Policiers et motocyclistes à couteaux tirés
Le torchon brûle entre le commissaire urbain de Kolda et les populations du Fouladou. Le paiement de la contravention sans délivrance de reçu, la corruption, les opérations inopinées sont à l’origine du différend. D’ailleurs, une lettre de contestation a été déposée auprès des autorités locales pour déplorer et informer l’opinion publique des « pratiques illicites de la police de Kolda ». Interrogé, le patron de la police, Malick Niasse, balaie d’un revers de main toutes ces accusations, et soutient que les reçus sont bel et bien délivrés et l’argent reversé au Trésor public.
Depuis son installation le 15 février 2017, le commissaire urbain de Kolda, Malick Niasse, ne vit pas le parfait amour avec les populations du Fouladou. Après les affrontements entre policiers et conducteurs de motos Jakarta, voilà un autre problème qui mine les relations : le paiement de la contravention des motocyclistes. Ceux-ci déclarent que la police ne leur délivre pas de reçu après paiement. Ainsi, depuis le mois de janvier, la question est devenue l’un des principaux sujets de discussion dans les maisons et grand-places. Devant cet état de fait, Abdoulaye Cissé, conseiller départemental de Kolda et membre de la société civile, a écrit une lettre de protestation adressée au procureur de la République, au préfet et au maire de Kolda.
En effet, les motocyclistes croient mordicus en l’existence d’une ‘’caisse parallèle’’. ‘’Car, s’il n’y a aucune traçabilité, la police ne peut pas aller présenter de l’argent liquide, sans bordereau, au payeur du Trésor public pour lui demander de verser cet argent à la trésorerie publique. Il n’acceptera pas. Parce qu’il ne sait pas la provenance de cet argent’’, soutient Abdoulaye Cissé. Qui poursuit : « Nous Koldois, nous n’accepterons pas que notre région soit transformée en un terreau où les gens vont s’enrichir tous azimuts au détriment des populations ». L’élu de marteler : « Nous sommes élus pour défendre les populations. Nous serons toujours là en sentinelle pour défendre les intérêts des Koldois, quelles que soient les circonstances ; et quel que soit ce qui adviendra, nous serons là pour défendre les intérêts des populations. »
« Nous sommes dans un Etat de droit, et le Chef de l’Etat en a fait son cheval de bataille. La transparence dans la gestion des affaires publiques. Donc, nous ne pouvons pas comprendre qu’à Kolda, la police continue de torpiller ce principe fondamental sous la barbe des autorités locales et que personne n’en parle. C’est pourquoi nous nous sommes dit qu’il est temps d’élever la voix pour demander au commissaire urbain et ses hommes de changer. D’ailleurs, nous allons réclamer la restitution de tout ce qui a été perçu indument par la police de Kolda, lors des dernières opérations inopinées », martèle le conseiller départemental de Kolda.
Même son de cloche chez Mamadou Baldé, conducteur de moto Jakarta au quartier Doumassou. « La police appréhende les motos et demande aux propriétaires de payer la contravention. Ces derniers paient pour que la police libère leurs motos. Mais après le versement, la police refuse de délivrer des reçus. Nous pensons que la police doit pouvoir délivrer une quittance qui prouve que l’argent que le motocycliste a versé arrivera à la trésorerie publique. Donc, nous ne cesserons de nous poser la question de savoir où va l’argent. Parce que nous avons des doutes », déclare le jeune homme.
D’autres conducteurs de motos Jakarta interpellés sur la question expliquent qu’ils demandent des reçus après le paiement de la contravention, mais ils n’en reçoivent jamais. « Certains policiers nous ont menacés. Ils nous disent : soit vous prenez votre moto, soit vous garez la moto de l’autre côté. Donc, nous sommes obligés de payer la contravention sans recevoir la quittance. Sinon, la moto ne sortira pas des locaux du commissariat. »
Pour montrer qu’ils ne plaisantent pas, les Koldois préparent ‘’une pétition qui va aboutir à une plainte collective qui sera déposée au niveau de l’OFNAC et des autorités compétentes pour que lumière soit faite sur toute la manne financière qui a été collectée, lors des différentes opérations inopinées’’. ‘’Déjà, nous avons déposé une lettre de contestation auprès du procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Kolda, du préfet de Kolda et du maire de la commune de Kolda », renseigne Abdoulaye Cissé.
Le commissaire Niasse : ‘’Je n’accepterai pas que ça se passe sous mon autorité’’
Interrogé, le commissaire urbain Malick Niasse déclare qu’il y a « amalgame, car dans chaque poste de police, il y a un carnet de contravention appelé reçu. Si le contrevenant paie la contravention, il a le droit de réclamer le reçu. Et on doit lui délivrer un reçu. Parce que celui qui paie une contravention doit avoir en contrepartie une quittance qui prouve nettement qu’il a payé. Donc, il faut que les motocyclistes prennent le temps de réclamer leurs reçus après paiement ».
Selon le commissaire, la police ne peut pas interpeller un motocycliste pour défaut de carte grise, défaut d’assurance ou non-port de casque ; que le contrevenant paie la contravention, puis que la police revienne lui demander à nouveau de montrer ses pièces avant la délivrance d’un reçu. ‘’C’est inimaginable !’’ martèle-t-il. ‘’Après paiement, la police délivre toujours des quittances aux propriétaires de motos interpellés. Maintenant, s’ils exigent un reçu et que le policier ne le leur délivre pas, ils viennent me voir dans mon bureau », poursuit le commissaire qui explique que tout l’argent payé, lors de la contravention, est reversé au Trésor public. « Nous ne travaillons pas pour nos poches, nous travaillons pour l’Etat ». A la question de savoir pourquoi certains policiers ou ASP en faction réclament de l’argent aux motocyclistes qui sont en infraction ? Le commissaire urbain Malick Niasse rétorque qu’il a déjà dit aux Koldois que « celui qui leur réclame de l’argent en pleine circulation, parce qu’il est en infraction, qu’il refuse de lui remettre de l’argent et accepte d’être conduit au commissariat. Parce que remettre à un policier ou à un APS de l’argent dans la rue, parce que tu es en infraction, encourage la corruption. Je n’accepterai pas que ça se passe sous mon autorité ».
EMMANUEL BOUBA YANGA