Babacar Ngom, l’homme des ‘’nombreux scandales’’
Suite à l’interdiction, par le préfet, du sit-in qu’il a voulu tenir hier, le Collectif des adhérents pour la sauvegarde de la Mutuelle de santé des agents de l’État a finalement tenu un point de presse au siège du Cadre unitaire syndical des enseignants du moyen secondaire (Cusems). À cette occasion, les membres présents n’ont pas raté Babacar Ngom, le président de la mutuelle.
Un coup de gueule énorme ! Rouge de colère, le Collectif des adhérents de la Mutuelle de santé des agents de l’État (MSAE) s’en est pris, hier, à leur président et son bureau. En témoignent les messages sur les différentes pancartes : ‘’Babacar Ngom, fossoyeur de la MSAE’’, ‘’L’argent de la MSAE est destiné à la santé des adhérents et non à vos familles’’, ‘’Des terrains achetés et non mutés au nom de la MSAE’’, etc. Ces mots ne suffisent pas pour décrire la furie du collectif qui n’a pas manqué de lâcher des bombes.
À noter que le collectif représente tous les adhérents qui sont au nombre de quarante-cinq mille à travers le pays.
Avec une voix qui retentit dans toute la salle, Abdoulaye Ndoye n’a pas fait dans la langue de bois. À cette occasion, il a expliqué le lien existant entre le Cadre unitaire syndical des enseignants du moyen secondaire (Cusems) dont il est le secrétaire général et la MSAE. ‘’Notre syndicat a signé un protocole d’accord avec la MSAE depuis 2010. Alors, si nous sommes à un stade où les adhérents de la mutuelle n’arrivent plus à se soigner, ne bénéficient plus d’une prise en charge, notre devoir est d’interpeller et de demander à l’autorité de prendre les mesures idoines. Le Sénégal est vraiment un pays de paradoxes. La situation actuelle qui prévaut dans la mutuelle est pire que ce qui se passe au niveau de La Poste et du Trésor. Parce que ce sont des personnes qui cotisent pour des soins de leurs familles. Et voilà que des gens prennent cet argent pour faire la noce !’’.
La suite de ses propos est encore plus frappante. En effet, pour M. Ndoye, l’État du Sénégal a eu connaissance de cette situation. Il tonne : ‘’Le président Macky Sall est au courant. De même que le gouvernement et le ministre de tutelle qui protège Babacar Ngom. Juridiquement, il n’a pas le droit de diriger une mutuelle. Il déshonore les magistrats du Sénégal. Et après tout ça, il se vante que personne ne peut rien contre lui, que les plaintes déposées n’auront aucune suite. Qu’il sache que quiconque mange notre argent le paiera. Nous sommes prêts à tout’’.
Une délibération à 300 millions F CFA
Le secrétaire général du Cusems ne semble pas lâcher son morceau. Ses révélations font froid dans le dos. ‘’Ils sont en train d’acheter partout des terrains. Et en guise d’exemple, il y en a une superficie de 3 ha, une délibération à Ziguinchor à 300 millions de francs CFA. Un hectare à Djibélor, zone marécageuse, à 100 millions. Pour une convocation d’assemblée générale, on donne à chaque personne 65 000 F comme remboursement de transport. Le président Macky Sall est interpelé. Notre combat ne fait que commencer. Nous voulons que l’argent que nous cotisons soit mis sous administration provisoire’’.
De plus, il demande que les plaintes déjà déposées contre M. Ngom soient diligentées. ‘’Il faut un audit pour que les coupables soient mis en prison. C’est extrêmement grave ! Et tous ceux qui sont avec Babacar Ngom vont payer cher, parce que notre argent n’est pas à voler. Avant-hier seulement, un membre de la mutuelle m’a appelé depuis Kaolack pour me dire qu’ils ont des difficultés’’.
À son avis, l’injustice notée dans le pays est déplorable. Selon lui, ceux qui travaillent dans la justice, comme Babacar Ngom qui est magistrat, sont protégés. Ainsi, ceci lui a suffi pour demander l’ouverture des prisons et de libérer tous les prisonniers, puisqu’il n’y a plus de justice équitable. Ainsi, le collectif va lancer des pétitions dans tous les départements du pays pour exiger le départ de Babacar Ngom de la MSAE, l’aboutissement des enquêtes et la sanction de ceux qui ont commis des délits.
846 309 950 F CFA pour un immeuble
Dans sa déclaration, le collectif a porté à la connaissance du public certains scandales, comme le dépassement dans les autorisations de dépenses. C’est-à-dire les fonds décaissés pour construire un immeuble.
En effet, le collectif renseigne que pour la construction d’un siège de la MSAE, la somme fixée initialement était de 285 millions 955 mille 750 francs CFA. Ce, pour un immeuble de trois niveaux.
Toutefois, dit-il, ce montant s’est retrouvé à 846 millions 309 mille 950 francs CFA pour un immeuble de quatre étages plus terrasse, à l’issue de la signature d’un avenant de 560 millions 354 mille 200 francs CFA. Tout ceci ‘’sans aucune autorisation de l’Assemblée générale (AG) qui est l’instance habilitée’’.
En outre, le collectif informe que la MSAE connait ‘’de graves problèmes de gouvernance, du fait de la violation des dispositions législatives et réglementaires régissant les mutuelles de santé’’ (règlement n°07/2009/cm/UEMOA portant réglementation de la mutualité sociale au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africain (UEMOA), loi n°2003-14 du 4 juin 2003 relative aux mutuelles de santé et de son décret d’application). Il a aussi dénoncé des scandales comme le ‘’détournement de mission’’, ‘’le blocage dans le fonctionnement’’ et ‘’les malversations dans la gestion des fonds’’.
Dans sa déclaration, il est revenu sur un certain nombre de problèmes qu’il considère comme une transgression. Il s’agit notamment de ‘’la course effrénée vers l’achat de terrains entachée d’irrégularités manifestes aux textes réglementaires’’. Il y a aussi ‘’les dépenses effectuées hors budget et pour des montants douteux et très élevés’’, ‘’le principe du cantonnement ignoré’’ et ‘’le respect du taux de sinistralité fortement menacé’’.
16 millions F CFA de dette, 28 millions de factures…
Adama Kanouté, Coordonnateur de la section de Saint-Louis, laisse entendre qu’ils vivent des difficultés au quotidien. Il renseigne que des gens leur en veulent chaque jour pour des questions de remboursement. ‘’Même à Saint-Louis, l’hôpital ne nous accepte pas, nous faisant savoir que nous lui devons 16 millions de francs CFA’’.
‘’On ne comprend vraiment pas ce que Babacar Ngom et sa bande veulent. Ce qui est pire, ils ont présenté une facture de réparation de véhicules à hauteur de 28 millions de francs CFA. Sans compter les frais de missions qu’ils ont prétendu effectuer. Et ils ne font aucun rapport de mission. Nous ne sommes jamais informés, en tant qu’administrateurs.
Si on s’en tient à son avis, la MSAE est ‘’entre les mains de prédateurs’’. Il n’y a pas eu, jusque-là, une AG de renouvellement des instances de la MSAE. ‘’Des gens sortent et lisent une résolution pour ensuite dire que cette dernière leur demande de se maintenir au niveau du Bureau exécutif pour un mandat de trois ans. Ce qui est catastrophique à tout point de vue. C’est pourquoi nous allons continuer la lutte pour que la mutuelle soit rétablie dans ses droits’’, avance-t-il.
D’après ses propos, le mandat de Babacar Ngom est terminé depuis trois ans. Il revient sur les détails : ‘’C’est vraiment un imbroglio indescriptible. En réalité, son mandat a pris fin en mai 2019. Et depuis lors, il n’a pas voulu convoquer des instances. Pourtant, nous avons saisi le ministère de tutelle pour nous permettre de remettre la mutuelle sur les rails.’’
Concernant cette question liée au mandat, M. Kanouté fait savoir : ‘’En mai 2016, nous avons mis une équipe, avec Babacar Ngom comme président. En 2019, ils n’ont pas convoqué une AG. Même pas un conseil d’administration qui, pourtant, est chargé de voter et d’apprécier le budget. C’est pourquoi nous avons convoqué un conseil d’administration extraordinaire pour en savoir plus sur leur mutisme. Mais ils n’ont pas répondu. C’est pourquoi nous qui étions là, avions jugé nécessaire de mettre en place un comité ad hoc pour trois mois. C’était pour avoir des réponses par rapport au silence de Babacar et Ngom et son bureau. Ainsi, nous avions commandité une mission d’audit externe auprès d’experts en la matière. Ces derniers nous ont fait un audit financier et administratif. Et suite à cet audit, ils ont sorti un document dans lequel il y avait des acquisitions de terrains tous azimuts, un peu partout au Sénégal, sans aucune autorisation. C’est du jamais vu !’’
Des irrégularités…
En plus des ‘’malversations financières’’, les agents de la mutuelle de santé ont fustigé des dérives de Babacar Ngom. Ils estiment que ce dernier et son équipe ont entamé le renouvellement des bureaux des sections sur la base de convocations. Et c’est fait, pour la plupart des cas, à l’insu des bureaux sortants et dans ‘’une nébulosité totale’’. Autrement dit, pas de publicité selon les canaux appropriés, pas de contrôle pour vérifier l’identité des participants…
Autres actes ‘’regrettables’’ : le collectif fait savoir que M. Ngom et son bureau se sont arrogé le droit d’exclure quatre administrateurs, ‘’en ignorant totalement les dispositions réglementaires’’. Il estime, par ailleurs, que Babacar Ngom a défié l’autorité manifestée, car malgré l’interdiction de la tenue de l’Assemblée générale par le sous-préfet de Sindia (arrêté 001117/as/sp du 17/09/2021), il a tenté de passer outre, obligeant le commissaire de police de la localité à effectuer une descente pour disperser les personnes qu’il avait regroupées autour de lui nuitamment.
Le collectif soutient aussi que l’aboutissement des différentes violations faites par M. Ngom est la tentative de réunir une AG nationale ordinaire hors de Dakar qui abritait traditionnellement l’instance. Or, au moment des faits, toutes les sections n’avaient pas encore élu leurs délégués.
Toutes ces irrégularités ont poussé les membres de la mutuelle de santé à proposer des solutions. Ils le font savoir ainsi : ‘’Conscients de la situation alarmante qui menace la survie de la première mutuelle d’envergure nationale du Sénégal, nous avons jugé nécessaire de tirer la sonnette d’alarme. C’est pourquoi nous sollicitons, notamment auprès des autorités, la mise en place d’un comité ad hoc, ainsi que l’organisation d’un audit financier et administratif de la MSAE. Ce, en application de l’article 2 du décret n°2009-423 du 27 avril 2009, portant application de la loi n°2003-14 du 14 juin 2003 relative aux mutuelles de santé.’’
Sit-in interdit par le préfet Le collectif avait prévu un sit-in. Selon ses membres, ils ont reçu la notification d’interdiction aujourd’hui même (hier). Or, si on s’en tient à leurs explications, la demande a été déposée depuis le 23 décembre dernier. Adama Kanouté s’en désole : ‘’On nous a servi l’interdiction à la dernière minute, alors que la machine était enclenchée. Tout le monde sait qu’une interdiction se fait dans les délais. Mais ce n’est pas grave. Nous sommes des républicains respectueux des lois et règlements qui régissent ce pays.’’ À ce sujet, Abdoulaye Ndoye martèle : ‘’Ils l’ont interdit, disent-ils, pour troubles à l’ordre public. C’est une contradiction. Quand on informe l’autorité, c’est pour qu’elle assure la sécurité. Si les policiers que nous avons retrouvés sur place sont mobilisés pour sécuriser le sit-in, il ne peut y avoir de trouble.’’ |
El hadji Fodé Sarr (Stagiaire)