Publié le 19 Oct 2023 - 22:42
RÉINTÉGRATION D’OUSMANE SONKO

L’ordonnance notifiée au préfet de Ziguinchor

 

L’Administration sénégalaise, qui a décidé de la radiation d’Ousmane Sonko des listes électorales, a été saisie par le président du tribunal d’instance de Ziguinchor pour la notification de sa décision d’annulation de cette décision et de l’ordonnance de sa réinscription.

 

Une semaine après l’audience du 12 octobre 2023, lors de laquelle le président du tribunal d’instance de Ziguinchor a prononcé l’annulation de la radiation d’Ousmane Sonko sur les listes et électorales et même sa réintroduction, le juge Sabassy Sall a adressé une correspondance reçue hier par le préfet de Ziguinchor pour notification de l’ordonnance qui a été rendue. Désormais, aucun obstacle ne se dresse contre la remise des fiches de parrainage au mandataire du principal opposant du régime.

C’est une première victoire pour les partisans du leader de l’ex-Pastef qui revient, pour le moment, dans la course à la candidature pour la Présidentielle du 25 février 2024. Si son sort a été décidé par le président du tribunal d’instance de Ziguinchor, on connait désormais les motivations du magistrat, après la publication de l’ordonnance de l’audience.

Ainsi, c’est un vice de procédure  qui a été identifiée comme irrégulière par le juge, la radiation administrative d’Ousmane Sonko n’ayant pas respecté l’article 311 du Code de procédure pénale (CPP).

Une décision basée sur un vice de procédure

Selon le juge, l’article 312 du Code de procédure pénale prévoit qu’‘’à partir de l'accomplissement des mesures de publicité prescrites par l'article précédent, le condamné est frappé de toutes les déchéances prévues par la loi’’. Ces mesures de publicité ont été clairement citées dans l'article 311 susvisé, qui dispose : ‘’Extrait de la décision de condamnation est, dans le plus bref délai à la diligence du ministère public, inséré dans l'un des journaux de la République ; il est affiché en outre à la porte du dernier domicile du condamné, à la porte de la mairie de sa commune ou à la porte des bureaux de son arrondissement ou de l'arrondissement où le crime a été commis et au tableau d'affichage du tribunal de grande instance. Pareil extrait est adressé au représentant du service des domaines du domicile du contumax.’’

Constatant qu'en l'espèce aucune preuve de ces formalités qui permettent d'appliquer la déchéance n'a été versée à la procédure, Sabassy Faye a jugé que la demande du requérant est juste et fondée, et que la mesure de radiation du nom d’Ousmane Sonko des listes électorales est irrégulière.

Une position appuyée par un expert juridique consultée par ‘’EnQuête’’ qui estime que bien qu’une version d’un journal de la place où la radiation a été publiée ait été brandie, il appartenait à l'agent judiciaire de l’État (AJE) de le prouver. ‘’Le juge ne peut pas procéder par divination. En dehors de l'exemplaire du journal, l'AJE est incapable de prouver qu'il s'est conformé aux prescriptions de l'article 311 du Code de procédure pénale.’’

Aucune preuve du respect des articles 311 et 312 du CPP

Notre interlocuteur ajoute que le défaut d'affichage dans les lieux indiqués a été prouvé par un PV de constat d'huissier (constat de Maître Weynde Dieng versé par Ousmane Sonko) que l'AJE n'a pas contesté à l'audience ni dans son mémoire. Ceci fait, selon lui, que ‘’le juge a parfaitement rempli son office en tirant des conséquences juridiques des pièces qui ont été versées aux débats’’.

Si le juge a donné raison à la ligne de défense des avocats de l’opposant, l’État du Sénégal a invoqué le n°67 du 1er juin 2023 de la Chambre criminelle du tribunal de grande instance hors classe de Dakar statuant par contumace contre Ousmane Sonko et qui l’a déclaré coupable de corruption de la jeunesse et condamné à deux ans d’emprisonnement ferme. Cette condamnation a été transmise par le ministre de la Justice, comme le veut la procédure normale des choses, au ministre de l’Intérieur qui a saisi la Direction de l’automatisation des fichiers (Daf) pour la déchéance d’un condamné qui n’est soumis à aucune procédure particulière.

L’AJE distingue Ousmane Sonko arrêté d’Ousmane Sonko qui est condamné par contumace

Pour l’AJE, l'argumentaire selon lequel le jugement de la chambre criminelle aurait été anéanti est dénué de fondement, puisqu’aucun lien objectif et direct ne peut être établi entre le placement sous mandat de dépôt d'Ousmane Sonko et sa situation de contumax. Se fondant sur les déclarations du procureur de la République lors de l’arrestation de l’opposant, le 28 juillet 2023, le représentant de l’État déduit que l'article 307 du CPP invoqué par le requérant n'a pas vocation à s'appliquer au cas d'espèce, puisque le contumax n'a été ni arrêté dans le cadre de l'exécution de la sentence criminelle et ne s'est point constitué prisonnier.

Toutefois, cette affaire n’est pas terminée, au plan juridique. Au lendemain de la décision du président du tribunal d’instance de Ziguinchor, l’AJE Yoro Moussa Diallo a annoncé que l’État a décidé d'intenter un recours contre la décision du juge d’annuler la radiation d’Ousmane Sonko des listes électorales et l’ordonnance de sa réinscription, ‘’afin que la loi soit rigoureusement appliquée’’.

L’AJE renonce à la récusation du juge Sabassy Faye

Par la même occasion, il avait confirmé avoir écrit, lors de l’audience, au premier président de la Cour d’appel de Ziguinchor, pour solliciter, ‘’en vertu des dispositions des articles 220 et suivants (Code de procédure pénale) la récusation de Me Sabassy Faye, Président du tribunal d’instance de Ziguinchor qui a reconnu les liens de parenté avec le sieur El Hadj Saër Faye. Ce dernier, militant de Pastef, est par ailleurs le 16e adjoint au maire demandeur dans cette affaire’’.

Alors que le premier président de la Cour d’appel de Ziguinchor devait statuer sur cette récusation, l’AJE a déposé un acte de désistement. La requête de Yoro Moussa Diallo avait déjà été rejetée par le juge Sabassy Faye ‘’comme mal formée’’, lors de l‘audience du 12 octobre 2023, se déclarant ‘’compétent’’ pour recevoir l’action judiciaire.

Selon certaines indiscrétions, cette requête de l’AJE n’avait aucune chance d’obtenir une approbation de la cour d’appel.

Le dernier espoir de l’État du Sénégal dans ce dossier reste le recours introduit à la Cour suprême.

Lamine Diouf

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