéder à la Cour africaine après épuisement des voies de recours'', a indiqué Niyungeko. Il s’agira également de pouvoir informer les autorités des pays de la situation actuelle de la Cour et les défis auxquels elle fait face. Toujours dans le cadre de cette tournée de sensibilisation, un séminaire d’information sera organisé sur la Cour demain à Dakar.
S'expliquant sur la visite du Conseil constitutionnel sénégalais, les membres de la Cour notent que celui-ci est l’une des plus hautes institutions d’un Etat. ''C’est pour informer [les 5 Sages], comme nous avons fait avec les autres Cours, dans le cadre de la fraternité judiciaire'', a déclaré M. Niyungeko. La cour africaine des droits de l’Homme et des peuples joue un double rôle : elle règle des différends sur les violations des droits de l’Homme et des peuples. Elle donne aussi des avis consultatifs sur les questions des droits de l’Homme à la demande des États et des organes de l’Union africaine ou d’autres entités.
Amadou NDIAYE
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