Le constat alarmant du professeur Gallo Diop
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Interpellé sur la question de la qualité des bouillons, hier, en marge de la célébration de la Journée de la renaissance scientifique de l’Afrique, le neurologue et non moins directeur de la Recherche et de l’Innovation au ministère de l’Enseignement supérieur, Professeur Amadou Gallo Diop, a dressé un constat inquiétant quant à l’utilisation de ces produits alimentaires, particulièrement pour la santé des enfants.
Le débat sur les épices ne s’estompe pas. Pendant que les industriels rejettent avec véhémence les accusations sur les méfaits des bouillons, certains scientifiques, particulièrement des médecins, s’indignent et appellent à plus de raison et de lucidité.
Présidant, hier, la cérémonie de célébration de la Journée de la renaissance scientifique de l’Afrique, au musée des Civilisations noires, le professeur Amadou Gallo Diop a exprimé clairement son indignation.
Il peste : ‘’Ce que je dis ce n’est pas des théories. Il existe des chiffres absolument clairs, nets et précis qui montrent que la survenue des maladies non-transmissibles : hypertension artérielle, diabète, AVC, insuffisance rénale et surpoids, sont en augmentation forte dans nos populations, dans des tranches d’âge de plus en plus jeunes. On a des cancéreux qui n’ont que 15 ans, des gens de 35 ans bloqués en neurologie pour des AVC, ou des moins de 40 ans qui sont obligés de faire des dialyses rénales. C’est essentiellement dû à notre mode de vie avec une part prépondérante de la mauvaise alimentation qu’on peut retrouver dans des produits industriels qui ne respectent pas les normes nutritionnelles.’’
A entendre le directeur de la Recherche et de l’Innovation, il y a urgence à repenser les modes d’alimentation dans le pays, car elles font des dégâts majeurs au sein de la population. Et les principales victimes de la malbouffe, selon lui, c’est les enfants de moins de 10 ans. Professeur Gallo Diop : ‘’L’alimentation et la nutrition concourent, de manière puissante, au développement et à la bonne santé des humains, et particulièrement des enfants, dès la première décennie de vie. Dans les dix premières années de la vie d’un enfant, il faut l’exposer à des produits sains, sans risque, auxquels ils vont s’habituer et qui vont concourir à leur développement physique et psychique. Dans ce cadre, il n’est pas envisageable que le contact chercheur-industriel ne soit pas mieux discuté pour que tout produit qui ne respecte pas les normes nutritionnelles, que l’on connait, soit banni de notre espace de consommation ou maitrisé.’’
Des alternatives existent
Selon le neurologue, les pays africains regorgent de ressources qui sont tellement originales et puissantes dans le cadre de la santé des hommes et des animaux. ‘’Avec un peu de meilleur contact entre les chercheurs et les industriels, souligne-t-il, on peut produire des produits sains, dénoués de tout risque toxique pour la population’’. Et d’ajouter comme pour démontrer que des alternatives sont bien possibles : ‘’Quand vous allez à l’ITA (Institut de technologie alimentaire), l’Isra (Institut sénégalais de recherches agricoles), dans les universités, il existe des produits élaborés de manière saine et qui ont des valeurs nutritionnelles avérées, à partir de nos fruits et légumes. En ce qui concerne les épices, on a vu, lors de la foire qui s’est tenue récemment à l’ESP de Dakar, de jeunes chercheurs qui ont produit des mets et compositions tout à fait sains, sans aucun additif qui puisse contenir de produits toxiques pour le rein, le cerveau, le cœur et l’organisme.’’
Pour éradiquer le ‘’fléau’’, rendre encore plus saine l’alimentation des Sénégalais, le chef du Département de neurologie de l’UHU de Fann souligne : ‘’Il faut une meilleure coordination, une meilleure synergie entre les différents ministères impliqués pour un contrôle plus efficient de notre alimentation. Hippocrate disait : ‘Que l’aliment soit ton médicament !’ C’est ce que nous mangeons, ce que nous respirons, ce que nous buvons qui va contribuer à la constitution de nos organismes. Par notre alimentation, notre environnement, soit on promeut notre bonne santé, soit on va l’altérer. Le contrôle et le suivi de tout ce que nous mangeons et buvons doit donc être maitrisé et harmonisé.’’
En cette Journée de célébration de la renaissance scientifique de l’Afrique, l’éminent professeur a estimé que les chercheurs ont un rôle essentiel à jouer dans ce sens. ‘’Notre rôle, plaide-t-il, c’est d’éclairer les gouvernements et les décideurs politiques, afin qu’ils puissent faire les bons choix qui, à travers la recherche, doivent être un appui puissant dans la politique de développement. Notre rôle est aussi de coopérer avec le secteur privé pour matérialiser les résultats de la recherche en termes de produits finis sains, qui peuvent toucher tous les secteurs : technologique, alimentaire et de la nutrition’’.
Mor AMAR