Après avoir repris la main, Emmanuel Macron croit en la victoire contre les jihadistes

Le président de la République française et les chefs d'État des pays membres du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) se sont réunis hier, à Nouakchott, la capitale mauritanienne, pour faire le point sur leur guerre contre le terrorisme dans cette région africaine.
C’était le moment de faire un premier bilan des actions de la Force G5 Sahel et de l’armée française engagées dans la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, depuis le sommet de Pau du 13 janvier 2020 où le président Français avait ‘’convoqué’’ ses homologues africains. Hier, le président Emmanuel Macron a participé au Sommet du G5 Sahel tenu à Nouakchott, en Mauritanie, où il a rencontré les chefs d'État de la Mauritanie, du Mali, du Burkina Faso, du Niger et du Tchad.
Ceci, pour ‘’d’abord respecter l’engagement tenu à Pau de faire le point sur les avancées, au bout de six mois’’. Mais aussi par devoir de solidarité, en cette période de pandémie, alors que ‘’la région a été touchée et continue à l’être par des attaques terroristes qui justifient la présence de l’armée française, comme d’ailleurs d’autres armées, à la demande des pays du Sahel et en leurs côtés’’, justifie-t-il.
Pour le chef de l’Elysée, c’est une véritable reprise en main de la situation qui est en train de se dérouler, en six mois. Suffisant pour le convaincre que ‘’la victoire est possible au Sahel’’. ‘’Nous sommes en train d’en retrouver le chemin grâce aux efforts qui ont été consentis’’, a déclaré Emmanuel Macron lors de la conférence à l'issue du sommet.
En début d’année, le sommet de Pau avait été organisé, après une série de revers des armées du Sahel face aux jihadistes. Malgré quelques coups portés aux combattants locaux et l’élimination de certains chefs, l’armée française et ses alliés africains paraissaient en grande difficulté. Les armées des pays du G5 Sahel et les 4 500 éléments français de l’opération ‘’Barkhane’’, lancée durant l’été 2014 pour succéder à ‘’Serval’’ qui avait réussi, en 2013, à chasser les islamistes des villes du nord du Mali qu’ils occupaient, accumulaient les revers. La mort de 13 soldats français en opération avait suscité la remise en question de l'intervention française dans un contexte où les populations locales montraient de plus en plus leur scepticisme, certains demandant le départ des forces françaises et étrangères.
Les chefs d'État du G5 Sahel et l'allié français avaient alors décidé de concentrer leur action contre l'organisation État islamique dans la "zone des trois frontières" (Mali, Burkina, Niger) sous un commandement conjoint de la force française ‘’Barkhane’’ et de la Force antijihadiste du G5 Sahel.
Pour le chef de l’Etat français, les points de satisfaction sont nombreux depuis ce réajustement. ‘’Nous avons connu de vrais succès dans la lutte contre le terrorisme, avec la neutralisation de chefs redoutés qui ont fait beaucoup de mal à la population civile’’, s’est-il enthousiasmé devant la presse. Car, ajoute-t-il, ‘’nous avons réussi à améliorer notre organisation en matière de sécurité, de partage de l’information. Il y a eu une vraie montée en gamme de l’intervention des armées sahéliennes. Le matériel a aussi été livré, l’engagement est toujours là. Nous devons faire davantage en matière de retour de l’Etat. Je pense en particulier à ce qui doit être fait au Mali, au Burkina où la situation est très compliquée’’.
Au cours des six derniers mois, la France a augmenté les effectifs de Barkhane de 500 militaires pour les porter à 5 100. Barkhane et ses partenaires ont multiplié, depuis, les offensives dans la zone des trois frontières, revendiquant la "neutralisation" de centaines de jihadistes, dont celle du chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), l'Algérien Abdelmalek Droukdal, tué dans le nord du Mali, par les forces spéciales françaises, début juin.
Une situation toujours chaotique dans la zone des trois frontières
Cependant, ces quelques éclaircis ne cachent pas une situation encore chaotique dans le Sahel. L’application de l’accord de paix signé en 2015 entre Bamako et les principaux groupes armés non jihadistes du Nord-Mali n’est toujours pas effective. Un fait que dénoncent les Etats-Unis dont président Donald Trump menace de quitter la région. Et selon l’Organisation des Nations Unies (Onu), plus de 200 civils auraient été tués illégalement dans le centre du pays par l’armée ou ses milices alliées, lors d’abus, d’exactions et d’exécutions extrajudiciaires.
Au Burkina où l’Etat a perdu, depuis longtemps, le contrôle d’une grande partie du territoire, les violences contre les civils, attribuées par les organisations des droits humains aux forces régulières, se poursuivent aussi.
Au Niger où l’armée est pourtant réputée plus professionnelle que chez les voisins malien et burkinabè, les mêmes forfaits sont dénoncés. Des accusations qui ont provoqué les mises en garde d’Emmanuel Macron qui prévient que ‘’dans ce combat, nous nous devons d’être exemplaires. Face aux faits graves qui ont été rapportés, des enquêtes seront menées. Le Sahel ne doit pas plonger dans un cycle de violences et de représailles. C’est précisément ce que recherchent les groupes terroristes et ce qu’ils ont réussi à faire dans le passé’’.
‘’C’est notre volonté d’européaniser la lutte contre le terrorisme dans le Sahel’’
Le sommet de Nouakchott a aussi vu la participation du président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez, de même que la tenue d’une réunion par visioconférence avec la France, ses partenaires africains ainsi que les chefs de gouvernement allemand, espagnol et italien. Un fait loin d’être anodin, comme l’explique Emmanuel Macron : ‘’Nous avons un message d’engagement, de solidarité et cette volonté que je porte, depuis un peu plus de trois ans, pour dire que lorsque la France s’engage, c’est l’Europe qui s’engage. C’est notre volonté d’européaniser la lutte contre le terrorisme dans le Sahel. Ce sont des projets entre l’Europe et l’Afrique que nous sommes en train de développer.’’
Reste désormais à voir les conséquences qui pourraient découler des contestations de plus en plus vives contre le président malien Ibrahima Boubacar Keïta, à l’horizon des échéances électorales dans le pays, de même qu’au Burkina, où l'élection présidentielle, prévue en fin d'année, risque d'être contestée, des zones entières pouvant être privées du scrutin.
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SOMMET SUR LE TERRORISME DE NOUAKCHOTT
Le G5 Sahel salue ses ‘’victoires’’
Le G5 Sahel savoure quelques avancées et réclame le renforcement de la coopération militaire internationale, de même que la concrétisation des promesses financières de la communauté internationale.
Dans le communiqué final du sommet de Nouakchott, les chefs d’Etat du G5 Sahel se sont félicités de la reprise d’opérations soutenues dans la zone des trois frontières (entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso), des succès enregistrés par les forces nationales, la force conjointe et les forces internationales. La mort du chef d’Aqmi, Abdelmalek Droukdal, tué le 3 juin 2020 dans la région de Tessalit par la force Barkhane et ses alliés, a été hautement appréciée. D’autres succès ont aussi été notés dans des sorties contre des factions de Boko Haram, comme l’opération éclaire ‘’Colère de Boma’’ dans la région du lac Tchad, au mois d’avril 2020.
Cependant, l’organisation terroriste est en train d’imposer un autre front au Tchad, au Niger et au Nigeria. Ce qui risque de renforcer les capacités terroristes locales dans ces zones, remettant en cause les résultats obtenus, lors de l’opération ‘’Colère de Boma’’. Aussi, une extension de la menace terroriste en direction de la Côte d’Ivoire est à craindre, suite à l’attaque récente de la garnison ivoirienne de Kafolo. D’où la nécessité d’une action collective et énergique, en vue de l’éradiquer.
Dans la coopération militaire, les chefs d’Etat ont exprimé leur reconnaissance à l’égard de l’appui crucial apporté par la France et les Etats-Unis, ainsi que celui de la Minusma au bénéfice de la force conjointe du G5 Sahel. Ils ont salué les perspectives de déploiement des premiers soldats de la force Takuba à l’été 2020, d’une brigade de la Grande-Bretagne en appui à la Minusma en 2020 et d’un contingent de 3 000 hommes de l’Union africaine.
Ils ont, en outre, salué le renouvèlement et le renforcement du mandat de la Minusma.
Un plan d’actions prioritaires 2020-2024
Après les revers essuyés entre 2018 et 2029 par les armés des différents pays, les chefs d’Etat ont relevé le redéploiement progressif des administrations et le retour de certains déplacés dans leurs localités d’origine, à la faveur des opérations de sécurisation.
Toutefois, notent-il, des efforts restent à faire, non seulement pour le retour effectif des populations, mais aussi pour la mise en œuvre de programmes de développement entravée ou retardée avec la survenue de la pandémie du coronavirus. La disposition des terres étant source de beaucoup de conflits, ils ont souligné l’importance de mener à bien, dès que possible, des initiatives à l’échelle régionale, nationale et locale en faveur du dialogue intercommunautaire, de la réconciliation et du traitement des questions de fond sur le partage des ressources ou les litiges fonciers.
Si le volet militaire et sécuritaire reste primordial dans la lutte contre le terrorisme, le développement économique du Sahel l’est tout autant afin de venir en appui à une jeunesse désemparée et vulnérable au discours de jihadistes. Ce qui a poussé les chefs d’Etat à rappeler l’importance du Programme d’investissements prioritaires (PIP) pour les populations du Sahel et pour la lutte contre le terrorisme, en invitant la communauté internationale à libérer l’ensemble des fonds promis lors du Sommet de Nouakchott du 6 décembre 2018.
Ils ont salué la tenue, le 16 juin 2020, de la réunion des ministres en charge du développement des pays membres du G5 Sahel qui s’est penchée sur l’exécution du PIP et instruit lesdits ministres d’accélérer la mise en œuvre des programmes de développement, en coordination avec les partenaires du G5 Sahel.
En outre, la CEDEAO a adopté un plan d’actions prioritaires 2020-2024, pour éradiquer le terrorisme dans l’espace CEDEAO. Une mesure que les chefs d’Etat ont saluée tout en encourageant sa mise en œuvre effective.
Le prochain Sommet se tiendra courant 2021 dans un pays du G5 Sahel.
Lamine Diouf