Publié le 30 Nov 2018 - 21:16
VOTE DU BUDGET DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Khalifa Sall et Karim Wade crispent les débats

 

Les affaires Karim Wade et Khalifa Sall ont occupé, hier, l’essentiel des débats à l’Assemblée nationale, lors du vote du projet de budget 2019 du ministère de la Justice.

 

Il n’y en avait, hier, que pour Karim Wade et Khalifa Sall, lors du vote du projet de budget 2019 du ministère de la Justice. Un budget arrêté à la somme de 41 191 255 944 F Cfa pour 2019 contre 39 416 629 480 F Cfa en 2018, soit une hausse de 1 774 626 464 F Cfa en valeur absolue et 4,5 % en valeur relative. Les débats ont tourné autour de ces deux affaires qui semblent être le baromètre des députés de l’opposition pour mesurer l’indépendance de la justice.

En fait, ils n’ont eu de cesse de reprocher au gouvernement de n’avoir pas respecté les décisions de la Cedeao pour Karim Wade et celle du Comité des Droits de l’homme pour Khalifa Sall.

‘’Attention, il y a beaucoup de confusions par rapport aux décisions rendues par les juridictions internationales’’, a d’emblée soutenu le professeur Ismaïla Madior Fall dans ses réponses. Revenant sur la décision du comité, il a martelé que c’est de la manipulation que de dire qu’il a condamné le Sénégal. ‘’Nous sommes habitués à leurs manipulations, mais même lorsque nous sommes en contexte préélectoral, il faut dire la vérité’’, a-t-il lancé à l’endroit des partisans des deux opposants. Et d’après ses explications, les décisions ne condamnent pas le Sénégal, mais tout au plus, le comité reproche à l’Etat du Sénégal l’absence de procédure d’appel contre les arrêts rendus par la Crei (Cour de répression de l’enrichissement illicite)’’.

Dans la foulée, il a fait savoir qu’il n’existe pas un organe international susceptible de remettre en cause ou d’annuler une décision rendue par une juridiction nationale, à l’exception de la Cour pénale de justice qui traite des conflits entre Etats, sur leur demande.

Inégalité dans le traitement des dossiers

Sur la question de l’indépendance de la justice et de l’inégalité dans le traitement des dossiers, le Garde des Sceaux a balayé d’un revers de main les accusations de l’opposition parlementaire. A ce propos, il a déclaré que Khalifa Sall n’est pas le seul maire à être emprisonné pour des faits de détournement de deniers publics, car plusieurs élus le sont. ‘’Récemment, un président de conseil départemental de la majorité a été obligé de consigner pour ne pas aller en prison’’, a-t-il ajouté. Au demeurant, M. Fall constate que, souvent, quand on parle de justice, on n’appréhende pas toutes les dimensions. ‘’La tendance est qu’on se limite à deux cas d’affaire ordinaire. On exagère et on politise les décisions de justice, après on veut faire croire aux Sénégalais que c’est cela la justice. Or, celle-ci renferme la justice pénale à laquelle le peuple est habitué. Il y a la justice civile qui juge les conflits de nature civile, la justice sociale, familiale et administrative’’, a déclaré le ministre. A son avis, on ne peut accepter que des individus chahutent la justice, parce que leurs partisans sont impliqués dans des affaires de détournement de deniers et d’escroquerie.

En somme, le Garde des Sceaux estime que nous avons une justice de référence, respectée, visitée et citée en exemple.

Donc, a-t-il conclu son intervention : ‘’Ce ne sont les chahuts de quelques politiciens qui vont discréditer cette justice.’’

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Passe d’armes entre Ismaïla Madior Fall et les députés opposants 

Pour peu, on aurait cru, hier, que le ministre de la Justice a été convié devant l’institution parlementaire pour être jugé. Les attaques étaient tellement virulentes qu’à la fin des débats, le président de la plénière, Abdoulaye Makhtar Diop, a fait un rappel à l’ordre à ses collègues de l’opposition.

Des vertes et des pas mûres, le ministre de la Justice en a entendues, hier, à l’hémicycle. Ismaïla Madior Fall, qui défendait son budget 2019, a été sévèrement critiqué par les députés de l’opposition qui l’accusent de s’être renié par rapport à ses idéaux sur la justice. Les premières flèches sont venues de la députée libérale Ndèye Marie Sow. ‘’J’ai mal. Ce qui nous étonne, c’est ce reniement. Ce que vous nous aviez appris à l’université est diamétralement opposé de ce que vous faites maintenant’’, a soutenu la parlementaire qui accuse le Garde des Sceaux d’être à l’origine de l’impopularité de l’actuel régime. ‘’Vous êtes la cause de toutes les difficultés des Sénégalais, alors que vous étiez adulé’’, a-t-elle lancé, faisant allusion à l’affaire Karim Wade et Khalifa Sall. Avant d’apostropher le ministre en ces termes : ‘’En tant que professeur émérite, vous n’avez pas le droit de faillir. Vos étudiants ne savent pas à quel Ismaïla se fier. Le professeur ou le politique.’’

Son collègue Aboubacry Thiaw d’emboucher la même trompette. ‘’Je connaissais une personne qui faisait ce jeu d’équilibre de la justice, mais une fois devenu ministre de la Justice, il peine à dire la vérité’’, assène le parlementaire. Très en verve, il ajoute : ‘’Les 98 % d’injustice servent à couvrir un régime aux abois. Il ne reste à Macky Sall que de dire : je suis votre maitre, comme l’avait fait ’Fir Awna’ (Pharaon du temps du prophète Moussa). Même s’il ne l’a pas dit verbalement, il le pense.’’

Mamadou Diop Decroix n’a pas été en reste, dans ce jeu d’attaques. ‘’Vous fûtes un bon professeur. Vous êtes entré dans la politique récemment et vous voulez être maitre’’, a-t-il soutenu. Les députées libérales Woré Sarr et Mame Diarra Fam n’ont également pas été tendres avec le ministre. Elles lui en veulent surtout pour ses propos tenus sur l’éventuel retour de Karim Wade. Le Garde des Sceaux a déclaré que : si le fils de l’ex-président Wade revient au Sénégal, il doit payer l’amende de 138 milliards. A défaut, la contrainte par corps sera exécutée.

‘’Je suis fier des milliers de Sénégalais que j’ai formés‘’

Face à toutes ces attaques, Ismaïla Madior Fall est resté indifférent. Du moins jusqu’au moment d’apporter des réponses aux différentes interpellations des parlementaires. En fait, durant sa prise de parole, le ministre a apporté la réplique à ses pourfendeurs.

‘’Je suis fier des milliers de Sénégalais que j’ai formés. Je suis fier de la trentaine de docteurs que j’ai formés et je suis fier d’être le ministre de la Justice et d’être à côté d’un président né après les indépendances’’, a-t-il rétorqué sous une salve d’applaudissements des députés de la majorité. Poursuivant, il ajoute : ‘’Je suis fier d’être aux côtés du président qui a impulsé la loi sur le parrainage pour assainir l’espace politique. Pour la première fois, il y aura une élection avec pas beaucoup de candidats. Les candidats qui ne représentent rien ne seront pas dans la course.’’

A ceux qui l’ont taxé de ministre politicien, il a déclaré qu’il ne fait pas de la politique pour s’enrichir, mais y est entré pour servir la nation. ‘’Je n’ai rien gagné avec la fonction de ministre, du point de vue matériel. Je ne suis pas venu pour des conditions matérielles. La maison où j’habite présentement, est plus grande que celle qu’on m’a proposée’’, a encore asséné le ministre qui a eu droit au soutien de la majorité. Certains comme la députée ‘’apériste’’ Sira Ndiaye, lui ont rendu ‘’un vibrant hommage’’.

Seydou Diouf a, pour sa part, dénoncé l’attitude de ses collègues. ‘’Je ne peux admettre qu’un député jette l’opprobre sur un ministre. De plus en plus, on personnalise les débats. On insulte des ministres, on rentre dans leur vie. Nous devons savoir raison garder’’, a soutenu le député de Rufisque. Le président de séance a abondé dans le même sens. ‘’Des députés ont utilisé tout leur temps pour vous attaquer. Vous fûtes, vous avez été, mais tout ce que je sais, c’est que vous restez un professeur émérite’’, a dit Abdoulaye Makhtar Diop à l’endroit du ministre. Aussi, a-t-il reproché à ses collègues de profiter de leur immunité pour faire des attaques personnelles.  

FATOU SY

 

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