Publié le 31 Oct 2021 - 00:08
VIOLENCES COMMUNAUTAIRES AU MALI

A côté du djihadisme, l’esclavage exacerbe d’autres formes de conflit

 

Après avoir constaté par ses experts des violences liées à l’esclavage fondé sur l’ascendance, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’homme exige du Mali de rendre justice aux victimes et d’interdire enfin l'esclavage.

 

Le Mali peine à se défaire de la violence. Entre la lutte contre le terrorisme, les violences entre différentes ethnies et les coups d’Etat militaires, les luttes de domination entre castes constituent également de sources de menaces sécuritaires. Une enquête commandée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’homme publiée hier, documente une série d'attaques ‘’barbares’’ perpétrées cette année contre des centaines de personnes nées en esclavage au Mali.

‘’Ces actes odieux inqualifiables durent depuis bien trop longtemps et sont commis par certains ressortissants maliens qui défendent ouvertement l'esclavage fondé sur l’ascendance. Le monde entier observe et perd patience. Nous avons déjà condamné cette pratique odieuse à de nombreuses reprises. Maintenant, le gouvernement malien doit agir, en commençant par mettre fin à l'impunité des attaques contre les ‘esclaves’’’, ont déclaré Tomoya Obokata (Japon), rapporteur spécial sur les formes contemporaines d'esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, Alioune Tine (Sénégal), expert indépendant sur la situation des Droits de l’homme au Mali, et Cecilia Jimenez-Damary, Rapporteuse spéciale sur les droits humains des personnes déplacées dans leur propre pays.

Les dernières attaques rapportées par ces experts ont eu lieu fin septembre dans la région de Kayes, à quelque 500 km au nord-ouest de Bamako, la capitale du Mali. Lors de cet incident, des personnes considérées comme des esclaves ont été attaquées par des compatriotes maliens qui s'opposaient à ce qu'elles célèbrent la fête de l'indépendance, même si les ‘’esclaves’’ avaient retardé leurs célébrations d'une semaine pour éviter des problèmes. Les agresseurs auraient utilisé des armes à feu, des haches, des machettes et des bâtons, et ils ont attaché certains des soi-disant ‘’esclaves’’ avec des cordes avant de les battre sévèrement. Les attaques ont duré deux jours, faisant un mort et au moins 12 ‘’esclaves’’ blessés. Au moins 30 personnes des deux côtés ont été arrêtées et la gendarmerie a ouvert une enquête.

Cette zone a été le théâtre de sept attaques, depuis janvier, au cours desquelles une personne a été tuée, au moins 77 ont été blessées et plus de 3 000 ‘’esclaves’’ ont été déplacés, assure le Haut-Commissariat des Droits de l’homme (HCDH). Selon les experts, ‘’le fait que ces attaques se produisent si souvent dans cette région, montre que l'esclavage fondé sur l'ascendance est encore socialement accepté par certains politiciens influents, chefs traditionnels, responsables de l'application des lois et autorités judiciaires au Mali’’.

Au Mali, certaines personnes naissent en esclavage, parce que leurs ancêtres ont été capturés comme esclaves et que leurs familles ‘’appartiennent’’ aux familles propriétaires d'esclaves - appelées ‘’nobles’’ - depuis des générations. Les ‘’esclaves’’ sont contraints de travailler sans rémunération, peuvent être hérités et sont privés des droits humains fondamentaux.

Pour faire cesser ces pratiques et les violences qu’elles engendrent, les experts du HCDH invitent les autorités maliennes à lutter contre l’impunité qui entoure les auteurs de violences contre des personnes considérées comme esclaves : ‘’Nous demandons une enquête impartiale et transparente, et que justice soit rendue aux victimes. Les auteurs d'actes esclavagistes doivent répondre de leurs crimes. Les agents de police et de gendarmerie, ainsi que les juges pourraient faire beaucoup pour mettre fin à l'impunité, s'ils appliquaient les lois existantes, en vertu desquelles les attaques contre les soi-disant esclaves constituent des infractions punissables.’’

Une autre nécessité décelée par les experts de l’ONU, est qu’’’il était grand temps de mettre cette pratique hors-la-loi. Le Mali doit criminaliser l'esclavage sans plus tarder et prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger tous les Maliens contre la violence, y compris ceux qui, historiquement, ont eu le statut ‘d’esclave’’’.

Lamine Diouf (Avec le HCDH)

 

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