Publié le 8 Dec 2017 - 22:17
ACCAPAREMENT FONCIER

Le syndrome Lss guette Aibd

 

Au fil des années, le périmètre de l’Aéroport Léopold Sédar Senghor s’est considérablement rétréci. Les occupations irrégulières ont poussé les autorités à construire une nouvelle infrastructure dans la vaste forêt de Diass. Les prédateurs n’ont pas attendu l’achèvement des travaux pour s’accaparer l’assiette foncière. Comme des mouches sur une mangue.

 

A peine est-elle née que ses premiers signes de maladie se font jour. Outre le coût exorbitant, le virus qui a précipité l’Aéroport Léopold Sédar Senghor vers sa perte menace sérieusement la nouvelle infrastructure aéroportuaire. Pourtant, tout au début de l’initiative, Diass avait prévalu sur Keur Massar, en raison justement de ses vastes étendues de terres disponibles, longtemps laissées en jachère.

Mais, au fil des années, cet avantage comparatif est petit à petit en train de se dissiper. Le paradis terrestre devient de plus en plus un traumatisme foncier pour les autorités aéroportuaires. Abdoulaye Mbodji, Directeur général d’Aibd Sa, avoue, dans le journal ‘’l’Observateur’’ du 25 novembre 2016, que ‘’l’aéroport est une vision éclairée. Mais les hommes d’affaires sénégalais sont en train d’accaparer les terres qu’il y a autour du site’’. C’était dans le cadre des jeudis du Master de l’Armp (Agence de régulation des marchés publics).

Et Diass devient ainsi, pour les prédateurs fonciers, ce que l’aimant est au fer. Constituant de la sorte un danger majeur pour cette infrastructure dont l’un des atouts est relatif à sa superficie démesurée, 4 500 ha extensible jusqu’à 8 000 ha de terres. Soit dix fois la superficie de Léopold Sédar Senghor qui faisait 800 ha.

En effet, il ressort de la convention signée entre l’Etat du Sénégal et la société de gestion du projet, que ‘’l’Etat met à la disposition d’Aibd Sa 4 500 ha’’. Cette convention faisait suite au décret n°2003-775 du 8 octobre 2003 prévoyant la désaffectation d’un terrain du domaine national sis dans les ‘’communautés rurales’’ de Diass et de Keur Mousseu, de même que le déclassement de la forêt de Diass. Ces terres, qui constituent une partie de l’’assiette foncière du nouvel l’Aéroport international Blaise Diagne de Diass, s’étendent sur une superficie de 4 100 ha. S’appuyant sur ces différents textes, nos sources informent qu’en tout, le domaine de l’aéroport de Diass a été porté à un peu plus de 8 000 ha.

Mais, aujourd’hui, ces terres font l’objet de multiples convoitises. Comme des mouches sur une mangue, certains hommes d’affaires, comme l’avait révélé le directeur, s’acharnent sur l’assiette foncière de Diass. Du moins pour ce qu’il en reste. Cette ruée vers la ‘’terre promise’’ ne date pas d’aujourd’hui, si l’on en croit nos interlocuteurs. Avec la complicité des autorités administratives, certains opérateurs avaient réussi à obtenir des titres illégaux d’occupation. ‘’Depuis le début des travaux, les autorités locales de Diass et de Keur Mousseu n’ont eu de cesse d’octroyer des terres’’, renseignent-ils.

Dangote et Kirène parmi les ‘’occupants illégaux’’

Plusieurs promoteurs immobiliers, malgré les mesures prises pour la protection du domaine de Diass, ont réussi à obtenir des permis grâce notamment aux ministères en charge des Mines et de l’Environnement.

Dans cette longue liste, figure un certain C. D. pour un programme immobilier. Celui-ci a été attributaire de 18 ha, une superficie qui, à l’occasion, a été déclarée d’utilité publique, alors qu’elle est entièrement dans l’emprise de l’aéroport. Quant à la Sdi des concessions minières, elle s’est vue octroyer par acte règlementaire, d’abord 442 ha, ensuite 328 ha et enfin 121 ha. ‘’Tous ces terrains sont situés dans le domaine aéroportuaire’’, indiquent nos interlocuteurs. Il en est de même de la cimenterie Dangote Industries Sénégal Sa, de la société Siagro-Eau minérale Kirène qui détiennent respectivement 359 ha et près de 19 ha dans le périmètre de Diass.

Toutefois, si la plupart de ces opérateurs ont obtenu leurs titres après le lancement des travaux de l’aéroport, ce constat est moins vrai pour ce qui est de la société Kirène dont la date du décret d’attribution ne nous a pas été communiquée. En fait, dans leur précipitation, les autorités d’alors ont dessiné les contours de l’aéroport sans se soucier des personnes physiques et morales qui étaient déjà sur place. Nos sources expliquent : ‘’Les difficultés ont commencé à paraitre dès le début, avec les travaux de clôture du site, du fait que le terrain, contrairement aux engagements de l’Etat, n’était pas libre de toute occupation.’’

Trois villages étaient, en effet, implantés dans le même périmètre. Il s’agissait de Kessoukhate, Kathialite et Mbadate. Chassés des lieux, ils ont été remplacés par d’autres occupants réputés êtres riches et influents.

En tout état de cause, cette prévarication des ressources du domaine aéroportuaire se poursuit jusqu’à maintenant et préoccupe au plus haut point certains cadres de l’aéronautique qui tirent la sonnette d’alarme. ‘’Pour l’exploitation optimale de l’aéroport de Diass, il est nécessaire que toutes les zones grevées de servitudes aéronautiques et radioélectriques soient libres de toute installation ou construction’’, préconisent-ils. Poursuivant, ils déclarent : ‘’L’installation sur le périmètre de l’aéroport doit obéir à certaines normes de l’Oaci. Ce qui n’est pas le cas pour la plupart de certaines constructions. Cela peut impacter négativement sur le fonctionnement de l’aéroport.’’

Mais le plus triste de l’histoire est qu’on a chassé ces villageois pauvres et démunis pour donner les terres à des bourgeois riches et influents.

 

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