Les sportifs entre soulagement, enthousiasme et espoir
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L’état de catastrophe sanitaire décrété au Sénégal, depuis le mois de janvier dernier, a été levé, ce vendredi, à partir de 00 h. Après des mois d’inactivité, les amoureux du sport peuvent envisager de reprendre le chemin des stades et salles de sport. Cette mesure est un soulagement pour les acteurs du monde sportif, en attendant l’effectivité de cette ouverture des infrastructures sportives, avec la mise en place de protocoles sanitaires adaptées à chaque discipline, comme annoncé par le ministre des Sports, Matar Ba.
La pandémie de Covid-19, depuis son apparition au Sénégal en mars 2020, a impacté nombre de secteurs. Le sport n’a pas été épargné, avec un arrêt brusque des activités. Après près de dix mois d’attente, d’angoisse et de souffrance, certaines disciplines ont pu voir le bout du tunnel, en retrouvant les terrains et salles de sport. Encore que ce retour aux affaires s’est fait sans la présence du public. Pendant ce temps, d’autres sportifs, eux, se tournaient les pouces, espérant la fin de la pandémie ou un allégement des restrictions imposées par les autorités publiques.
Mais l’espoir est permis, depuis le début du mois de mars, notamment après la décision du président de la République concernant la levée de l’état de catastrophe sanitaire à partir de ce 19 mars. Le ministre des Sports, Matar Ba, a aussitôt annoncé la bonne nouvelle : ‘‘Maintenant que Monsieur le Président de la République a allégé le couvre-feu, ramené désormais de minuit à 5 h et pris la décision de lever l’état de catastrophe sanitaire à partir du 19 mars prochain, les conditions sont réunies pour une reprise des compétitions sportives suivant d’autres modalités à définir et à arrêter.’’
Ce vendredi 19 mars, le président Macky Sall a effectivement levé l’état de catastrophe sanitaire, au grand bonheur du monde sportif. ‘’Le supporter de football n’est pas seulement un spectateur ordinaire, c’est aussi un acharné qui entend vivre sa passion. Il s’approprie la notion de compétition dans ses activités de soutien. Son travail se base sur une acceptation en tant qu’individu qui s’investit émotionnellement’’, se réjouit Mbaye Samb, supporter du Jaraaf de Dakar.
Dès la déclaration du ministre de Sports du retour prochain du public dans les stades, son désir de retrouver les tribunes pour supporter son équipe s’est décuplé. Quant à Ahmed Sy, trouvé aux alentours du stade Demba de Diop de Dakar, il salue cette décision qui va faire du bien aux footballeurs. ‘’En football, la présence des supporters est essentielle. Ces derniers donnent de l’envie aux joueurs. Les supporters fournissent de l’ambiance dans le stade. Aller les week-ends au stade et regarder un match était à la fois un rituel et une habitude dont j’ai été privé par la Covid-19, et même les footballeurs ont perdu leur fraicheur’’, a déclaré ce vieux, passionné de foot.
Le retour attendu du public dans les stades devrait attirer, selon plusieurs estimations, près de cinq cents spectateurs par match du championnat d’élite. Le président de l’Association des supporters du 12e Gaindé, Issa Laye Diop, s’en réjouit. ‘’Les supporters sont très excités à l’idée de regagner les stades. Cela pouvait relancer le championnat national de football qui n’est pas habitué au grand public, contrairement à d’autres pays. Avec ce retour, je pense que les équipes vont recevoir de nouveaux supporters. Ce qui peut élargir le public sur les gradins’’, dit-il.
Avec le football, le basket est l’une des disciplines à avoir repris ses compétitions en début d’année sans ses supporters. D’après le coach d’Hlm basket club, Vito Diaw, le régime du huis clos n’avantageait pas les équipes qui jouaient à domicile, car le nombre de victoires à l’extérieur a même augmenté pour certains clubs. ‘’En l’absence du public, les équipes à domicile perdent leurs repères, tandis que les équipes visiteuses se sentent pousser des ailes’’.
L’accès à nouveau du public aux infrastructures sportives n’est pas si enchanteur pour tous les acteurs. C’est notamment le cas des arbitres qui pourraient appréhender cette mesure comme le retour de leur calvaire. Certaines rencontres peuvent parfois être émaillées de tensions. Dans ce cas, les décisions arbitrales ne sont pas parfois approuvées par les supporters, qui peuvent menacer les arbitres.
Un risque réel, selon Ibrahima Diaby, un arbitre de basket-ball, qui a une fois vécu des évènements terribles en 2015. Les arbitres sont souvent confrontés, souligne-t-il, ‘’à des menaces de mort, des insultes, entre autres’’.
L’espoir renait dans l’arène
Parmi les différentes disciplines sportives, les acteurs de la lutte semblent avoir été les plus atteints par la pandémie du nouveau coronavirus. Si certaines disciplines sportives ont pu redémarrer leurs compétitions avec des réaménagements, l’arène sénégalaise est restée inactive depuis la survenue de la Covid-19 au Sénégal.
Depuis un an, les lutteurs sont plongés dans un chômage sans précédent. La levée de l’état de catastrophe sanitaire arrive comme une bouffée d’oxygène par les acteurs de la lutte. Le retour du public dans les stades va permettre au Comité national de la gestion de la lutte (CNG), dirigé par de Bira Sène, de compenser les énormes pertes financières, mais surtout aux athlètes de reprendre leur principal gagne-pain, l’unique pour certains. C’est le cas d’Ousmane Dia.
Joint par téléphone, le pensionnaire de l’écurie Fass, plus connu sous le nom d’‘’Ousmane Dolé’’, se confie. ‘’Depuis deux ans, je n’ai pas lutté, alors que je n’ai pas d’autre activité. Mais avec l’ouverture des stades, je crois que ma situation va changer’’, espère le Fassois. Pour le chroniqueur de lutte Omar Diagne ‘’Omez’’, c’est toutes les activités gravitant autour de la lutte qui seront soulagées, comme les propriétaires des salles de sport, les speakers et même les charlatans. ‘’C’est tous les acteurs de la lutte qui y gagnent’’, soutient l’ancien manager du lutteur Tapha Tine.
Même si on peut s’attendre à des lendemains meilleurs pour les sportifs sénégalais, le retour à la normale ne se fera pas de sitôt, car la Covid-19 est toujours là. D’ailleurs, le ministre des Sports a fait savoir que les conditions d’organisation des évènements sportifs seront toujours accompagnées par les mesures nécessaires au respect des mesures barrières dont la distanciation et le port du masque. De l’avis du président de l’Association des lutteurs en activité, Gris Bordeaux, l’argent que le CNG défalque du cachet des lutteurs à travers les sanctions financières doit servir pour une bonne ouverture de la saison. Quand bien même, la jauge de l’Arène nationale ne soit pour le moment limitée à 15 000 personnes pour chaque combat de lutte, Amath Diaw, un jeune businessman qui souhaiterait bientôt devenir promoteur de lutte, se dit satisfait, même avec 1 000 spectateurs pour se lancer. ‘’L’important, c’est de donner au public ce que le confinement lui avait privé. C’est-à-dire de l’ambiance et du spectacle’’.
MATAR CISSÉ (STAGIAIRE)