Le président de l’Association sénégalaise pour le suivi et l’assistance aux malades mentaux (Assamm), Ansoumana Dione, a déposé hier une plainte contre le directeur de l’hôpital régional de Thiès pour non-assistance à personne durant ‘’toutes les dernières minutes de son existence’’, suite au décès d’un malade mental errant. Il annonce en même temps l’arrêt de toute activité visant à améliorer les conditions de vie des malades mentaux.

Si à Dakar, c’est la mort de la jeune Aïcha Diallo qui défraie la chronique, à Thiès par contre, c’est celle d’un malade mental errant, décédé devant l’hôpital régional El Hadji Ahmadou Sakhir Ndiéguène qui alimente les débats. Evacué à l’hôpital par les sapeurs-pompiers dans la nuit du 1^er au 2 octobre, le malade mental a été d’abord interné dans cet établissement sanitaire pendant quatre jours. Il a rendu l’âme le 17 octobre dernier. Depuis son décès, une polémique s’est installée dans la cité du Rail. Hier, le président de l’Assamm a décidé de porter l’affaire devant le Tribunal. Ansoumama Dione a porté plainte contre le directeur de l’hôpital régional de Thiès, Babacar Mané, pour non-assistance à personne dans ‘’toutes les dernières minutes de son existence’’. ‘’Le mardi 17 octobre dernier, un malade mental errant, âgé d'une soixantaine d'années, a perdu la vie devant l'Hôpital régional El Hadji Amadou Sakhir Ndiéguène de Thiès. Nous avons décidé de porter plainte auprès du Procureur de la République, près le Tribunal de grande instance de Thiès contre le directeur de l’hôpital de Thiès pour tirer cette affaire au clair. Dans un premier temps, paraît-il, il a été admis à l’hôpital pour bénéficier de quelques soins pour ensuite être placé hors de la structure sanitaire. C’est là où il a perdu la vie. C’est pour cette raison que cette affaire mérite d’être tirée au clair’’, fulmine Ansoumana Dione.

‘’C’est un crime organisé’’

Aussi, persiste-t-il, le responsable de l’hôpital régional de Thiès n’a raconté que ‘’des contrevérités’’ dans cette affaire. ‘’Interpellé par la presse locale, le directeur Babacar Mané a clairement dit ne pas être au courant de cette affaire alors que le corps sans vie du malade mental se trouve à la morgue du même hôpital. Il a été transporté par les sapeurs-pompiers, avec un certificat du genre de mort. Nous avons recueilli nous-mêmes ces informations sur place, c’est-à-dire auprès du responsable de la morgue, le jeudi dernier’’, précise d’emblée le président de l’Assamm, à sa sortie du Tribunal de grande instance de Thiès. De l’avis de Ansoumana Dione, la mort de ce malade mental a été ‘’très bien programmée’’ par les collaborateurs de Babacar Mané.

‘’Il est mort hors de l’hôpital. C’est un crime organisé. Mais je vous jure que ce dossier ira jusqu’au bout sinon, c’est le Procureur, en personne, qui ira en prison. Les responsabilités doivent être situées. Cette affaire doit être élucidée’’, tempête M. Dione. Ce dernier indique par ailleurs que ses camarades et lui vont désormais cesser toute activité visant à protéger ou à améliorer les conditions de vie des malades mentaux. ‘’En vérité, la mort de ce malade mental errant prouve encore une fois de plus que le régime du Président Macky Sall n'a aucune considération pour cette frange particulièrement vulnérable de notre population. C'est pourquoi, à partir d'aujourd'hui et après dix-sept longues années de sacrifices et de privations, nous arrêtons définitivement toute activité visant à faire améliorer leurs tristes conditions de vie, pour passer désormais à autre chose’’, annonce M. Dione.

Les explications  de Babacar Mané

Le directeur de l’hôpital régional El Hadji Ahmadou Sakhir Ndiéguène de Thiès a nié en bloc toutes les explications du président de l’Assamm. Pour Babacar Mané, ce ne sont que des affirmations gratuites dans la mesure où le malade mental, accueilli par les services de l’établissement dans la nuit du 1^er au 2 octobre 2017, a été ‘’très bien traité jusqu’à sa sortie’’ de l’hôpital, c’est-à-dire le 04 octobre. ‘’Quand il est arrivé, il a été accueilli par le Dr Djiba qui était à la garde. Il s’est bien occupé de lui, en faisant tout le nécessaire. Du 1^er au 4 octobre, il est resté avec nous. Il a reçu, sur sa demande, une permission de sortir de l’hôpital le 04 octobre, et est décédé le 17 du même mois. Les gens disent qu’il est décédé devant l’hôpital. Mais je n’ai pas été mis au courant des circonstances de sa mort. En plus, le service social s’est également bien occupé de lui’’, reconnaît Babacar Mané.

Réagissant à propos de la plainte que lui a servie le président de la structure en charge de la protection et du suivi des malades mentaux, le directeur de l’hôpital régional de Thiès soutient qu’Ansoumana Dione est dans son rôle puisque, dit-il, c’est la Constitution du Sénégal qui lui confère ce droit. ‘’Il a le droit de porter plainte. Personne ne peut le lui empêcher. En revanche, la justice est là pour dire le droit. Ce n’est pas la première fois que nous recevons des malades mentaux dans cet hôpital. Nous faisons tout le nécessaire pour eux. Nous les traitons au même titre que tous les autres citoyens de ce pays’’, poursuit Babacar Mané. Avant de préciser que depuis le 17 octobre dernier, le corps sans vie du malade mental errant de plus soixante ans se trouve à la morgue de l’hôpital El Hadji Ahmadou Sakhir Ndiéguène de Thiès.  

GAUSTIN DIATTA (THIÈS)