Des agents de l'Ocrtis ''vendent'' le commissaire Keïta
L’affaire de la drogue qui éclabousse la police nationale est loin de livrer tous ses secrets, EnQuête détient copie d’un rapport dont les éléments risquent d’enfoncer le commissaire Cheikhna Keïta. Des révélations sur la manière dont certains dossiers étaient négociés au niveau de l'Ocrtis sont mises sur le plateau, dans une ambiance bien nauséabonde...
Plus les jours passent, plus le soleil brille en la défaveur du commissaire Cheikhna Keita. Dans un rapport dont EnQuête détient copie, on y décèle des faits qui accablent l’ancien directeur de L'OCRTIS. Les documents reviennent sur la dernière cérémonie d'incinération qui a eu lieu le mercredi 26 juin 2013, en présence du ministre de l'Intérieur Pathé Seck et en l'absence remarquée de l'actuel Directeur général de la Police nationale, Abdoulaye Niang.
Le document indique, comme nous le révélions déjà, que du 1er juin 2012 au 31 mai 2013, au total 360 boulettes de cocaïne ont été saisies par l’OCRTIS. Mais lors de la cérémonie d’incinération, les policiers de ce service ont dénombré 255 boulettes de cocaïne, présentées par le Commissaire KEITA. Soit une différence de 105 boulettes.
De la drogue dure et...
Détaillant cette différence dans les quantités saisies et celles déclarées, le rapport révèle que lors de la cérémonie d’incinération de cette année édition 2013, les éléments de l’OCRTIS ont constaté que les 23 capsules contenant de la cocaïne pure en forme liquide d’un poids total de 1,1kg n’ont pas été présentées aux autorités contrairement à ce qui devait se faire. ‘’Cette drogue a été saisie à l’aéroport de Dakar sur le nommé Prince Bangoura. C'est la procédure d’enquête N°062 du 04 mai 2013 qui renvoie à cette affaire. La cocaïne liquide une fois mélangée avec des produits chimiques par les trafiquants, est transformée en 2 kilogrammes de cocaïne en poudre avec 90% de pureté''. C'était bien la première fois que ce type de drogue est saisie au Sénégal. Interpellé par un des éléments de l’OCRTIS sur la non présentation de ces capsules, le Commissaire Keïta aurait soutenu, d'après les dires des agents de l'Ocrtis, avoir déversé cette drogue dans les toilettes intérieures de son bureau, ''réponse qui semble être très facile’’, lit-on dans le rapport. Et poursuit-on, le 26 décembre 2012, une ressortissante guinéenne du nom de Maïmouna Bah a été interpellée à l’aéroport de Dakar par les éléments de l’OCRTIS alors qu’elle venait de Sao Paolo (Brésil) via Dubaï. La dame en question était en possession d’un sac de voyage contenant de la cocaïne accusant à la pesée un poids total de 2,5 kg. La drogue, selon le rapport, était dissimulée à l’intérieur de quarante-huit (48) tubes en bois mesurant chacun 45 cm de longueur et servant de poignets à des sacs à mains pour femme. ‘’Ce qui conforte (selon eux) les déclarations faites par «Austin» à deux éléments de l’OCRTIS qui ont profité de sa garde-à-vue pour lui soutirer des informations. Le nommé Austin a déclaré avoir vendu pour le Commissaire Keïta de la cocaïne contenue dans des tubes en bois à trois reprises, ces tubes contenaient 52 grammes de cocaïne chacun et il les a vendus à des trafiquants nigérians à 500 000 francs l’unité. La totalité de la somme c’est-à-dire 1 500 000 a été remise au Commissaire KEITA ''pour financer l’élaboration d’un clip vidéo du groupe «TAKEIFA» et à l’achat de dons pour l’association «Care Albinos» dirigée par la fille du Commissaire KEITA’’, fait-on remarquer dans ledit rapport.
...de l'argent liquide
Les faits se passent le 10 mars dernier vers 19 heures au 42 Liberté 6 Montagne, dans une auberge gérée par un Nigérian surnommée ‘’Talles’’. Les nigérians O. Williams, S. Dickson, M. B. Koné, C. C. Aduga et 15 autres personnes sont interpellées lors de cette opération. Mais seules les 4 ont été déférées et toutes les 15 restantes ont donné chacune des sommes d’argent au Commissaire Keita en personne contre leur libération après trois jours de garde-à-vue. ‘’Certains ont donné 1000 euros, d’autres 500 000 francs Cfa et le reste ce qu’ils avaient dans leurs poches'', indique le document qui ajoute que ''le commissaire Keïta et un de ses lieutenants se sont partagés cet argent''. Toujours sur les lieux de l’opération, un trafiquant notoire, S. Dickson, a été épinglé porteur d’une somme d’argent de 1,8 million et d'une quantité de drogue de 20 grammes de cocaïne qu’il destinait à la revente, dissimulée dans des tuiles. ''L’argent ainsi que la drogue ont été pris par Le commissaire Keïta lui-même et n’ont pas été placés sous scellés''. Au cours de l’enquête, le trafiquant S. Dickson a accepté de transiger et leur a remis la somme de 5 000 000 francs Cfa destinée à alléger les faits en faisant croire dans la procédure que le mis en cause est un simple consommateur de drogue. Conséquence, au lieu de purger une longue peine pour trafic, le nigérian s'en sort avec un emprisonnement de 4 mois de prison pour simple consommation de drogue dure’’.
Ce n'est pas la seule affaire soulevée puisqu'une dizaine d'affaire analogues à celle de l'auberge du nigérian Talles sont évoquées dans le rapport ; les unes aussi graves que les autres, entre l'aéroport Léopold Sédar Senghor et divers autres endroits où les policiers de l'Ocrtis sont descendus. Les sommes indexées sont dans la plupart des cas en euros ou dollars, comme c'est le cas au mois de février dernier, lorsqu'un dealer du nom d’EC.C a déclaré lors de son audition qu’il n’y a pas de scellé d’argent alors que les éléments de la Cellule Aéroportuaire Anti Trafic (CAAT) ont mis à la disposition du Directeur de l’OCRTIS la somme de 600 euros et 2000 dollars US.
Une affaire tout en Cfa, le 18 avril 2013, A. DIOP et M. N. SARR ont été interpellés avec du chanvre indien, et la somme de 1 450 000 francs leur aurait été demandée. Le commissaire Keïta et son lieutenant avaient gardé l’argent jusqu’à ce que les parents des interpellés viennent faire un scandale au service pour réclamer la liberté de leurs fils ou la restitution de leur argent.
L'ancien boss de la Section opérationnelle charge le commissaire Keïta
Ces éléments ont été recueillis par les enquêteurs qui ont entendus des policiers de l'Ocrtis. Le témoignage le plus saillant vient du lieutenant de Police Babacar Mbengue qui accuse le commissaire Keïta d'être de collusion avec les trafiquants de drogue. Ce dernier aurait mis en place un système pour revendre pour l'Europe de la cocaïne saisie à raison de 10 millions de francs le kilogramme. Selon Babacar Mbengue, en service au commissariat central de Thiès, le commissaire Keïta l'a écarté de l'Ocrtis, parce qu'''il lui était impossible d'utiliser le service pour satisfaire ses intérêts personnels''. ''Rien ne justifiait mon départ dans la mesure où en l'espace de trois mois, c'est-à-dire du mois de janvier 2012 au mois de février 2013, la section opérationnelle sous mon commandement avait effectué une tonne trois cent kilogrammes de chanvre indien et 2,7 kilogrammes de cocaïne...''. Pour lui, c'est lorsque Keïta a senti le sol de dérober sous ses pieds et ''sachant que les éléments de l'Ocrtis étaient au courant de ses combines''... qu'il (le commissaire Keïta) ''a monté cette affaire ''en faisant croire qu'il avait infiltré le milieu nigérian...''
Toutes nos tentatives pour joindre le commissaire Keïta sont restées vaines. Mais un de ses proches assure que si tout cela existe, pourquoi attendre seulement maintenant pour rendre compte des magouilles aussi abjectes. ''Pourquoi n'ont-ils rien dit avant ?'', s'interroge-t-on.