Publié le 16 Nov 2012 - 13:28
PROCÈS DES THIANTACOUNES

Des peines de 3 et 5 ans planent sur la tête des disciples de Cheikh Béthio

 

 

Après plusieurs renvois, les 57 thiantacounes arrêtés le 22 octobre dernier, lors d’une manifestation pour exiger la libération de leur guide Cheikh Béthio Thioune, ont été jugés hier. Le Parquet a requis des peines allant de 3 à 5 ans. C’était à l’issue d’un procès de plus de 16 tours d’horloge.

 

20h 20mn. Le public de la salle n°1 où se tient l’audience de la première composition du tribunal régional de Dakar statuant en matière de flagrants délits sombre dans un calme plat. Certaines personnes somnolent, sous l’effet de la fatigue, de la faim et la chaleur. Subitement, le public est tiré de sa torpeur par le réquisitoire de la représentante du Parquet. Citant une liste de 18 prévenus, la parquetière Ramatoulaye Ly Ndiaye demande que ceux-ci, -qu’elle présente comme les instigateurs des actes de vandalisme commis par les thiantatacounes, le 22 octobre dernier- soient condamnés à cinq ans de prison ferme. Certains prévenus, souriants au moment où les parties civiles formulaient leur demande de réparation, deviennent aussitôt anxieux. Des cris stridents s’échappent en chœur de l’assistance. Certaines personnes quittent la salle, les larmes au bord des yeux. Inflexible, la parquetière poursuit ses réquisitions. Elle demande qu’une peine de trois ans soit infligée à 26 autres prévenus. Les cris de colère rejaillissent. Donc au total, 44 prévenus sur les 57 attraits risquent la prison. Quant aux 13 restants, le Parquet a requis à leur endroit la relaxe au bénéfice du doute.

 

Un 4ème renvoi évité de justesse

Alors que le Parquet a divisé les prévenus en trois catégories, le tribunal les a fait comparaître en quatre groupes. Une situation qui a failli causer un quatrième renvoi du procès. En effet, après la comparution d’un premier groupe de 15 prévenus, Me Cheikh Khoureychi Bâ, un des avocats de la défense, a contesté la méthode du juge Hadiyatou Laye Guèye. Alors qu’il avait adhéré à la proposition du juge, à l’image de ses confrères, l'avocat déclare qu'elle viole les droits de la défense. Il dénonce le fait que les prévenus restent dans le box. Le juge Guèye tente de le raisonner, en évoquant la difficulté à faire comparaître tous les 57 prévenus en même temps. Devant la persistance de la robe noire, le président de la séance menace de renvoyer l’audience. ''Je n’ai pas de solution. Donc, on renvoie l’audience jusqu’à ce qu’on trouve une salle où pourront comparaître tous les prévenus’’, lance le juge. Joignant l’acte à la parole, il commence à ranger le dossier. Suffisant pour que les autres avocats se liguent contre leur confrère. ''Cela ne nous gêne pas qu’on continue l’audience. Les droits des prévenus seront respectés, car ils ont constitué conseil'', tente de convaincre Me Mbengue. Finalement, le juge Guèye écoute la voix de la majorité et poursuit les débats d’audience.

 

Dénégation en chœur des prévenus dont un sourd-muet et une chrétienne

Au cours des débats d’audience, les 13 prévenus, dont la représentante du Parquet a demandé la relaxe au bénéfice du doute, ont réitéré leurs dénégations faites à l’enquête préliminaire. Ils ont réfuté avoir participé aux manifestations. La plupart ont nié être Thaintacounes. C’est le cas du sourd-muet Serigne Cheikh Fall, mais aussi Mah Binta Diédhiou. La jeune fille soutient même qu’elle est Chrétienne. Outre ces 13 prévenus, les 44 autres prévenus Thiantacounes ont entonné la mélodie de la dénégation, avec des alibis les uns plus cocasses que les autres. Certains soutiennent avoir été appréhendés pendant qu’ils vaquaient à leurs occupations. ''Moi, les policiers m’ont arrêté, à cause de mon njël et de mon permis de visite'', déclare un prévenu de Saint-Louis. D’autres prévenus, ont affirmé être venus pour réciter des ''Khassaïdes'' en l’honneur de Cheikh Béthio Thioune. ''Je n’ai pas participé aux casses. Je suis venu à Dakar, car on m’a informé que le Cheikh allait sortir de prison. C’était pour réciter des Khassaïdes, comme cela se faisait à Thiès'', ont soutenu plusieurs prévenus. S’arc-boutant toujours dans leur logique de dénégations, certains prévenus, des tailleurs pour la plupart, ont allégué être venus à Dakar pour acheter des garnitures. Les versions les plus cocasses ont été servies par Maroyo Diop et un élève au Lycée Blaise Diagne. Le premier : ''Je me rendais aux toilettes, à cause d’une terrible diarrhée. J’ai été appréhendé en cours de route’’. Quant au second, il a soutenu que sa sœur lui avait demandé de lui chercher de l’eau de mer. ''Elle m’a demandé de me rendre à la plage située derrière le Palais’’, a-t-il répondu au juge. Quant aux Thiantacounes désignés comme les instigateurs de la manifestation au cours de laquelle plus d’une centaine de véhicules ont été endommagés, ils ont reconnu avoir envoyé des messages à leurs disciples, mais ont nié leur présence sur le théâtre des opérations. Toujours est-il que certains talibés ont été identifiés grâce aux images de Sen Tv.

 

Autant de dénégations ont poussé la représentante du Parquet à sermonner les prévenus. ''Puisque vous avez eu l’audace de commettre des actes, ayez le courage de les reconnaître. Vous m’avez vraiment déçue. Je croyais que vous alliez assumez vos actes, car le Cheikh en vaut la peine’’, leur a lancé le parquetier. La juge, très taquine, de railler également les diawrigne : ''En tant que diawrigne, vous n’avez même pas osé être au front et vous vous débinez ainsi devant vos talibés’’. C’est pourquoi, dans son réquisitoire, elle ne les a pas manqués, pour avoir instrumentalisé les prévenus. ''Notre intention n’était pas de faire des casses, mais d'exiger la libération du Cheikh par la parole et non par des actes de banditisme’’, s'est défendu Souleymane Diagne, étudiant en année de maîtrise au département de Philosophie. Le chargé de la coordination reconnaît toutefois avoir diffusé le message invitant à un rassemblement à Rebeuss.

 

Pour l’agent judiciaire de l’État, les messages étaient subversifs. ''On exploite la misère de gens de la petite société qui ne sont même pas solvables. (…) Ils sont victimes de l’obscurantisme'', a fustigé Babacar Bâ qui réclame 2 milliards de francs Cfa au titre de préjudice moral. La cinquantaine de partie civile réclame des dommages et intérêts variant entre 50 000 francs et 191 millions de francs Cfa.

 

La défense, composée pour la plupart de membres du collectif des avocats de Cheikh Béthio Thioune a, à l’unanimité, plaidé la relaxe pure et simple. Évoquant un problème d’imputabilité des faits, les conseils des prévenus ont estimé que la plupart de leurs clients ont commis le délit d’être ‘’Thiantacounes’’.

 

Démarré à 11h 50mn, le procès a pris fin à 1h du matin, sans que les prévenus soient édifiés sur leur sort. Car, l’affaire est mise en délibéré pour le 29 novembre prochain.

 

FATOU SY

 

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