Publié le 6 Jun 2020 - 00:34
LEVEE DES RESTRICTIONS

Professeur Massamba Diouf demande la protection des couches vulnérables

 

La levée des restrictions est appréciée par certains experts de la santé. Toutefois, l’épidémiologiste Massamba Diouf demande, entre autres, la protection des personnes vulnérables et la surveillance des gares routières par les forces de défense et de sécurité. 

 

Après trois mois d’interdiction du transport interurbain, le Sénégal rouvre ses voies terrestres, les restaurants et les salles de sport. Par la même occasion, les horaires du couvre-feu sont repoussés de 23 h à 5 h. Pour le professeur en épidémiologie Massamba Diouf, avec cette levée des restrictions, la protection des couches vulnérables devient une nécessité absolue. Parce que, souligne-t-il, quand on permet aux gens de vaquer à leurs occupations, alors que ces couches ne sont pas protégées, elles sont exposées à des risques de contamination à la Covid-19.  C’est pourquoi il demande à l’Etat de tout faire pour mettre en œuvre des programmes ou des activités visant à protéger ces groupes vulnérables. 

A son avis, cette couche de la population doit éviter les déplacements inutiles. ‘’On peut leur demander de toujours se protéger, lorsqu’ils doivent se déplacer. L’Etat peut instaurer un programme de suivi strict et régulier de ces couches. Tous les insuffisants rénaux, les diabétiques, les personnes vivant avec une maladie chronique, on doit s’arranger à ce que leur médecin traitant puisse être plus proche d’eux. Mais également, leur faciliter l’accès aux soins, de manière générale. Si ces personnes bénéficient de ces mesures de protection, on peut espérer faire face à la pandémie facilement, malgré les mesures prises aujourd’hui’’, suggère l’épidémiologiste.
 
Du point de vue de la communication, il conseille au ministère et ses partenaires de travailler à instaurer la littérature en santé. Cette littérature, dit-il, nous ne l’avons pas interprétée comme il le faut. C’est, souligne le Pr. Diouf, la capacité d’informer et de permettre à celui qu’on informe de comprendre et d’utiliser l’information à bon escient. ‘’C’est le problème que nous avons. Nous informons, mais est-ce que ceux à qui l’information est destinée la comprennent ? Même s’ils la comprennent, ils ne l’utilisent pas correctement. Je donne l’exemple du port du masque. Certains le portent juste pour couvrir la bouche et laisser le nez complètement à découvert. Si on continue à informer en tenant en compte toutes les spécificités de la littérature, on pourrait amener les populations à mieux comprendre et à mieux vivre avec le virus’’, espère-t-il.  
 
Il souligne, par ailleurs, que les mesures prises par le gouvernement sont bonnes, mais demandent un encadrement.  A son avis, quand on demande à la population de rester chez elle pendant trois mois, avec des difficultés que tout le monde connait, à un moment donné, il faut penser à cette population qui trinque à trouver à manger à boire ou à se soigner.
 
‘’Je crains qu’il y ait encore des légèretés au niveau des gares routières’’
 
Selon l’expert, tous les pays qui ont observé des mesures barrières en même temps que le Sénégal, ont fini par lever petit à petit et à reprendre le cours de la vie normale. Toutefois, il précise que cela nécessite un accompagnement des chauffeurs, en les dotant de matériel approprié pour le respect de mesures barrières. Mais également, en les mettant devant leurs responsabilités. ‘’Il faut faire comprendre aux chauffeurs qu’avant qu’un passager ne prenne un véhicule, il doit se laver les mains, porter un masque. La distanciation doit être respectée à l’intérieur du véhicule. Rien ne s’oppose à ce que les activités puissent reprendre’’. 
 
Autre proposition faite par l’épidémiologiste, c’est la surveillance, par les forces de défense et de sécurité, à l’intérieur des gares routières. ‘’Parce qu’on connait les Sénégalais. Ce n’est pas facile de leur demander de respecter scrupuleusement ces mesures et qu’ils le fassent correctement. C’est pourquoi l’accompagnement des forces de défense et de sécurité, les ASP, les gendarmes pourrait aider à l’observance de ces gestes barrières’’.
 
Autre aspect évoqué par le médecin : la traçabilité. A son avis, s’il y a un répertoire qui permet d’enregistrer les personnes qui prennent ces moyens de transport, cela aiderait, une fois qu’un problème se déclare, de pouvoir traquer et faire en sorte que ces personnes soient suivies correctement. ‘’C’est ce qui s’est passé avec l’aéroport. Au début, ils ont dit qu’ils vont filtrer les entrées et les sorties. Mais, en réalité, il y a eu beaucoup de légèreté dans ce qui a été fait. Je crains qu’il y ait encore des légèretés au niveau des gares routières. En ce moment, ça sera catastrophique et on pourra assister à la propagation à outrance de la maladie. Ce que nous ne souhaitons pas’’, prévient le Pr. Diouf. Le spécialiste demande de mettre le focus sur les zones qui sont carrément touchées (Diourbel, Thiès ou Touba). 
 
Ces trois zones constituant l’épicentre de l’épidémie, l’Etat, dit-il, doit faire en sorte que les forces de défense et de sécurité soient présentes. ‘’Il y a trois à quatre sites où les voitures sont pré-positionnées pour rallier l’intérieur du pays. Il n’est pas difficile de repositionner les forces de sécurité. En ce moment, il n’y aura pas de difficultés majeures. On devra être plus rigoureux avec Thiès et Touba qu’avec les autres régions. C’est cette stratégie ajustée qui va nous permettre de maitriser la situation dans les régions où le taux d’incidence est relativement élevé’’.
 
 
SITUATION DU CORONAVIRUS AU SENEGAL
 
La courbe est baissière 
 
Malgré les nombreux cas enregistrés ces dernières semaines, le ministère de la Santé annonce une tendance baissière de la courbe. Selon le ministre Abdoulaye Diouf Sarr, ils ont noté une élévation rapide de la courbe des cas confirmés, entre la semaine du 20 avril et celle du 11 mai 2020. Sur cette période, dit-il, le nombre de cas confirmés est passé de 304 à 771 cas par semaine. 
 
Actuellement, ils constatent, avec espoir, une tendance baissière de la courbe des cas confirmés. Cependant, souligne le ministre, cette situation ne doit pas constituer un motif de relâchement, mais plutôt nous engager dans une adaptation des stratégies de riposte, en particulier dans la région de Dakar. Il a rappelé que 75 % des cas confirmés sont dans la région de Dakar, avec notamment le département de Dakar qui concentre 56 % de tous les cas confirmés au Sénégal. 
 
Devant cette situation, la mise en œuvre de la nouvelle stratégie commande un ciblage des groupes à risque pour la prise en charge. Il s’agit surtout des personnes âgées et celles atteintes de maladies chroniques. Une plus grande rigueur dans le respect des mesures barrières, en particulier l’obligation du port du masque, le lavage régulier des mains ainsi que le respect de la distanciation sociale sera exigée. 
 
D’autres mesures seront présentées aujourd’hui au cours du point de presse mensuel d’évaluation technique de la riposte à la Covid-19. Aussi, 49 090 tests ont été réalisés par l’Institut Pasteur de Dakar et l’Iressef, 4 021 cas ont été déclarés positifs avec un taux de positivité de 7,36 %. Selon Abdoulaye Diouf Sarr, 2 162 patients ont été déclarés guéris ; le taux de guérison est de 53,77 %. Et 45 patients sont décédés. Le taux de létalité est de 1,12 %.
 
 
VIVIANE DIATTA

 

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