Publié le 11 Jul 2014 - 13:27
VENTE ILLICITE DE MEDICAMENTS

Quand des pharmaciens ‘’voyous’’ mènent la cadence

 

Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, des pharmaciens sont impliqués dans le trafic illicite de médicaments. L’Ordre des pharmaciens, qui confirme l’information, appelle l’Etat à alourdir les peines contre ces délinquants.

 

‘’Je confirme qu’il y’a en effet des pharmaciens qui vendent des médicaments aux gens de la rue. Nous sommes 1200 pharmaciens dont 1000 environ dans le privé et nous avons malheureusement des brebis galeuses parmi nous’’. Ces propos du président de l’Ordre des pharmaciens du Sénégal sonnent comme un aveu d’impuissance face à un acte qui n’honore par la profession de pharmacien.

Et c’est la mort dans l’âme que le président de l’Ordre, le Dr Cheikhou Oumar Dia, renseigne : ‘’Nous avons des affaires au tribunal et en chambre de discipline qui impliquent des pharmaciens qui ont pris des stocks et qui les ont remis à des personnes qui s’activent dans le trafic illicite’’. Il existe des affaires en cours au tribunal où l’Ordre est plaignant et dans ces affaires, la police et la gendarmerie ont fait des saisies et ont relié la faute à des pharmaciens. C’est ‘’indéniable’’ lâche-t-il, le visage grincheux.

Les saisies de la police, de la gendarmerie et de la douane lui donnent raison, parce qu’on y trouve souvent des produits du circuit formel. Interpelé sur les motivations de tels actes posés par certains pharmaciens, Dr Dia dira que rien d’autre que la ‘’cupidité’’ ne peut pousser un pharmacien à alimenter cette chaîne de distribution des médicaments.

Même s’il faut reconnaître que des raisons économiques peuvent être le soubassement de telles pratiques, le Dr Dia estime que rien ne saurait justifier cette délinquance. Il déclare : ‘’le pharmacien qui alimente ce trafic illicite est un délinquant, au même titre que les trafiquants. Lui-même est le plus grand délinquant, parce qu’il sait très bien les méfaits d’un médicament mal conservé sur la santé humaine’’. M. Dia reconnait cependant que le secteur de la pharmacie connait de nos jours des difficultés avec 30 à 40% des officines qui ferment présentement. Parmi les causes de cette faillite, on peut citer le nombre pléthorique d’officines, les piètres qualités de gestionnaire de certains pharmaciens et la forte progression du trafic illicite de médicament.

Une activité lucrative et moins exposante que le trafic de drogue

Au plan mondial, l’activité de contrefaçon de médicament est l’une des plus lucrative et moins risquée. Ce que les trafiquants risquent dans la drogue, ils ne le risquent pas dans la vente illicite de médicament. Pourtant, les entreprises de médicaments sont assez puissantes, mais la répression qui existe contre les trafiquants de drogue n’existe pas dans le trafic de médicament.

Ce que le pharmacien M.D trouve injuste. Selon lui, les trafiquants de drogue choisissent délibérément de s’adonner à ce produit et à sa consommation. ‘’Ceux qui utilisent la drogue le font sciemment, ils ont choisi d’être des drogués alors que, pour les médicaments, la plupart des acheteurs ne sont pas trop au courant de ce qui peut se passer. Ils pensent acheter un produit bon pour leur santé. Malheureusement, c’est dans la lutte contre la drogue que l’on met plus de moyens et les sanctions restent plus lourdes’’, a-t-il regretté. 

Du poids des sanctions et de la faiblesse des peines

Pour les pharmaciens pris dans le trafic de faux médicaments, l’Ordre des pharmaciens dispose de chambres de discipline qui permettent de les sanctionner, si cela est avéré. Des sanctions qui vont de l’avertissement à l’interdiction définitive d’exercer en passant par le blâme, l’interdiction temporaire d’exercer qui ne dépasse pas 5 ans. Pour ce qui est des affaires qui atterrissent au tribunal, les peines prononcées sont jugées trop faibles par beaucoup.

‘’Les sanctions sont assez faibles et ça nous le déplorons et avons toujours demandé que les sanctions soient plus corsées pour être assez dissuasives’’, dit-on du côté de l’Ordre des pharmaciens. Toutefois, ce ne sont pas seulement les pharmaciens mais l’ensemble des personnes qui s’activent dans le secteur des faux médicaments qui, après jugement, écopent de peines assez légères faites de sursis ou d’amende. Un acte qui n’empêche pas les incriminés de poursuivre leurs forfaits parce que constatant que les sanctions ne sont rien par rapport à ce qu’ils gagnent.

Accusé Etat, levez-vous !

C’est une mission régalienne de l’Etat de protéger les citoyens en faisant en sorte que les populations n’aient pas le choix entre les produits du circuit formel et ceux de la contrefaçon. C’est également à l’Etat, de l’avis de l’Ordre des pharmaciens, d’informer les populations sur la nocivité des produits hors circuit. Il doit aussi faire en sorte que les soins de santé soient accessibles aux populations. L’Etat a ensuite le devoir de punir ceux qui s’adonnent à ce trafic. Il existe par contre une minorité de la population qui, quel que soit le prix du médicament, ne pourra l’acheter. Pour les composantes de cette minorité, l’Etat doit mettre sur pied des mécanismes leur permettant de se soigner car ils en ont droit.       

INSUFFUSANCE RENALE, CARDIOPATHIE, ULCERE…

Ces maladies auxquelles expose l’achat de médicaments contrefaits  

La vente illicite de médicaments expose les consommateurs à de graves risques sanitaires. Un véritable problème de santé publique qui porte un gros préjudice à l’économie et menace la profession de pharmacien. Longtemps exposés à la chaleur, à la poussière, aux manipulations diverses et stockés dans de mauvaises conditions, les médicaments de la rue deviennent de véritables bombes.

Au lieu de soigner, ils deviennent des vecteurs de maladie et mettent des vies en danger. Les conséquences de la consommation des médicaments de la rue sur la santé des populations ne sont plus à démontrer. Parmi elles, on note des échecs thérapeutiques, l’augmentation du coût des traitements, des intoxications, la prolongation de la maladie, l’atteinte des organes comme le foie, le cœur et les reins.

La ville de Touba championne du… faux

Dans les différents hôpitaux, il nous a été confié l’enregistrement d’un nombre de plus en plus croissant de patients qui souffrent d’insuffisance rénale, d’hépatite, de perforations digestives et d’autres affections. Lors d’une émission animée par Abdoul Aziz Kébé sur la RTS, l’ancien directeur de la Pharmacie soulignait que dans la localité de Touba, on notait un nombre de plus en plus croissant d’insuffisants rénaux.

Les raisons d’une telle situation sont surtout liées à l’explosion du trafic illicite de médicaments dans cette cité religieuse où l’Etat peine à installer ses marques. A Touba, la vente de médicaments de la rue est une réalité qui atteint des proportions grandissimes surtout en période de Magal. L’achat de médicaments contrefaits expose aussi à des avortements, à l’intoxication mortelle suite à la prise de ces médicaments qui deviennent de véritables poisons, à en croire bon nombre de médecins. 

A. NDIAYE

 

 

Section: