Visa biométrique contraignant, région enclavée, charges et taxes élevées, l'hôtellerie informelle en fort développement... Les facteurs de mort du tourisme régional ne manquent pas aux yeux des acteurs du secteur pour qui l'Etat sénégalais manque de cohérence face à ses ambitions déclarées.

Ce sont des professionnels du tourisme en Casamance très inquiets et très remontés contre l’État qui ont rencontré hier à Ziguinchor le Gouverneur Cheikh Tidiane Dieng à qui ils ont remis un mémorandum après avoir abordé avec lui les questions liées aux difficultés du tourisme dans la partie sud du pays.

A l'issue de cette rencontre, ils ont d'ailleurs préféré rendre public le document pour que «demain, les autorités ne disent pas n'avoir pas été alertées sur la situation catastrophique dans laquelle se trouve le secteur en Casamance et les conséquences graves qui en découleront», a informé Tombon Guèye, le président de la communauté rurale de Djimbéring.

Aujourd'hui, a ajouté le Pcr, ce qui se passe sous leurs yeux augure de lendemains difficiles pour sa localité par exemple dont «plus de 95% des recettes proviennent du tourisme.»

Angoisse et expectative

Les professionnels du tourisme disent avoir en perspective «l’angoisse d'être dans l'incapacité de rouvrir leurs hôtels la saison prochaine», celle de «devoir licencier des employés qui leur font confiance depuis tant d’années», et celle d'envisager la cessation de leurs activités avec des «conséquences sociales explosives» pour les populations de la région.

Un cocktail qui justifie, selon eux, de «tirer la sonnette d’alarme» car «nous avons atteint le point de non retour», s'est insurgé Khady Giroud. Plutôt «un signal d’alerte rouge», a renchéri Jean-Paul Fontaine, tous deux hôteliers de la place.

«La Casamance, déjà fragilisée par de bien trop nombreuses années de conflits, mais dont nous constatons progressivement les timides prémices d’une paix méritée, ne doit absolument pas se retrouver face à une grave crise économique et sociale. Or, tout indique que nous en prenons rapidement le chemin», lit-on dans le mémorandum précité.

Une situation imputable, à la mise en place du visa biométrique pour les étrangers entrant sur le territoire sénégalais par avion, explique Christian Jacquot, membre du Syndicat d’initiatives du tourisme. Mais pas seulement. L’enclavement de la région, les avertissements des autorités françaises à leurs ressortissants par rapport à la destination Casamance, l’augmentation des prix des licences, patentes et charges salariales, le développement de l’hôtellerie informelle et sauvage, sont également considérés comme facteurs de dépérissement du tourisme dans la région sud.

«Offre de charter torpillée»

Par ailleurs, les hôteliers dénonce le fait que «l'offre attrayante et salvatrice» de la compagnie charter XL airways de desservir le Cap skiring ait été «torpillée sous le prétexte fallacieux» que la compagnie Corsair le rejette au vu d'accords bilatéraux déjà signés avec elle ainsi qu'avec Air France.

En outre, la promesse de réhabilitation de la cuve à Kérosène de l’aéroport de Ziguinchor restée lettre morte depuis des années, le report aux calendes grecques des travaux de réfection des pistes et parkings des aéroports de Cap-Skiring et de Ziguinchor, les moult promesses de mise en service d'un second navire sur la ligne Dakar-Ziguinchor, la construction virtuelle d’un pont sur le fleuve Gambie et le pont inachevé de l’escale de Carabane, sont d'autres facteurs de crise pour le tourisme régional.

Pour Christian Jacquot, «50% des touristes ne reviendront pas à cause des contraintes liées à l'institution du visa biométrique». Il est donc urgent que la promesse d’assouplissement de la procédure (forme) de délivrance du visa promise par le chef de l’Etat à Saly (…) soit enfin effective», plaide-t-il.

HUBERT SAGNA (CORRESPONDANT A ZIGUINCHOR)