Publié le 21 Nov 2014 - 21:30
MOUSTAPHA GUEYE SUR LE TRAITEMENT MEDIATIQUE DU CONFLIT EN CASAMANCE

‘’La presse privée a été plus professionnelle’’, 

 

La presse nationale a-t-elle bien informé son public depuis l’éclatement du conflit en Casamance ? Expert en communication, Moustapha Guèye estime qu’avec la presse privée, le traitement de l’information a été plus professionnel.

 

‘’Au lieu de diaboliser la violence, la presse privée, qui a émergé au début des années 1990, a commencé à faire entendre un autre discours, celui du MFDC’’. Les propos ont été tenus hier par l’expert en communication Moustapha Guèye, par ailleurs enseignant-chercheur au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI) à l’Université Cheikh Anta Diop.

Selon lui, avec l’avènement de la presse privée au Sénégal, il a été noté une ‘’analyse intellectuelle des actes jusque-là considérés comme du banditisme. Elle a qualifié les violences de politiques et de discours alternatif à l’impossible dialogue’’. L’expert en communication s’exprimait lors de l’atelier sur ‘’le rôle des médias dans la prévention des conflits et les droits humains en Afrique de l’ouest’’, organisé par l’Institut Gorée, du 18 au 20 novembre 2014, à l’intention de journalistes venus de 7 pays de l’Afrique de l’ouest.

Selon Moustapha Guèye, la presse privée a véhiculé les arguments du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC), ce qui, d’ailleurs, a amené l’Etat à accepter d’aller aux négociations, d’où le premier accord de cessez-le-feu intervenu à Cacheu (Guinée-Bissau), en 1991. Les médias privés ont dénoncé ‘’l’attitude figée de l’Etat, qui consistait à refuser de discuter d’indépendance avec le MFDC’’.

Tout à fait le contraire de la production médiatique sur le conflit de la période allant de 1982 à 1999, fait remarquer M. Guèye. Il s’en explique : ‘’j’ai eu le sentiment qu’il y avait un monopole de l’Etat sur les médias. Donc, on avait un monolithisme médiatique, qui a surtout relayé la stratégie d’évitement de l’Etat, en banalisant le conflit, en le traitant de jacquerie menée par quelques écervelés’’. Cette logique de banalisation a perduré jusqu’à 1990, selon M. Guèye qui souligne qu’à partir de cette année-là, les indépendantistes ont utilisé les armes, faute de réponse politique de l’Etat et de débat démocratique sur leurs revendications.

Bonnes et mauvaises pratiques journalistiques en zone de conflit

Revenant sur le traitement de l’information en zone de conflit, il dira que chaque conflit a des causes apparentes et des causes "diffuses" que le journaliste doit chercher à comprendre. M. Guèye de donner l’exemple d’un conflit comme celui de la Casamance dont les causes apparentes sont les raisons souvent invoquées par le MFDC. Il s’agit  de  l’inégale répartition des ressources, le mal-développement, l’enclavement, le mépris culturel, la question identitaire, la question foncière, etc. Ces causes en cachent une autre,  qui est "diffuse" et profonde : ‘’l’indépendance’’, note l’enseignant chercheur.

A sa suite, Moumina Camara, enseignant au CESTI, est revenu sur les bonnes et les mauvaises pratiques en zone de conflit. Selon lui, le journaliste doit être à équidistance des différentes parties au conflit. Il doit aussi respecter les règles d’éthique et de déontologie et doit toujours s’assurer de se mettre en sécurité en confiant à des personnes de confiance ses déplacements. Les pratiques dont un journaliste doit se garder en zone de conflit sont relatives entre autres à la corruption, à la prise de position pour l’une des parties au conflit, à l’inaccessibilité, à l’infiltration selon les circonstances.   

AMADOU NDIAYE

 

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