La retraite grise des pensionnaires de La Poste
Les retraités de Thiès ont barré la route nationale, hier mardi. À l’origine de leur colère, les retards dans le paiement de leurs pensions par La Poste. Une situation que vivent régulièrement ces personnes âgées qui ne comptent que sur la pension de retraite pour subvenir aux besoins de leurs familles.
Percevoir sa pension de retraite est un souffre-douleur pour les retraités de Thiès. Chaque mois, ce sont des va-et-vient incessants et des journées entières passées devant La Poste. La croix et la bannière pour recevoir une maigre pension de retraite. Le 8 de chaque mois, commence le calvaire de ces personnes âgées qui n’ont d’autre choix que de faire de La Poste leur lieu de convergence.
C’est donc à partir de 4 h du matin, bravant la fraicheur et la poussière du mois de décembre, que les retraités investissent le lieu. Ils y passent souvent la journée sans manger, ni boire, pour rentrer sans, vers 16 h, et faire face à la déception de toute une famille qui ne tient que grâce à cette pension. ‘’Cela fait une semaine que je fais des va-et-vient entre ma maison et la Postefinances. Je dépense 2 000 F CFA en transport tous les jours ! C’est dur ! Je suis père de famille et je n’ai que ma pension de retraite pour entretenir ma famille’’, confie ce vieil homme trouvé à l’Agence de La Poste du rond-point Nguinth.
Septuagénaire, teint noir, il est habillé en boubou vert et bonnet blanc. Les lunettes bien visées et le masque n’arrivent pas à cacher la tristesse sur son regard. A l’agence de La Poste, les retraités sont entassés dans une sorte de véranda très vétuste. Une ambiance morose sur place, silence totale, juste une longue attente sans explications claires. Certains s’occupent en égrenant leur chapelet, la tête baissée.
Cette dame de plus de 70 ans, enveloppée dans un foulard jaune, fait les cent pas. Elle ne peut pas s’assoir longtemps ; ses pieds lui font mal. ‘’Je ne peux ni m’assoir ni rester debout longtemps ; mes pieds ne tiennent plus. Je n’ai ni mangé ni bu depuis ce matin. Ma famille m’attend, je n’ai rien laissé à la maison. Voyez l’heure qu’il est et pourtant, la marmite n’est pas encore sur le feu, chez moi. Cette pension, c’est le fruit du travail de mon mari décédé. Je ne compte que sur ça. Je n’ai pas mangé depuis ce matin’’, a-t-elle répété.
Abdoulaye Frank Guèye, lui, n’a que la peau sur les os. Son blouson bleu foncé flotte, des cheveux blancs qui cachent mal une calvitie avancée. Il ne sait pas ce que c’est une retraite dorée. ’’Toute notre vie, nous avons travaillé sans relâche. Maintenant, nous sommes à la retraite. Cet argent, nous l’avons durement gagné et maintenant, nous souffrons pour percevoir. A chaque fois, on nous sort les mêmes histoires de panne, de problèmes de connexion qui n’ont ni tête ni queue’’, a-t-il déploré. ‘’Nous sommes le 21 aujourd’hui et nous n’avons toujours pas reçu nos pensions. Et vous savez que les besoins n’attendent pas. Il y a les factures d’eau et d’électricité à payer, la pension alimentaire à assurer. Comment allons-nous faire, si nous ne sommes pas payés à temps’’, a-t-il ajouté.
Hier mardi, les retraités étaient déterminés. Las d’attendre, ils ont entamé un mouvement d’humeur. Sur la route nationale, devant la grande agence de La Poste de Thiès, ils ont installé leurs chaises bleues, paralysant du coup la circulation.
Obligés de barrer la route pour entrer dans leurs fonds
‘’L’Ipres nous a notifié que le virement de nos pensions a été effectué depuis le début de la semaine dernière. Cela fait une semaine que nous venons ici sans percevoir et sans avoir des explications. Nous avons donc barré la route pour nous faire entendre’’, a dit Mamadou Ngom, cheminot à la retraite et porte-parole du jour du groupe.
Selon lui, seuls eux, pensionnaires de La Poste, n’ont pas perçu. Toutes les autres structures ont payé. Les raisons évoquées par les agents de La Poste sont récusées par les retraités. ‘’La Poste est en faillite ; ils n’ont qu’à l’avouer. On a tous suivi ses problèmes de détournement évoqués par la presse. Ils ont tout détourné, des milliards. Que l’Ipres arrête de virer notre argent à La Poste’’, a-t-il martelé. Depuis le 13 décembre, les pensions de moins de 100 mille sont payées par transfert Wave ou Orange Money. Mais pour ces derniers, la situation n’est pas entièrement réglée.
Leurs pensions du mois de novembre ont été virées à La Poste et ils n’ont toujours pas perçu. Cette dame retraitée, âgée de 65 ans, en fait partie. ‘’Moi, j’ai reçu le transfert Wave. Mais on m’a seulement envoyé la pension du mois de décembre, 32 000 F CFA. Quand j’ai demandé pour le mois de novembre, on m’a dit que c’est La Poste qui devra payer, car c’est déjà viré. Depuis, je viens à La Poste, mais toujours rien’’, a-t-elle confié. Un mouvement d’humeur qui a porté ses fruits, car le paiement des pensions a enfin démarré hier après-midi. ‘’Quand on a entamé notre mouvement d’humeur, ils ont automatiquement commencé à nous payer. Cela prouve qu’ils refusaient sciemment de nous payer. Nous sommes des personnes âgées et nous entretenons nos familles avec nos pensions. Mais nous souffrons pour percevoir notre argent’’, a expliqué Mamadou Ngom.
Ces retraités interpellent donc l’Etat et l’Ipres pour une meilleure prise en charge des paiements de leurs pensions de retraite. Tout sauf La Poste, ont-ils déclaré.
JEANNE SAGNA (THIES)