Publié le 9 Jan 2018 - 21:26
SALIOU SAMBOU (ANCIEN GOUVERNEUR, MEMBRE DU GRPC)

‘’Cette attaque n’a rien à voir avec le processus de paix’’

 

Membre du Groupe de réflexion pour la paix en Casamance (Grpc), l’ancien gouverneur de Dakar appelle à la retenue et avance que la tuerie de samedi n’est pas liée au processus de paix en Casamance.

 

Le massacre de Boffa Bayotte survient au moment où le président Macky Sall multiplie les gestes d’apaisement en direction des mouvements armés dans le Sud. Comment interpréter cette attaque ?

J’ai entendu parler de réponse sanglante au discours du 31 décembre 2017 de Macky Sall. Cela n’a absolument rien à voir. Même si le président de la République n’avait pas fait son discours dans une perspective d’ouverture pour la paix, il se pourrait qu’il y ait eu cette attaque. C’est un problème carrément indépendant du processus de paix. Il ne faudrait pas que les gens fassent de confusions. Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas claires. Attendons déjà que l’enquête suive son chemin et qu’on nous donne le rapport final.

Pour le moment, c’est de conjectures en conjectures, les gens émettent des hypothèses avec des ‘‘si’’ et là on peut tout mettre dans une bouteille. Ça n’a aucun rapport, encore une fois. Ce n’est pas étonnant. Certaines personnes  soutiennent  que c’est une réponse au discours du Nouvel an du chef de l’Etat. C’est une attitude presque politicienne. Il y a des gens qui ont intérêt à ce que ce soit ainsi. Je vous ai dit que sans le message du président, il se pourrait qu’il y ait problème, parce que certains disent que c’est un problème d’exploitation de forêt. Vous savez qu’en Casamance, nous avons notre culture. Nous vivons en symbiose avec la nature ; personne n’a le droit de couper dans certains endroits, pas même les populations locales, à plus forte raison des gens qui viennent d’ailleurs. Voilà le problème comment il faut le comprendre. Ce n’est pas une réponse au discours du président de la République. Ça, je peux vous le garantir.

Ce massacre n’est donc pas de nature à compromettre les avancées du processus de paix ?

Pas du tout. Le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) présente ses condoléances au peuple sénégalais et aux parents des victimes. Ceci pour dire qu’eux-mêmes vont collaborer pour trouver les auteurs de ce méfait. Finalement, c’est un acte ignoble, impardonnable. Quelles que soient les circonstances, on ne peut pas concevoir treize morts d’un seul coup, comme si on était en guerre, alors que nous pensons que le processus de paix est irréversible. Pour ce processus, nous avons dit que trop de communication va certainement fausser l’esprit, qu’il faut être discret, en réalité. C’est très sensible, une mauvaise interprétation d’un communiqué peut rallumer le feu.

C’est pourquoi nous ne voulons pas trop communiquer. Ce que le président Sall a compris. Il est sur la bonne voie, il faut qu’on le laisse pour qu’on en sorte rapidement. Plus ça dure, plus on a des risques de situations comme celle que nous venons de vivre. Le jour où l’on déposera les armes, il n’y aura pas de confusions et si quelqu’un s’adonne à des braquages, on saura qu’il ne fait pas partie du Mfdc. Les gens disent ‘‘éléments supposés appartenir au Mfdc’’, mais ce n’est pas exact. Il faut attendre qu’on arrive à la conclusion du rapport pour connaitre celui qui a fait ça. Je sais qu’on y arrivera.

On parle beaucoup d’accalmie dans le Sud, mais jusqu’à quand devra perdurer cette situation de ‘‘ni guerre ni paix’’ ?

Le Mfdc est divisé en plusieurs factions. Ce qui rend la tâche encore plus difficile. Mais nous faisons tout pour que les gens se réunissent et qu’on parle d’une même et égale voix. En ce moment, il n’est plus question d’indépendance, mais de sortir honorablement, la tête haute. Comment il faut faire ? C’est ça le problème, parce qu’il ne faudrait pas qu’en sortant de cette crise, qu’on puisse blesser ou laisser une situation inachevée qui peut raviver les tensions ultérieurement. C’est pour cela que nous prenons toutes les dispositions pour que le processus se passe dans le consensus le plus large possible et que le pardon soit dans les cœurs. Il faut gagner la paix d’abord et puis régler les problèmes qui sont venus s’y greffer. Avec Yaya Jammeh, on avait des difficultés, mais avec Adama Barrow, nous avons la collaboration de la Gambie, car c’est elle qui pillait nos forêts à travers un vaste trafic de bois.

Les gens ne voulaient pas en parler parce que c’était un voisin très turbulent qui pouvait profiter de la situation pour collaborer avec le Mfdc et  poser des problèmes au Sénégal. Profitons de la présence de Barrow pour essayer de régler tous les problèmes ensemble. Ce que le président Macky Sall a compris. On désenclave avec le pont, mais je crois qu’il faut trois ponts sur le fleuve Gambie pour mieux y arriver. Un vers Banjul, celui de Farafégné et un à partir du Nganda, pour que ceux qui viennent du Nord aillent en Casamance sans passer par Dakar. En Casamance, il faudrait un deuxième pont à Ziguinchor et un vers Sédhiou. Là, à tout moment, on peut aller de la Casamance vers Dakar, Saint-Louis, Diourbel, Bakel sans transiter par la capitale nationale.

OUSMANE LAYE DIOP

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