Le calvaire des eaux stagnantes et des routes cahoteuses
Rallier la localité de Keur Massar à partir de Pikine en bus tata ou Ndiaga Ndiaye est, pour les usagers des transports en commun, un véritable guet-apens après des pluies diluviennes. Un itinéraire d'enfer qui brise les patiences les plus assises... Reportage.
Dimanche passé, Dakar et sa banlieue ont enregistré une pluie d’une centaine de millimètres durant plusieurs heures, quasiment à flux continus. Plus tard, le soleil est revenu avec ses rayons, mais cela n’a pas effacé les traces des dégâts occasionnés.
A l’entrée de «Buntu Pikine», c’est une chaussée inondée qui accueille les usagers désirant rallier Keur Massar par Pikine. Et pour y arriver, on emprunte la ligne 52 qui a pour destination Jaxaay. En démarrant, le bus se livre aux eaux stagnantes qui meublent le parcours. La circulation est au ralenti à cause du marché hebdomadaire dénommé «marché dimanche». Plein à ras bord, il est contraint de de slalomer entre grosses flaques et camions stationnés de manière royalement anarchique.
Au rond-point du commissariat de Thiaroye, le chauffeur adopte la stratégie de la fuite en avant pour échapper à l’étroitesse de cette route qui mène à Yeumbeul, Boune, Benn Barak, et Malika. Il prend le risque de passer à l’intérieur du marché de Thiaroye. Une bien mauvaise idée car à peine introduit dans ce bazar thiaroyois, un embouteillage monstrueux lui souhaite la bienvenue. L’exiguïté des routes sur-inondées par des eaux de couleur noirâtre est impressionnante.
A cette atmosphère chaotique et anarchique, s’ajoute l'indiscipline des charretiers et des chauffeurs de cars rapides, Ndiaga Ndiaye, et des bus des lignes 50, 51, 52, 54, 59,59 et 73. La nervosité est communicative entre ces différents acteurs, incapables de se tolérer pendant une seconde, oubliant leurs clients, les usagers, qui eux suffoquent entre chaleur, bruits, odeurs de gasoil, quolibets. «Pourquoi le chauffeur a-t-il pris la décision d’emprunter ce chemin ?» s'interrogent en pestant nombre d'entre eux.
La chaleur suffocante est tellement forte qu'ils ne prennent pas le temps, comme d'habitude dans ces moyens de transport, de commenter l’actualité du jour, le limogeage du Premier ministre Abdoul Mbaye et la mise sur pied d'un nouveau gouvernement dirigé par Aminata Touré... Par souci d'économie, des chauffeurs décident d'éteindre le moteur de leur véhicule, comme s'ils s'étaient passé le mot. Coût du gasoil oblige ! Ce qui soulève les commentaires de certains passagers. «On va s’éterniser ici», «on ne sait pas à quelle heure on va arriver à Keur Massar», «il fallait prendre la route nationale’’, etc. Un concert de récriminations qui ajoute à la morosité ambiante.
Histoire de prendre de l'air, on quitte l'enfer du bus pour rejoindre la terre inondée ferme. Une vingtaine de voitures sont à la queue leu leu sur la route boueuse. Le découragement gagne rapidement certains passagers las d'attendre et qui, à la limite de la patience, quittent les bus et prennent leur chemin, en faisant confiance à leurs jambes meurtries pas une station assise qui a trop duré... Furieux de perdre ces clients, et donc des recettes, un apprenti s'arrache les cordes vocales. «Que ceux qui sont impatients prennent la voie aérienne», leur lance-t-il à la figure. Dans ce tohu-bohu indescriptible, il a fallu un «envoyé de Dieu» en la personne d’un limier tombé du ciel, pour décrisper et débloquer la situation après plus d’une trentaine de minutes d'attente.
Une aubaine pour les chauffeurs qui se démènent alors comme de beaux diablotins pour s'extirper du piège du marché. Le calvaire n'en prend pas pour autant fin. La circulation reprend un tout petit peu de fluidité, mais subsistent d'interminables déviations imposées par le règne des eaux stagnantes et des routes détruites. Encore plus d’une heure avant de rejoindre Keur Massar...