Publié le 2 Oct 2023 - 23:46
TRAQUE DE MEMBRES DE L’EX-PASTEF

Controverse autour de l’arrestation d’une famille à Médina, dont deux bébés

 

Face à la polémique sur l’arrestation de toute la famille d’un responsable de l’ex-Pastef, le ministère de la Justice s’en est pris à une figure de la lutte des Droits de l’homme au Sénégal.

 

Il aura fallu l’intervention du ministère de la Justice pour recadrer les débats, dans cette affaire qui défraie la chronique sur les réseaux sociaux. Samedi dernier, le service de la communication du ministère de la Justice a terminé un post destiné à une figure de la défense de la démocratie et des Droits de l’homme au Sénégal. ‘’Si Alioune Tine est de bonne foi et qu’il est vrai qu’il parle pour l’intérêt général et sans parti pris, il doit reconnaître son erreur et présenter des excuses publiques. Le cas contraire serait dommage pour ce qu'il représente”, publiait le cabinet du ministre Ismaïla Madior Fall.

Ces mots concluent un éclairage sur la situation de deux bébés, Cheikh Atab Coly (2 ans) et Awa Coly (10 mois) actuellement présents dans un établissement pénitentiaire de Dakar. Enfants d’Aramata Djiba, ils ont été saisis par les éléments des forces de l’ordre, sur injonction d’un juge d’instruction, dans le cadre des troubles qu’a vécus le Sénégal en juin dernier, en relation avec la condamnation d’Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme pour ‘’corruption de la jeunesse’’.

Le ministère de la Justice pointe du doigt Alioune Tine

Selon plusieurs témoignages sur les réseaux sociaux, c’est toute la famille Bodian (Atab Bodian, Moussa Bodian, Ada Fatou Seck Bodian, Omar Diedhiou, Khady Diémé, Aramata Djiba (mère de Cheikh Atab Coly et Awa Coly), respectivement père, fils, fille, neveux et belles-filles d’Atab Bodian) qui ont été interpellés par les FDS dont la véritable cible serait Ousmane Fall, responsable Pastef/Colobane.

Ainsi, pour le contraindre à se rendre, c’est sa famille qui a été cueillie, dénonce-t-on.

Dans l’indignation de la mise en détention d’enfants, Alioune Tine a demandé leur libération. ‘’Quand j’étais président du Comité sénégalais des Droits de l’homme, les forces de sécurité, faute de trouver un responsable du PDS proche de Karim Wade, avaient arrêté sa femme et son bébé qu’ils ont placés en garde à vue. Dès que j’ai été informé, j’ai appelé le Premier ministre Abdoul Mbaye à l’époque. Quand je lui ai raconté, il était ahuri et est intervenu pour les libérer immédiatement. J’interpelle aujourd’hui le Premier ministre Amadou Ba pour lui demander d’agir immédiatement pour que ces personnes soient libérées immédiatement’’, écrit, le 28 septembre dernier, le fondateur du think tank Afrikajom Center.

C’est la qualité de l’intervenant qui a certes amené les autorités du ministère de la Justice à réagir, face à la polémique grandissante. Ceci, pour assurer que ‘’ces allégations d’Alioune Tine sont fausses et témoignent d'une méprise totale des faits’’.

 En effet, selon le service de communication du département de la Justice, les personnes arrêtées ‘’sont poursuivies pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, attentat et complot contre l’autorité de l’État, provocation directe à un attroupement armée, actes et manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques graves, fabrication et détention d’arme sans autorisation administrative préalable’’.

Des poursuites lancées contre toute une famille

La même note confirme aussi qu’Ousmane Fall, responsable Pastef/Colobane et professeur au lycée Delafosse, est recherché et poursuivi pour les mêmes faits par le juge d’instruction du 2e cabinet et qu’un mandat d’arrêt a été requis.

Revenant sur la situation des deux enfants, le communiqué estime  qu’ils sont à un âge qui les oblige à être en compagnie de leurs parents, si telle est leur volonté. Car, insiste la note, ‘’dans la législation sénégalaise, les mineurs de moins de 13 ans sont pénalement irresponsables et ne peuvent pas faire l’objet d’un placement sous mandat de dépôt (art 565 et suivants du CPP)’’.

Souvent accusé de prendre parti pour l’opposition par des membres du pouvoir, Alioune Tine a ainsi été quelque peu sommé de s’excuser pour cette légèreté.

Dans un autre post, le président d’Afrikajom Center confesse : ‘’Monsieur le Ministre, après vérification, je reconnais que je suis trompé et je présente toutes mes excuses.’’ Sans oublier d’ajouter que ‘’(…) quand il s’agit d’information verrouillée, dans un contexte de durcissement de la politique autoritaire de l’État qui cible les militants des droits humains comme des cibles et des adversaires (…) soyons plus vigilants, plus courageux et plus rigoureux’’.

Reconnaissant ses torts, Alioune Tine n’a pas hésité à mettre les membres du pouvoir devant leurs responsabilités. En effet, rappelle-t-il, ‘’on attend aussi cette rigueur de la part des autorités publiques, surtout dans le respect de la règle de droit par l’État, le respect des obligations internationales en matière de droits humains et l’impartialité de l’État et des institutions pour une présidentielle transparente, libre et démocratique’’.

Alioune Tine s’excuse et met les autorités publiques devant leurs responsabilités

Alors qu’a débuté la période de collecte de parrainages pour la présidentielle de 2024, l’ancien président du Comité sénégalais des Droits de l’homme appelle ses collègues de la société civile et la presse à commencer la surveillance du processus électoral avec cette phase de l’éligibilité, de même que la CEDEAO, ‘’de manière à anticiper les crises et les résoudre’’.

Au-delà de l’incompréhension générée autour de ces bébés, les explications sur l’arrestation de toute une famille n’ont pas convaincu beaucoup tout le monde.  C’est le cas de l’avocat français Juan Branco. Pour le constitué pour la défense d’Ousmane Sonko, c’est tout simplement ‘’la dystopie (qui)  gagne le Sénégal où des familles entières (père, fille, mère…) sont désormais arrêtées pour faire pression sur des opposants politiques’’.

La dystopie est un récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu'il soit impossible de lui échapper et dont les dirigeants peuvent exercer une autorité totale et sans contrainte de séparation des pouvoirs, sur des citoyens qui ne peuvent plus exercer leur libre arbitre.

Juan Branco s’en mêle…

De faits qui ont entraîné ‘’la vie en détention de deux enfants de 10 mois et 2 ans’’, et qui constituent, ajoute-t-il, ‘’de lourdes et graves violations et constituent des crimes de persécution et de privation de liberté en violation des droits fondamentaux, au titre du Statut de Rome dont se rendent responsables les magistrats et policiers les ayant ordonnés et exécutés’’.

Lamine Diouf

 

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