Partie d'échec entre le juge, l’avocat et ses confrères
Absence de la partie civile qui a récusé le juge, bouderie des avocats du plaignant. C’est dans cette ambiance que s’est déroulé, hier, le procès opposant l’avocat Me Amadou Moustapha Mbodj au PDG de la 2Stv, El Hadj Ndiaye ainsi que son fils Abdoul Ndiaye et le Dg de ladite chaîne, Ousmane Cissé. Ceux-ci sont poursuivis pour menaces de mort verbales et coups et blessures volontaires.
La bataille dite entre le ''Barreau'' et le président directeur général de la chaîne de télévision privée 2Stv n’a pas eu finalement lieu. Car le procès opposant Me Amadou Moustapha Mbodj à El Hadj Ndiaye s’est déroulé hier sans la partie civile et ses conseils. Si le plaignant a brillé par son absence, ses avocats ont tout bonnement boudé.
Dès l’ouverture de l’audience à 11 heures, Me Ndiaga Sy a sollicité le renvoi du procès : ''L’affaire ne peut pas être jugée car nous n’avons pas encore la réponse du Premier président de la Cour d’appel à qui nous avons adressé une correspondance vous récusant'', a justifié l’avocat. ''Je n’ai pas eu notification de votre requête'', a rétorqué le président de la séance, le juge Moustapha Diouf. Décidé à retenir l’affaire, le juge de lancer aux avocats de la partie civile : ''On ne peut pas continuer à retenir le peuple en otage, car toutes les dispositions ont été prises pour juger cette affaire aujourd’hui, en audience spéciale''. Sur ce, il a entamé les débats mais l’un des avocats de la partie civile, Me Ahmadou Bamba Cissé, a de suite sollicité une suspension.
Pendant la pause, les robes noires se sont concertées puis ont décidé de ne pas participer aux débats d’audience. Mais cette position n'a pas fait l’unanimité chez les avocats. Néanmoins, à la reprise de l'audience, après une suspension de 5 minutes, la dizaine d’avocats présente, sur une centaine constituée pour leur confrère Amadou Moustapha Mbodj, a quitté la salle un à un. D’autres se sont tout simplement débarrassés de leur robe en prenant place dans la salle pour suivre l’audience comme de simples spectateurs.
El Hadj Ndiaye : ''J’ai voulu le gifler, je l’ai raté''
Au cours des débats d’audience, le PDG de la 2Stv, El Hadj Ndiaye et Ousmane Cissé, le directeur général, ont contesté les faits de menaces de mort et de coups et blessures volontaires. Seul Abdoul Ndiaye, fils du patron de la chaîne privée, a avoué avoir porté des coups sur l’avocat. ''Juste une gifle’’, a répondu Abdoul Ndiaye. ''Vu les constations du certificat médical, on voit que même une gifle de Bombardier (Ndlr, surnom de Serigne Dia, lutteur de Mbour) n’aurait pas causé tous ces dégâts'', balance le juge.
Réfutant avoir levé la main sur le plaignant, Ousmane Cissé a accusé l’avocat du promoteur de lutte Luc Nicolaï de les avoir provoqués depuis le salon d’honneur de la Radio télévision nationale (RTS) théâtre des faits. ''Il ne cessait de nous injurier, y compris moi-même. Je ne l’ai pas frappé mais je me suis interposé lorsqu'Abdoul l’a giflé'', s'est défendu le Dg. Entendu auparavant, El Hadj Ndiaye avoue avoir voulu porter un coup au plaignant : ''Monsieur le président, honnêtement, j’ai voulu le taper mais je l’ai raté''.
Selon le patron de presse, Me Mbodj l’a provoqué avant le démarrage du débat télévisé relatif à une polémique sur un contrat d’exclusivité de retransmission de combats de lutte sur la 2Stv. ''Il a commencé à me traiter de nullard, d’illettré. J’ai même voulu partir mais Marième Selly Kane de la RTS m’a retenu. En lisant l’avenant [audit contrat entre Luc Nicolaï et la 2Stv] sur le plateau [de la RTS], il a lu le mot abrogation. Je l’ai rectifié en lui disant que ce terme n’y figurait pas et il m’a traité de bâtard'', a narré El Hadj Ndiaye.
La RTS en prend pour son grade
Sur sa lancée, le patron de la 2Stv a déversé sa bile sur les responsables de la chaîne publique. ''C’est eux qui ont donné le film [de la bagarre] à toutes les autres chaînes alors que le débat était en différé'', a dénoncé El Hadj Ndiaye. A son avis, si les choses en sont arrivées là, c’est la faute à la RTS : ''Moi, je me suis rendu à la RTS pour un point de presse mais à mon arrivée, j’ai retrouvé Luc Nicolaï et ses marabouts. J’ai constaté qu’à la place du point de presse, la RTS a organisé un débat'', a argué El Hadj Ndiaye.
Loin de ces considérations, le substitut du procureur, Seydina Oumar Diallo, a estimé que les faits sont sacrés. Toutefois, il a demandé la relaxe de tous les prévenus du délit de menaces de mort verbales. Il a requis de même pour la relaxe d'El Hadj Ndiaye et Ousmane Cissé du délit de coups et blessures volontaires. En revanche, M. Diallo a requis six mois assorti du sursis contre Abdoul Ndiaye. Les avocats de la défense Mes Baboucar Cissé, Fatima Sall et Gaël Bâ ont plaidé l’excuse de provocation avant de demander la clémence à l’endroit d'Abdoul Ndiaye. Délibéré le 15 novembre prochain.
FATOU SY