Publié le 15 Feb 2020 - 00:44
STATUT PARTICULIER POUR DAKAR ET NOMINATION DU MAIRE DE LA CAPITALE

Le régime met la machine en branle

 

La persistance du débat sur un éventuel statut particulier pour Dakar ramené tout récemment par Aminata Mbengue Ndiaye, laisse entrevoir une volonté pas du tout affirmée, du pouvoir central, de mettre la main sur la ville, en nommant tout simplement, par décret, le maire.

 

Le débat sur un probable statut particulier de Dakar cacherait-il une volonté du régime de Macky Sall, de nommer le maire de la capitale ? Même si jusqu’ici, il est prématuré de répondre par l’affirmative, la récurrence du débat cache mal une volonté politique affirmée. Les prémices d’un retour à la case de départ sont visibles d’abord avec la sortie, en novembre 2019 dernier, du journaliste Cheikh Diallo qui a le premier levé le lièvre. ‘’Le maire de la ville de Dakar ne doit pas être élu, mais nommé par décret présidentiel. Il faut une gestion municipale sous tutelle de l’État en osmose avec le gouvernement au profit des Dakarois. Ce, pour éviter les conflits d’intérêt’’, a-t-il déclaré dans les ondes de la Rfm, alors invité du Grand Jury. Le Docteur en Science politique de pousser le bouchon plus loin, en défendant que cela permettrait d’éviter la bataille qu’il y a toujours eu autour du contrôle de la ville de Dakar et qui a tout le temps, en tout cas depuis 2009, cristallisé les rapports entre le pouvoir central et le maire de la capitale.

Si cette proposition, qui avait d’ailleurs charrié beaucoup de réactions, n’a pas trop prospéré et a vite fait de s’éclipser, elle a été remise au goût du jour par le Haut conseil des collectivités territoriales, dans un cadre cette fois ci institutionnel. La présidente de ladite institution et ses conseillers ont, à l’issue de leur première session ordinaire de l’année 2020, tenue vendredi 7 février dernier, remis le couvercle, en proposant au pouvoir central de doter la capitale Dakar d’un statut particulier à l’image d’autres villes d’Afrique comme Yaoundé, Yamoussoukro, Douala, Lagos qui disposent d’un statut particulier à la hauteur de leur taille et à la dimension de leurs ambitions.

 A peine cette proposition formulée, elle fait l’objet d’un rejet au sein de l’opposition. Premier à monter au front, le maire de Mermoz-Sacré-Cœur. Barthélemy Dias, dans une sortie récente dans la presse, avait pourtant averti l’opinion publique nationale d’un dessein du Président Macky Sall de nommer par décret présidentiel, le maire de Dakar. Dans une vidéo postée avant-hier sur sa page Facebook, il réitère ses soupçons. Allant cette fois-ci plus loin, il pense que c’est d’abord une manière de noyer le poisson dans un contexte de révolte quasi généralisée due à la hausse des prix de l’électricité. ‘’Quand on leur parle de courant ou de gaz, ils créent une diversion. Mais qu’ils sachent que ce statut particulier de la ville de Dakar sera la mère des batailles. La goutte d’eau qui fera déborder le vase. Ce sera un combat pour la démocratie, la décentralisation et pour la fierté de Dakar’’, a-t-il déclaré.

Pour Barthélémy Dias, ce combat n’est pas celui des partisans de Khalifa Sall, seulement, puisque la ville de Dakar précède le Sénégal indépendant. ‘’C’est en 1857 que la ville de Dakar a été créée, une ville référentielle. Un maire a été élu puis réélu, et le Président Macky Sall a tout fait pour s’emparer de cette mairie sans succès. Ils ont emprisonné Khalifa Ababacar Sall pour mettre la main sur la mairie, et aujourd’hui, ils veulent créer ce statut spécial de la ville. Cela démontre que Macky Sall, lors de la dernière élection présidentielle, n’est pas vainqueur de Dakar. Il a usurpé cette élection’’, rumine-t-il. Soutenant ainsi que le Haut conseil des collectivités territoriales, au lieu d’entrer dans ce combat politique, devait plutôt s’évertuer à faire l’évaluation de l’Acte 3 de la décentralisation et corriger ses imperfections qui plombent le développement des communes.

Coquille vide

Capitale du Sénégal en même temps l’un des plus grands greniers électorales du pays, Dakar a toujours fait l’objet de rudes batailles entre pouvoir central et opposition à partir de 2009 où le maire libéral d’alors, Pape Diop, a été vaincu par le socialiste Khalifa Ababacar Sall, porté à l’époque par la coalition Benno siggil Senegaal composée outre le Parti socialiste, du Parti de l’indépendance et du travail, de la Ligue démocratique, de l’Alliance des forces de progrès, entre autres partis politiques qui gravitent aujourd’hui autour du Président Macky Sall, dans le cadre de la coalition Benno bokk yaakaar. Après plusieurs vaines tentatives de faire entrer la ville de Dakar dans l’escarcelle du parti présidentiel, l’Alliance pour la République en l’occurrence, Macky Sall, a ourdi l’Acte 3 de la décentralisation qui a dépouillé Khalifa Sall de la quasi-totalité de ses prérogatives et a fait de la ville de Dakar une coquille vide avec un budget colossal de plus de 20 milliards de nos francs. Encore que cette loi qui a érigé les départements en ordre de collectivité territoriale, a dispensé Dakar, Pikine et Guédiawaye de Conseils départementaux.

Dans les faits, souligne le Pr Ndouda Mboup dans une récente sortie médiatique, Dakar, capitale du Sénégal, bénéficie déjà d’un statut spécial, en ce sens que c’est la seulement collectivité territoriale inscrite dans la Constitution sénégalaise. Rien que ces deux aspects lui donnent déjà un statut spécial. Le constitutionnaliste, qui rappelle que le régime applicable aux collectivités territoriales au Sénégal est unifié depuis 1996, souligne qu’avec la suppression de la tutelle et l’instauration d’un contrôle de légalité a posteriori, les collectivités territoriales sont considérées comme majeures.

A cet effet, il serait très compliqué de venir doter une collectivité territoriale d’un statut spécial dans lequel le pouvoir central aurait une mainmise. ‘’Si on en arrive à doter la capitale, Dakar, d’un statut spécial, cela signifierait tout simplement qu’en réalité, la décentralisation avec ses grands principes risquerait tout simplement d’en pâtir. En termes de démocratie et d’Etat de droit, ça risque d’être un recul dans la mesure où il n’existe pas de tutelle. Pire, la ville de Dakar se verrait enlever ce qui est le cœur de la démocratie locale’’, déclare-t-il.

Allant plus loin, le spécialiste de la décentralisation Médoune Diop estime que ce serait tout simplement une régression démocratique pour une grande démocratie comme le Sénégal.

ASSANE MBAYE

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