Publié le 7 Feb 2017 - 12:42
MACKY SALL ET LES URGENCES DU MOMENT

Le parti de la demande sociale

 

Hausse des prix des denrées de première nécessité, sous-emploi persistant, machine de radiothérapie hors service..., Macky Sall va avoir des exigences à diligenter autres que les habituelles insatisfactions politiciennes, à cinq mois des Législatives. 

 

‘‘Mon principal opposant est ce qu’on appelle le «parti de la demande sociale »’’. Avec cette répartie faite au journaliste de l’hebdomadaire Jeune Afrique en décembre 2016, et confinant l’opposition aux secondes priorités, le président de la République, Macky Sall, ne croyait peut-être pas si bien dire. La flambée des prix des denrées de première nécessité récemment notée est en train d’entamer sa cote de popularité auprès des ménages. Malgré les efforts pour maitriser les couts, la récente inflation sur les prix des denrées de première nécessité est une nouvelle dont se serait bien passée les autorités, à cinq mois d’importantes échéances électorales. 6000 FCFA de plus sur le bidon de 20 litres d’huile, 2000 FCFA de plus sur le prix du sac de riz parfumé, 2000 sur le sac de pommes de terre, 1000 francs de plus sur le riz thaïlandais, 500 francs de plus sur le sac de sucre, et le prix du poisson qui atteint des sommets à cause d’une grogne des pêcheurs, ont fini de crever le plafond du panier de la ménagère dont les promesses d’allègement sont remises aux calendes grecques.

Parallélisme des formes avec le pouvoir sortant, la contrariété actuelle rappelle à bien des égards les violentes contestations sociales qui ont présidé à la chute de Me Wade, en 2012. Dans l’explication de la défaite d’Abdoulaye Wade, l’immixtion de son fils, Karim, est souvent agitée comme un des plus grands facteurs de la perte de pouvoir. Mais le fait est qu’en 2012, un climat social délétère a été à la base d’un mécontentement généralisé à cause d’un plafonnement du prix des denrées de première nécessité, de coupures intempestives ayant entraîné ‘‘les émeutes de l’électricité’’, et de décisions impopulaires, qui avaient fini de mobiliser les couches sociales et les corps professionnels contre le Pape du Sopi.  Des manquements tellement manifestes que l’actuel Président et opposant d’alors, Macky Sall, avait basé son programme, Yoonu Yokkuté, sur une baisse des prix des denrées de première nécessité et la satisfaction de la demande sociale. A l’épreuve du pouvoir, ‘‘l’apériste’’ en chef partage certains critères de convergence avec la gestion décriée de Libéraux du Pds.

Critères de convergence

S’il a eu la volonté politique de concrétiser ses promesses de campagne, la conjoncture et le manque de suivi ont plombé ses initiatives les plus importantes. La baisse du coût du loyer, la mesure phare du Président Sall, destinée à soulager les salariés des lourdes charges de la location, a été d’une efficacité contestée et surtout éphémère. Des bailleurs récalcitrants se sont pliés à la loi 2014-03 du 22 janvier 2014, le temps de trouver des moyens de contournement qui ont porté le coût du loyer au même niveau d’avant son entrée en vigueur.

Résultat ? Dakar où la location  constitue un véritable casse-tête, continue de mettre à mal les maigres finances de salariés qui ne voient toujours pas le bout du tunnel. L’autre dossier prioritaire, qui s’est invité à la table des gouvernants après la flambée des prix, est la panne de l’unique machine de radiothérapie disponible dans le pays depuis 28 ans, pour les malades atteint de cancer. Ce qui signifie que suivre un traitement au Sénégal est actuellement impossible. Pourtant des dépenses de prestige ont été consenties pour des demandes beaucoup moins urgentes en termes de ‘‘sur-priorité’’. Le ministre de l’Economie et des finances, Amadou Ba, a toutefois assuré dimanche sur la Rfm que trois machines sont déjà commandées pour  6 à 7 milliards de FCFA, dont la livraison est retardée par des ‘‘problèmes de transfert de fond entre Dakar, Khartoum et la Banque arabe pour le développement économique de l’Afrique (Badea)’’.

Sur des considérations purement politiques, certaines cartes restent entre les mains ‘‘marron-beige’’,  mais une autre exigence sociale risque de s’inviter de manière inopportune et faire le jeu d’une opposition qui ne demande qu’à capitaliser les voix d’une opinion en grogne. D’ailleurs son nouvel allié, et ancien ministre de l’Intérieur sous les Libéraux, Ousmane Ngom ne se trompe pas en invitant le président Sall à s’attaquer à ce mal social qu’est le sous-emploi.  ‘‘Tant qu’il (Macky Sall) ne réglera pas la question de l’emploi des jeunes, il n’aura rien fait’’, rappelle-t-il dans les colonnes du quotidien l’Observateur d’hier. Un désœuvrement des jeunes qui n’est pas étranger à la série de violences perpétrées dernièrement. Les éventuels rebondissements de grèves cycliques dans l’enseignement supérieur dont le principal syndicat, le Saes, a observé un débrayage hier ainsi que les enseignants du moyen secondaire risquent d’aller crescendo à l’approche du scrutin.

Rupture

Le seul point de rupture, constatable par le citoyen concerne l’électricité. Sur ce point qui a coûté cher au Président Wade, la gestion ‘‘républicaine’’ fait des miracles tant pour la fourniture que l’approvisionnement, mais pas pour le prix. De 911 heures en 2012, les délestages sont passés à 73 heures selon le Dg de la Senelec Mouhamadou Makhtar Cissé. Un surplus a même été noté au point d’envisager d’en vendre au voisin malien.  Mais, ces progrès ont un peu été entachés par une hausse, minime, des prix du courant pour l’usage domestique qui devraient baisser de 10% pour le premier bimestre de 2017 suivant la chute des cours du baril de pétrole. ‘‘Au plus tard, en fin mars, les Sénégalais qui recevront leurs factures sentiront cette baisse’’, a assuré le Dg de la Senelec ce weekend à Dagana.

Par ailleurs, si la sortie du ministre du commerce hier, a eu le don d’éclairer sur les raisons des hausses de prix des denrées comme le riz et l’huile, elle ne mentionne pas clairement les méthodes et les échéances dans l’apport de solutions. Le non-respect des prix homologués, ou la non-homologation sur certains produits importés, montrent que les autorités ne tiennent pas fermement toutes les manettes de décision contre les vendeurs ou les importateurs. Une tendance qu’il va falloir vite renverser pour ne pas cristalliser les frustrations sociales avant juillet 2017. A bon entendeur…

OUSMANE LAYE DIOP

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