Les pistes de solutions de Cicodev et Legs Africa
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Pour régler, définitivement, les nombreux litiges fonciers qui secouent le pays, Cicodev et Legs Africa ont fait des recommandations à l’Etat du Sénégal.
L’accès à la terre est le premier droit fondamental, car le foncier permet à 70 % de la population du pays de satisfaire leurs besoins essentiels que sont le logement, la nourriture, la mobilité, l’accès à la santé par les plantes médicinales, etc. Il est donc facile d’imaginer l’impact que la dépossession d’un lopin de terre peut avoir, en termes de dignité, sur les communautés victimes.
C’est fort de cette réalité que l’Institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement (Cicodev) et Legs-Africa constatent, pour le regretter, un regain de conflits fonciers dans le pays. De Ndingler à Dougar, en passant par Njael ou encore Diembéring, les communautés sont sur le pied de guerre pour la préservation de leurs patrimoines fonciers contre des investisseurs privés, des élus, l’Etat ou encore des promoteurs immobiliers.
A travers un communiqué reçu à ‘’EnQuête’’, ces deux entités déplorent les nombreux conflits qui ont abouti à des cas de démolition de maisons que les communautés ont mis des années à construire, des violences physiques exercées sur la population et ayant entrainé des blessures graves du côté des communautés.
‘’Nous condamnons cette violence protéiforme et appelons l’Etat du Sénégal, détenteur de la force publique, à la retenue et lui rappelons surtout son devoir constitutionnel d’assurer la paix et la sécurité, la protection des citoyens sénégalais, en application de la Constitution, des traités et conventions internationaux sur les droits humains dont il est signataire.
‘’Par ailleurs, il est tout aussi utile de préciser qu’en l’état actuel de la législation foncière, aucun texte ne permet l’établissement de titre foncier sur les terres arables des communautés. Si l’Etat, seul investi du pouvoir d’immatriculation, doit recourir à ce procédé, il ne doit le faire que pour des raisons d’utilité publique légalement constatée et après concertation/information avec les populations locales’’, rappelle le document.
Aussi, tenant compte de la lettre et de l’esprit de la loi 64-46 du 17 juin 1964 portant domaine national, il est difficilement concevable qu’un investisseur, fut-il national, se prévale d’un titre foncier sur les terres communautaires. Et ce n’est pas pour rien d’ailleurs, selon la note, que le chef de l’Etat a laissé entendre, lors de son face-à-face avec la presse le 31 décembre dernier, qu’il a instruit ‘’le ministre des Finances et du Budget d’engager des réformes afin qu’il ne soit plus possible d’octroyer des titres fonciers sur les terres arables’’.
‘’Au demeurant, les procédures foncières doivent évoluer au plan étatique. Par exemple, en ce qui concerne la mobilisation des assiettes foncières des terres agricoles, source principale des problèmes, il y a des efforts à faire, parce que dans la procédure, l’Etat reste dans une perspective très juridique, ne permettant pas ainsi de résoudre totalement les problèmes soulevés par la question foncière qui sont également d’ordres socio-économiques, cultuels et culturels. Si on ne met pas en avant le processus social d’intégration des populations, on va vers plus de contestations qui peuvent être source de violences/violations. L’Etat doit instaurer un véritable processus participatif avec les communautés’’, suggèrent-elles.
Dans ce sillage et au regard du contexte actuel, poursuit-on dans le document, il est urgent pour l’Etat de prendre des mesures pour assurer la pleine jouissance des communautés de leurs droits fonciers dans la paix et la quiétude. Pour Cicodev et Legs Africa, ces mesures sont similaires à celles formulées durant un panel sur les droits humains organisé au mois de mars dernier.
Ainsi, les rédacteurs recommandent l’institutionnalisation d’un contrôle citoyen à tous les niveaux de la gouvernance foncière au Sénégal, pour garantir la participation effective des populations, l’adoption d’un arrêté ministériel interdisant l’octroi d’un titre foncier sur les terres arables des communautés locales, en application de l’instruction présidentielle du 31 décembre 2020. A cela, s’ajoutent l’adoption de mécanismes juridiques spécifiques protégeant les défenseurs des droits fonciers pour leur permettre de faire leur travail en toute quiétude, la remise à jour de la question de la réforme foncière dans sa globalité en ressortant le document de politique foncière. Cela permettra d’aller vers des solutions concertées, des solutions consensuelles entre les familles d’acteurs, à l’effet d’asseoir une gouvernance foncière porteuse d’un développement socio-économique, dans un cadre de paix qui profite à tous.
Enfin, sur les baux agricoles en milieu périurbain, il faut, selon la même source, développer des mécanismes et des clauses de retour à la terre des producteurs/utilisateurs légitimes de la terre.
CHEIKH THIAM