Les pêcheurs de la Langue de Barbarie restent au quai
L’Agence nationale de l'aviation civile et de la météorologie (Anacim) a annoncé une mer agitée avec des houles pouvant dépasser les trois mètres de hauteur sur les côtes, de Saint-Louis à Dakar, jusqu’au samedi 25 janvier. Les pêcheurs de Saint-Louis sont invités à prendre les dispositions idoines afin d’éviter d’éventuels accidents en mer. Au quartier Guet-Ndar, l’avertissement est pris très au sérieux par les acteurs de la pêche. Des associations et les services de pêche s’organisent déjà pour faire passer le message et inviter les pêcheurs à respecter les prévisions de la météo.
La Langue de Barbarie, située à l'embouchure du fleuve Sénégal, est un lieu prisé des pêcheurs pour la richesse de ses eaux. Cependant, cette région, par sa situation géographique, est particulièrement vulnérable aux conditions climatiques extrêmes, en particulier aux vagues déchaînées de la mer. Les pêcheurs, souvent habitués à affronter les caprices de l'océan, prennent parfois des risques inconsidérés, même lorsque les autorités météorologiques émettent des avertissements.
D’ailleurs, les lourds bilans des derniers accidents de pêcheurs sont encore frais dans la mémoire des populations de Guet-Ndar. Le dernier en date s’est produit dans la nuit du mardi au mercredi, où un jeune pêcheur guet-ndarien a perdu la vie à l’embouchure en foulant aux pieds les prévisions de mauvais temps et en bravant les interdits de la météo.
Pour éviter de pareilles situations dramatiques, le Service régional de pêche de Saint-Louis et quelques structures regroupant des acteurs de la pêche ont entrepris une sensibilisation des pêcheurs. Ils les informent sur les conséquences désastreuses pouvant découler du mauvais temps, surtout en haute mer.
Pour le porte-parole du Comité des sages de Guet-Ndar, tous les moyens de communication possibles sont mis en œuvre pour renseigner les pêcheurs de la Langue de Barbarie sur le bulletin de la météo. ‘’Quand nous avons reçu l’information de l’agitation de la mer avec de très fortes houles, nous nous sommes mobilisés pour la partager avec tous les acteurs de la Langue de Barbarie. Les gens sont avisés par des visites dans les grands lieux au bord du fleuve, mais aussi par les canaux du téléphone via SMS ou WhatsApp pour les sensibiliser. Des drapeaux rouges sont également hissés à des endroits stratégiques du quartier pour alerter sur le danger encouru en bravant les hautes vagues annoncées par la météo’’, a expliqué Vieux Mor Dièye.
Pour lui, les accidents en mer, comme les chavirements d'embarcations, sont des risques permanents lorsque la mer devient agitée. Les petites pirogues ou les embarcations, fréquemment utilisées par les pêcheurs de la Langue de Barbarie, sont particulièrement vulnérables. Ces types de pirogues ne sont pas conçus pour résister aux fortes vagues ou à des conditions extrêmes, ce qui augmente souvent les risques de chavirement. Il a également signalé que certains manquements en matière d'équipements de sécurité (gilets de sauvetage, dispositifs de signalisation, etc.) dans de nombreuses embarcations rendent les pêcheurs encore plus exposés. Sans ces équipements de base et certaines précautions de sécurité, a-t-il ajouté, en cas d'accident, la capacité à survivre ou à être secouru en temps utile est considérablement réduite.
Les alertes de la météo désormais prises en compte
Avant de rappeler que leur autorité ne se limite qu'à des séances de sensibilisation pour conscientiser les pêcheurs au respect des bulletins de la météo, ces séances, malgré quelques réticences, commencent à être bien accueillies par certains pêcheurs guet-ndarien. Trouvé assis sous une tente à rafistoler ses filets avec ses amis, le pêcheur Mamady Gaye insiste auprès de ses collègues sur l'importance de toujours respecter les avertissements des autorités météorologiques en cas de conditions dangereuses, en particulier lorsqu'une tempête, un cyclone ou un front froid approche. ‘’Lorsque ces alertes sont diffusées, les vagues et le vent peuvent se renforcer. Pourtant, beaucoup de pêcheurs, sous-estimant parfois la gravité de la situation, choisissent de partir en mer pour maximiser leurs prises. Certains peuvent également être mal informés ou désireux de ne pas perdre de l’argent. Cependant, cette décision peut se révéler tragique. Lorsqu'une perturbation se profile à l'horizon, les conditions en mer peuvent se dégrader à une vitesse alarmante, rendant le retour vers le rivage difficile, voire impossible. En cas de mauvaise visibilité due à la brume ou aux pluies, les pêcheurs risquent de se perdre en mer, d'être incapables de localiser leur port d'attache ou d'être emportés’’, a déclaré Mamady Gaye.
Des propos qui ont été confirmés par le secrétaire général de l'Association des jeunes pêcheurs de la Langue de Barbarie. Selon Abou Sarr, le quartier a perdu des centaines de jeunes dans les accidents de mer, souvent causés par des acteurs qui n'accordent aucun crédit aux prévisions de la météo. ‘’Ce qui est très dangereux pour nous, acteurs de la pêche, car la sécurité n’a pas de prix. D'ailleurs, il ne sert à rien de braver les interdits et de périr en mer à cause du mauvais temps. Les autorités locales et les organisations de sécurité maritime doivent intensifier leurs efforts pour informer la communauté de pêcheurs sur les risques associés aux conditions météorologiques extrêmes et les encourager à respecter les avertissements émis par les services météorologiques’’, a soutenu M. Sarr. Selon qui c'est un manque à gagner, mais il faut que les pêcheurs se fient aux alertes de la météo pour éviter les pertes en vie humaine et en matériel. ‘’Les pêcheurs doivent être incités à ne pas prendre de risques inutiles, à revoir leurs pratiques de pêche et à ne pas s'aventurer en mer lorsque les conditions sont défavorables. Une collaboration est requise entre les pêcheurs, les autorités météorologiques et les services de sécurité’’, a-t-il insisté.
IBRAHIMA BOCAR SENE SAINT-LOUIS