Koffi Annan, Madeleine Albright et Ed Royce dans la danse
Les lettres et autres actes de pressions, visant à convaincre la président Abdoulaye Wade de ne pas présenter sa candidature à un troisième mandat controversé, continuent de pleuvoir sur l'intéressé. EnQuête est encore en mesure d'informer que deux missives, l'une de l'ancienne secrétaire d'État américain, Madeleine Albright, l'autre du bouillant congressman américain, Ed Royce, sont parvenues au chef de l'Etat Sénégalais.
La première nommée est une diplomate américaine chevronnée qui fut d'abord ambassadrice de son pays aux Nations Unies (1993 à 1997), puis secrétaire d'État des États-Unis (équivalent de ministre des Affaires étrangères) entre 1997 et 2001 sous le second mandat du président Bill Clinton.
Quant à Ed Royce, il s'est déjà signalé au Sénégal et au régime de Wade en mars dernier. Ce Républicain élu de la Californie, membre du Congrès fédéral américain, avait lors d’une audition sur la politique de l’aide extérieure américaine, le 16 mars, durement chargé Wade. Il l'avait accusé d’avoir reçu ''des pots vin sur le Monument de la Renaissance Africaine, d’être un corrupteur de fonctionnaire international (en référence à l’affaire Alex Segura, du nom de l’ancien représentant du Fonds monétaire international -FMI- au Sénégal), de népotisme en favorisant son fils Karim Wade au sein du gouvernement…" Ed Royce qui s’adressait alors à l’administrateur du Millenium Challenge Corporation (MCC), l’organisme qui gère les fonds mis à la disposition du programme MCA, demandait le retrait de cette aide américaine évaluée à 270 milliards pour le Sénégal. Autant dire que sa lettre à Wade, aujourd'hui, est ''des plus salées'', à en croire des sources concordantes.
En outre, Wade qui réunit, aujourd'hui, le Bureau politique du Parti démocratique sénégalais (PDS) en vue de son congrès d'investiture demain, a reçu, d'après toujours nos interlocuteurs, un coup de fil de l'ancien secrétaire général des Nations unies, le Ghanéen Kofi Annan, Prix Nobel de la paix en 2001.
Hier, EnQuête révélait que des personnalités politiques de premier plan d'Afrique et de la sous-région devraient sortir du bois pour ajouter au concert de persuasions et dissuasions à Abdoulaye Wade. Il s'agit, entre autres, des présidents sud-africain Jacob Zuma et ghanéen, John Atta-Mills.
Bien avant tout ce beau monde, c'est le sous-secrétaire d'État américain aux Affaires africaines, Jonnhie Carson qui a donné le ton en demandant à Me Wade de renoncer à sa candidature. Il a été suivi par le congressman démocrate Donald Payne, pourtant une connaissance de Wade. De même, Lord David Steel, influent parlementaire britannique et membre de l'Internationale libérale - tout comme le président sénégalais - y est allé de sa lettre au chef de l'Etat sénégalais.
Scénario d'enfer
Mais ceux qui encouragent le président sénégalais à tenir bon devraient revoir leur copie au regard du scénario de fer, voire d'enfer, qui attend le pays en cas de forcing du leader du PDS. Car d'après nos sources, même si la candidature Wade est agréée par le Conseil constitutionnel et même s'il remporte la présidentielle, le chef de l'Etat ne serait pas pour autant sorti de l'auberge.
Les Etats-Unis n'excluent pas, en cas de contestation de l'élection par l'opposition, de récuser les résultats qui seraient proclamés et de suspendre toute leur aide bilatérale (MCA, USAID, etc). Pis, s'il y a des violences, c'est l'ONU et la Cour pénale internationale (CPI) qui seraient activées. Un scénario à la Gbagbo qui, d'après nos interlocuteurs, a refusé une porte de sortie honorable : un poste de professeur de chaire à Boston. Il est aujourd'hui dans un cachot de la CPI à La Haye.
Mamadou Lamine BADJI