Les petites ‘’reines’’ du Magal
Telles de véritables reines du macadam, les voitures hippomobiles sont omniprésentes dans la ville sainte, en cette période du Magal. Entre admiration et mépris, elles tracent leurs sillons dans le paysage du transport urbain toubatois.
Leurs sabots portent les empreintes de la terre sacrée de Touba. Aucun recoin de la cité religieuse ne leur est inconnu. Au petit trot, elles arpentent toutes les voies qui mènent aux différents quartiers de la ville : Darou Marnane, Khaira ou Pallen, etc. Sous le coup des fouets et au son de leurs hennissements, elles transportent leurs cargaisons de voyageurs dans tout Touba. Elles! Ce sont les voitures attelées à des chevaux ou des ânes, plus connus sous le nom de voitures hippomobiles. Elles sont les petites reines de la piste à Touba.
Par centaines, carrioles, calèches ou simples charrettes dévalent les rues poussiéreuses de la ville sainte, manquant parfois provoquer des carambolages et autres accidents sur la route. ‘’Il faut réguler le nombre de ces voitures hippomobiles qui sèment la confusion dans nos rues. En l’absence d’un code de circulation, elles provoquent souvent des incidents dans les artères de la ville’’, vocifère Talla Diop. Le chauffeur de taxi hurle sa colère à coup de klaxons et de menaces contre des calèches qui bloquent la circulation.
Loin de ce tumulte, le charretier Abdou Thiam qui détache son monture, après une matinée de travail, considère que ‘’les gens se défaussent facilement sur les charretiers, en les accusant de tous les maux’’, alors qu’ils rendent service aux pèlerins. ‘’Malgré l’interdiction qui nous est faite de circuler dans les grandes artères de la cité, on assure la bonne marche du Magal, en transportant les pèlerins à des prix très économiques, 100 francs CFA’’, déclare-t-il.
A propos des accidents, il en rejette la responsabilité sur les chauffeurs de taxis clandestins ou ‘’clandos’’. ‘’La plupart des incidents, dit-il, sont dus à l’intolérance des automobilistes qui ne veulent pas partager la chaussée avec nous‘’, se défend-il. Le chef du parc des charretiers de l’ancienne gare routière, Assane Mbaye, de lui emboiter le pas, pour réclamer la mise en place de couloirs de circulation pour les calèches et autres charrettes.
Les véhicules hippomobiles piliers du transport à Touba
Ces charretiers invitent les responsables de la communauté rurale à leur faciliter les déplacements. Le charretier Abdou Thiam Bakhé et ses collègues se disent soucieux de la sécurité de leurs clients, c’est pourquoi ils disposent de lampes pour pouvoir circuler tranquillement dans la pénombre et éviter les accidents. Toutefois, en ce temps de Magal, la circulation est démentielle. Près du célèbre marché ‘’Okas’’, les coups de sifflets et les autres injonctions servent de klaxons pour ces charretiers.
‘’On improvise comme on peut pour nous signaler aux passants qui traversent la rue’’, s’exclame Élimane Fall, originaire du village de Toki, dans le département de Diourbel. Comme beaucoup de charretiers originaires des villages environnants et même parfois de plus loin, il est présent à Touba, depuis plus d’une semaine. Pour les besoins du Magal, il s’est transformé en transporteur et reconnaît se faire entre 15 000 et 20 000 francs pour les jours du Magal.
Alors que le charretier se confie, émerge une bête visiblement fatiguée, sous un nuage de poussière. Elle titube, ayant du mal à s’arracher de la boue. Sous le poids de sa charge humaine, elle s’effondre. La caisse bascule et entraîne la chute de deux passagers sur le bas-côté de la route. Cet incident est le plus éloquent des témoignages sur les risques encourus par les passagers.
Un moyen de transport économique
Mais malgré l’inconfort et les risques, ce moyen de transport est de loin le plus accessible à Touba, si l’on en croit l’étudiant Mor Loum. ‘’C’est de loin le moyen le plus économique et le plus rapide pour se déplacer dans la ville sainte. De toute manière, on n’a pas les moyens de se payer un taxi à 1000 F ou 1500 F ’’, souligne avec dépit l’étudiant drapé d’un grand boubou marron. ‘’En temps normal, je prends souvent les calèches pour me rendre dans différents endroits de Touba’’, assure Penda Diop.
Vendeuse de son état, cette femme à l’allure coquette, grand boubou traditionnel bleu, coiffée d’un foulard assorti à la même couleur, attend une carriole pour se rendre à la Grande Mosquée. ‘’ Je pense que les autorités devraient s’attacher à mieux réguler le secteur des voitures hippomobiles, en instituant des permis ou autres licences. Car, c’est le moyen le plus prisé en cette période de Magal où toutes les rues sont bloquées à cause des embouteillages ’’, déclare-t-elle en guise de conclusion.