Malick Dieng livre ses vérités
Malick Dieng, Abdallah Bayati Fall et le Français Souleymane sont devenus tristement célèbres, du jour au lendemain. Présumés terroristes, arrêtés puis gardés à vue pendant cinq jours, ils ont été finalement libérés. Faute de preuves. Serein et décontracté, Malick Dieng revient dans cet entretien sur les raisons de leurs arrestations et leurs conditions de détention.
Vous avez été interpellé avec deux autres personnes et gardés à vue pendant cinq jours à la section de recherche de la Gendarmerie. Qu’est-ce-qui s’est réellement passé ?
Nous avons un ami qui s’appelle Souleymane ; on l’a connu ici à Mbour. C’est un proche qui vit en France avec sa femme qui nous l’a présenté. Souleymane lui avait expliqué qu’il voulait vraiment vivre sa foi et exercer la ‘’Sunna’’. C’est ainsi que mon parent nous a présentés. Qui connaît les habitants de Gadd Ga sait que nous ne vivons que pour la Religion, le Coran et la Sunna. Et Souleymane partage ce même amour que nous. Après avoir fait notre connaissance, il nous a fait part de son souhait de s’installer au Sénégal et d’y investir. Il nous a demandé dans quoi il pouvait réellement investir. On lui a dit que le commerce de voitures marchait bien.
Il est retourné en France et en revenant, il a acheté deux voitures. Il a conduit l’une des voitures, l’autre il l’a mise dans un bateau. Et c’est pour trouver une attestation pour la voiture que nous sommes partis à Dakar. Le 14 passé, si je ne me trompe, c’était un lundi, nous sommes partis à la DIC pour trouver une attestation pour la voiture. Lorsqu’il revenait de la France, Souleymane avait ramené deux chiens avec lui pour la garde de sa maison. A Dakar, Souleymane voulait acheter de la nourriture pour chien. Il nous a demandé si nous connaissions Royal Canin. On lui a répondu que nous ne connaissions pas très bien Dakar. Il a regardé sur le net où se situait la boutique, nous avons vu que c’était sur le boulevard de la République. Nous avons demandé par-ci et par-là, et nous n’avions vraiment pas fait attention sur où nous étions. Après plusieurs pérégrinations, nous ne nous sommes même pas rendu compte que nous étions devant une école. Dieu nous est témoin que nous ne cherchions que la boutique Royal Canin pour acheter des croquettes pour les chiens.
Comment en êtes-vous donc arrivés à être arrêtés ?
Lorsque nous sommes arrivés à la hauteur d’un policier, nous nous sommes dit qu’il pouvait nous orienter. C’est lui qui nous a indiqué où se situait la boutique. Là-bas, nous ne nous sommes même pas rendu compte de ce qui se passait autour de nous. Il paraît que les gens nous pointaient du doigt. Quand nous sommes rentrés, nous avons remis la voiture à celui qui exploite. Elle fait office de taxi. Ainsi, le jour de Pâques, il est parti à Dakar chercher des clients. En revenant, il a été interpellé. On lui a fait savoir que la voiture faisait l’objet de recherche. On a confisqué les papiers, avant de lui demander où se trouvaient les trois personnes qui la conduisaient auparavant. Ensuite, on lui a demandé d’amener la voiture à la brigade de la gendarmerie de Mbour, après avoir déposé les passagers. Avant d’aller garer la voiture, il est venu nous dire que nous faisions l’objet de recherche. Nous pensions que cela concernait les papiers de la voiture.
Abdallah est parti la nuit même avec le chauffeur pour s’enquérir du problème. La personne trouvée sur les lieux lui a dit de revenir car elle devait faire des vérifications. Et nous pensions que c’était pour la voiture. Le lundi, je devais voyager, Abdallah m’a appelé pour m’informer que la gendarmerie était à notre recherche et que ce n’était pas pour la voiture. J’ai rebroussé chemin. On a confisqué ma carte d’identité et on nous a amenés à Saly, puis à Dakar. Là-bas, ils nous ont demandé ce que nous étions venus faire à Dakar. Avec des agents de la gendarmerie, nous avons fait le tour des différents lieux où nous nous sommes rendus. Ils nous ont ramenés sur Mbour. Nous pensions que tout était rentré dans l’ordre. A notre grande surprise, ils sont revenus nous chercher. Ils nous ont mis les menottes et nous ont ramenés sur Dakar pour les besoins de leur enquête. Après, ils sont revenus pour perquisitionner nos maisons. Je ne les condamne pas parce qu’ils ne faisaient que leur boulot. Ils veillent sur notre sécurité.
Vous a-t-on donné les raisons de votre interpellation ?
Ceux qui sont venus nous chercher l’ont fait pour des raisons de terrorisme. Mais nous, on ne savait pas de quoi il s’agissait. Nous nous étions rendus à Dakar, depuis le 14 mars. Il s’est passé des jours avant qu’on nous interpelle, le 29 mars. Nous avions récupéré l’attestation et avions même oublié que nous étions allés à Dakar.
Comment s’est passée votre détention et quel genre de questions vous a-t-on posées ?
En vérité, c’était vraiment terrible. Il faisait excessivement froid. On ne s’était pas préparé à cela. J’étais en jean et tee-shirt, les habits que je mets habituellement. Il faisait très froid. Nous avons souffert à cause des moustiques. Nous nous couchions sur les carreaux. C’était difficile. Al hamdouliLah, Dieu nous a blanchis et nous sommes revenus dans nos familles. D’après les enquêteurs, nous avons intimidé les élèves, en leur demandant combien d’élèves il y avait dans l’école, combien il y avait de proviseurs. Mais aussi s’il y avait des Français. Pis, que nous leur avons dit que nous allions ‘’incha Allah’’ revenir dans les prochains jours. Tout ceci n’est que mensonge. Mais grâce à Dieu, nous sommes lavés de tout soupçon.
D’après les informations relayées par une certaine presse, Souleymane est impliqué dans de précédents actes de terrorisme ?
Franchement, les journalistes doivent vérifier leurs informations et leurs sources, avant de divulguer une telle information. Il ne faut pas juste se dire : j’ai besoin d’informations ; et aller médire sur d’honnêtes citoyens. Ils sont allés jusqu’à citer un nom qui n’est ni de près, ni de loin lié à cette affaire. Ils sont allés diffuser une fausse information, en salissant l’image d’un notable que nous respectons tous dans cette ville. Les gens l’appelaient de partout dans le monde pour s’enquérir des nouvelles. Ils vont tous rendre compte devant Dieu. Wa Lahi l’argent ne nous poussera jamais à aller vendre notre âme au diable. Si un jour nous voyons des pratiques qui peuvent porter préjudice à la sécurité de ce pays, c’est nous-mêmes qui allons dénoncer cela. Car nous sommes des Sénégalais. Nous sommes nés et nous avons grandi ici. C’est à nous citoyens de préserver la paix dans ce pays. On nous a éduqués dans la religion. Nous ne vivons que ça, mais nous ne sommes vraiment pas des terroristes.
Selon certaines informations, on vous a filé à cause de votre accoutrement, de votre barbe.
La barbe est une partie inhérente à la Sunna. On ne peut pas dire que la barbe est un acte de terrorisme. On ne peut dire vivre de la Sunna et ne pas avoir de barbe. Quand on scelle un mariage, nous entendons dire le mariage est scellé ‘’ci Farata ak Sunna’’. On ne peut pas parler de ‘’Farata’’ et ne pas parler de ‘’Sunna’’. Ils vont ensemble. Et si c’est à cause de notre barbe qu’on nous affilie à des terroristes, franchement les habitants de Gadd-Ga ne connaissent pas cela et particulièrement la population de Mbour. Ceux qui parlent de choses qu’ils ne maîtrisent pas doivent vraiment revoir leur manière de faire. Nous avions juste demandé aux élèves s’ils connaissaient Royal canin ; et les élèves nous ont répondu non.
Et comment vos familles ont-elles accueilli cette nouvelle ?
C’était très douloureux pour elles, mais par la grâce divine, elles ont gardé calme et sérénité. Nos parents savent qui nous sommes, car ils nous ont éduqués dans la droiture, la vertu et le respect de l’autre. Et cette éducation ne frise ni la violence, ni le terrorisme.
KHADY NDOYE (MBOUR)