Publié le 29 Aug 2022 - 23:09
PR. DIAGA DIOUF, SPÉCIALISTE EN BIOLOGIE VÉGÉTALE

 ‘’Il est important de cultiver les OGM au Sénégal’’

 

Enseignant à la faculté des Sciences et techniques et au Département de biologie végétale de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, le Pr. Diaga Diouf a mené ses activités de recherche sur la transformation génétique des chênes des marais à l’université Paris 7 Denis Diderot.  Sa carrière l’a également amené à travailler comme professeur associé à Virginia Polytechnic Institute and State University (Virgina Tech, USA) de 2007 à 2010. Parmi les artisans de la loi sur la biosécurité au Sénégal, le Pr. Diouf revient sur les polémiques autour des OGM et la plus-value qu’ils pourraient représenter pour les agriculteurs sénégalais. Entretien.

 

Pourquoi les OGM suscitent autant la controverse ?

Les OGM suscitent autant de controverse, parce qu’il y a des enjeux de taille. Mais là aussi, il faut relativiser. Dans le domaine de la santé, il y a moins de controverse parce que tout simplement la priorité du malade c’est la guérison. Le malade ne se pose pas la question sur l’origine du médicament qu’on lui administre ni sur les conséquences sur sa santé. Par contre, dans le domaine alimentaire, il y a beaucoup de polémiques qui sont des fois injustifiées, relevant parfois du fantasme, de la paranoïa, ou d’un manque d’informations. Cela peut avoir aussi des soubassements économiques ou politiques.

Les OGM sont-ils déjà consommés au Sénégal ?

On ne peut pas être affirmatif tant qu’on n’a pas réalisé un test de détection des transgènes (gène étranger) dans les produits consommés au Sénégal. Un scientifique doit parler preuve à l’appui.

La loi sur la biosécurité est-elle une bonne ou mauvaise chose pour le Sénégal ?

La loi sur la biosécurité est une bonne chose pour le Sénégal, car elle lui permet d’avoir les outils juridiques pour traiter la question. Ces outils portent sur la réglementation de la culture des OGM, leur utilisation, transport, élimination de leurs déchets, leur stockage, leur confection, leur importation et leur exportation.

Avez-vous travaillé dans la conception de cette loi ? Si oui, pourquoi est-ce important de cultiver des OGM au Sénégal ?

Oui, j’ai travaillé sur cette loi du début à la fin de sa conception. Il est important non seulement de cultiver les OGM au Sénégal, mais aussi de les confectionner ici pour tenir compte de nos préoccupations, nos réalités, nos valeurs socioculturelles et économiques. Pourquoi cultiver les plantes OGM ? C’est une bonne question. La culture de plantes OGM a permis partout dans le monde d’augmenter la production agricole quantitativement et qualitativement, de préserver la biodiversité, de réduire la pollution induite par les agents chimiques, les émissions de CO2. Au Brésil, par exemple, la culture des plantes OGM a permis de rendre la nourriture accessible à tous et à bas prix, j’ai cité un expert brésilien. Au Sénégal, la culture de plantes OGM peut permettre de reconquérir les terres marginales (salées, acides, etc.). On peut cultiver des plantes OGM résistantes à la sécheresse, aux hautes températures, aux maladies ou aux ravageurs pour répondre aux défis futurs pouvant résulter des changements climatiques. Et l’une des facettes les plus importantes, c’est l’utilisation des OGM dans la recherche fondamentale. Dans ce domaine, on peut utiliser les OGM pour découvrir comment fonctionnent les gènes, quels sont les mécanismes qui contrôlent leur expression, quelle est leur fonction, comment fonctionne l’organisme. La compréhension de tout cela peut conduire à des applications dans le domaine de la santé, de l’agriculture, de l’environnement pour résoudre les problèmes de demain et projeter le pays dans le monde compétitif de demain. Cela constitue un enjeu sociétal major.

Des expériences dans d’autres pays africains (au Burkina sur le coton) ont été infructueuses. N’êtes-vous pas sceptique ?

Au contraire, les coton-culteurs burkinabé cherchent aujourd’hui à retourner à la culture du coton OGM, mais cela n’est pas simple, car il faut renégocier les accords avec la société qui fournit les semences OGM. La production de coton a chuté au Burkina depuis le retour au coton non OGM, j’ai cité un expert burkinabé. Au Soudan, la culture du coton OGM est passée de 20 000 ha en 2012 à 192 000 ha en 2017, soit une augmentation de 9,6 % en six ans. D’ailleurs, le Soudan et l’Afrique du Sud restent les leaders dans le domaine de la culture d’OGM sur le continent africain.

Les OGM ne concernent pas simplement le domaine agricole. Que répondez-vous par rapport au problème éthique qu’ils posent ?

OGM ne rime pas forcément avec des problèmes éthiques. Il y a des problèmes éthiques lorsqu’on passe généralement à l’humain d’où la nécessité de se munir d’une loi sur la biosécurité pour réglementer et éviter des dérapages. 

Lamine Diouf

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