L'urgence de renflouer le Fonds sectoriel
La récente distinction du Sénégal à la 24e session des Journées cinématographiques de Carthage (Tunisie) a de quoi ragaillardir le secteur au Sénégal. Interrogés par EnQuête, des acteurs et observateurs du septième art sénégalais réclament plus de moyens financiers pour redorer le blason de ce qui a été une fierté pour le pays et l'Afrique.
Pays de cinéma et de grands cinéastes et acteurs, le secteur bat de l'aile depuis quelques années. Le brouillage des caméras et écrans remonte aux réformes structurelles des années 1990. Mais le septième art se console juste de quelques trophées obtenus, au prix de mille et un obstacles, par des hommes du milieu. Comme c'est le cas récemment avec quatre prix dont deux Tanit d'or, remportés samedi au terme de la 24e session des Journées cinématographiques de Carthage (Tunisie), par Moussa Touré (pour son film La Pirogue) et Ousmane William Mbaye (pour son documentaire Président Dia). Sans oublier leur confrère Alain Gomis dont la dernière production Tey (Aujourd'hui) a reçu le Prix spécial dans la catégorie ''Long métrage''. Et il y a de quoi enrager les cinéastes, acteurs et observateurs du secteur qui ne cessent de dénoncer le déficit de soutien de l’État.
Selon la réalisatrice Mariama Sylla, ces trophée sont un motif de d'encouragement et ''cela doit être l'occasion de relancer le cinéma en créant des salles''. Ousmane William Mbaye et le journaliste et critique culturel de l'APS, Aboubacar Demba Cissokho, visent dans la même direction. ''C'est une bonne occasion pour l’État du Sénégal de redynamiser ce secteur'', soutient le premier quand le second pense que c'est ''une occasion de plus de relancer ce secteur''.
Pour ce faire, les réalisateurs interrogés réclament l'application de la loi du 18 avril 2002 réglementant les activités de production, d'exploitation et de promotion cinématographiques et audiovisuelles, et leurs décrets d'application datant de 2004. Lesquels ont trait à la création d'un fonds de promotion à l'industrie cinématographique, à l'installation d'un centre technique cinématographique, entre autres. ''Le respect des décrets d'application de 2004 pourraient résorber tous les problèmes du cinéma sénégalais'', de l'avis du président des Cinéastes sénégalais associés (Cinéseas), Cheikh Ngaïdo Bâ. Ainsi, l’État doit commencer par alimenter le fonds de promotion à l'industrie cinématographique. ''Alimenter ce fonds va permettre un début d'exécution de notre plan'', a admis le directeur de la cinématographie, Hugues Diaz, notant que cela permettra de booster le septième art sénégalais.
Des projets mort-nés
Si l'on se fie aux dires de Ousmane William Mbaye, ''beaucoup de projets meurent avant de naître. On ne sait pas à qui s'adresser pour être soutenu. Il n'y a même plus de comité de lecture de scénarios''. Ce qui pousse les porteurs de projets à s'orienter vers des bailleurs comme l'Union européenne ou l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) pour des financements. Or, ces institutions n'aideraient pas vraiment le cinéma. Du moins de l'avis du journaliste Aboubacar Demba Cissokho : ''[Lesdites organisations] ne donnent que des miettes'', fait-il savoir.
Salles de projection dépassées
Autre bataille pour redorer le blason du cinéma sénégalais : la création de salles de projection. ''Les Sénégalais aiment les films mais on n'a pas de salles'', s'écrient Mariama Sylla, réalisatrice des deux documentaires "Derrière le silence" et "Dakar, Deuk Raw". Mais Hugues Diaz y met un bémol : ''Il y a des salles de cinéma. Le seul problème qui existe est qu'elles ne répondent pas aux normes internationales'', défend-il.
En outre, le critique culturel Aboubacar Demba Cissokho suggère l'organisation de festivals et de cadres d'échanges pour les professionnels du cinéma. Et Ngaïdo Bâ plaide pour une meilleure prise en compte des pellicules sénégalaises dans les programmes télés. Une somme d'actions donc que les acteurs et les autorités gagneraient d'autant à mettre en œuvre que ''le cinéma sénégalais regorge de talents'', de l'avis de tous les intervenants.
BIGUÉ BOB
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