Des salaires pour des maîtres coraniques
1 006 daaras, uniquement à Dakar ! Enfin, ce qui en tient lieu. Afin de faire le ménage, l’Etat a décidé de démarrer par l’organisation du secteur. Un projet pilote de 4 ans, des salaires pour des oustaz, un milliard sur la table et une pléiade de partenaires.
Quand l’incendie de la Médina s’est déclaré il y a un an, il a levé le coin du voile sur les conditions de vie des pensionnaires de certains daaras. L’Etat optera pour une mesure forte, il se rendra tout suite compte de la difficulté d’interdire la mendicité. Il change alors de fusil d’épaule et mise sur le soutien des bons élèves pour mieux châtier les mauvais. Des sentiers ont été certes mis en œuvre bien avant le drame, mais celui-ci a porté un coup d'accélérateur à une politique exécutée à une vitesse trop lente.
En guise d’exemple, un projet de construction de 64 daaras modernes appelé Pamod (Projet d’appui à la modernisation des daaras) et financé par la Banque islamique de développement (BID) était en cours depuis 2009. Jusqu’en 2013, rien de concret n'en était sorti.
Le chef de la division communication et partenariat à l’inspection des daaras, Mamadou Basse, assure que les choses vont plus vite maintenant. Les terrains sont déjà identifiés à travers les 7 régions ciblées (Kaolack, Kaffrine, Kolda, Fatick, Diourbel, Louga et Matam) et que les constructions des locaux auront lieu en 2014.
Pamod, un projet-pilote
A propos de cette initiative, il s’agira de construire 64 écoles coraniques. Les 32 vont fonctionner comme les écoles publiques d’enseignement français : l’Etat prendra en charge à la fois l’équipement et les salaires des enseignants. Par conséquent, la diffusion du savoir sera gratuite pour les pensionnaires.
Quant aux 32 autres, elles seront des daaras communautaires. Après que l’Etat aura fini avec la construction et l’équipement, le reste sera financé par les populations bénéficiaires. Si l’on en croit ce responsable, la formation des enseignants se fera en même temps que les constructions pour que tout soit prêt avant la fin de l’année 2014.
Ce projet n’est qu’une phase pilote. Il dure 4 ans (2014/2017) et permet de corriger les failles. Mais l’objectif à terme est de moderniser l’ensemble des daaras du Sénégal, afin d’éradiquer la mendicité. A partir de ce moment, la création d’une école sera soumise à une demande d’autorisation et un contrôle préalable. Les enseignants ainsi que les locaux devront répondre à des critères bien définis et conformes à la nouvelle politique.
Cartographie
Les textes de loi et décrets d’application relatifs à l’implantation et la gestion des daaras déjà élaborés ont fini le circuit. Il ne reste plus que le vote à l’Assemblée nationale. Le curriculum prévoit une option passerelle et une option insertion. La première permet aux jeunes enfants de mémoriser le Coran, tout en ayant les bases leur permettant d’intégrer le système formel franco-arabe par le biais d’un concours à l’examen d’entrée en sixième. Quand aux grands talibés, c’est-à-dire ceux qui ont 15 ans et plus, leur apprentissage du Coran sera accompagné par un cycle de formation professionnelle, précise M. Basse. Ce qui leur permettra de bénéficier d’un métier à la sortie.
Ce projet prévoit de faire la cartographie des daaras dans tout le Sénégal. Il faut donc attendre pour savoir le nombre de daaras sur le territoire national. Par contre, celle de Dakar a déjà été faite grâce à l’appui du Mca. Il y a aujourd’hui 1 006 daaras répertoriés.
A côté de ce projet, il existe d’autres initiatives latérales. Par exemple, l’appui de la Banque mondiale pour l’enseignement du calcul et de la lecture en français dans 100 daaras dans des régions où le taux brut de scolarisation des enfants est le plus faible. Le président de la République a fait sortir un milliard de francs pour appuyer les daaras existant et faisant de bons résultats, mais oubliés. Il y a également l’Unicef, les coopérations française et italienne qui s’intéressent tous à la mendicité des enfants. Même le Pam a nourri 500 talibés l’an dernier et promet un élargissement cette année.
Toutefois, l’Etat semble impuissant à lui seul à faire face à la mendicité. Il veut désormais avoir une vision sous-régionale. «L’éradiquer seulement au Sénégal ne suffit pas, mais il faut l’éradiquer dans toute la sous-région», déclare Mamadou Basse qui précise qu’un séminaire sous-régional avec la Raddho sur la mendicité est en préparation.
En définitive donc, quoique louables soient les initiatives prises par le gouvernement du Sénégal, elles ne suffissent pas à elles seules pour éradiquer la mendicité. Autant dire donc qu’elle a une espérance de vie plus longue qu’elle ne paraît !
BABACAR WILLANE