La contestation prend forme
Le maintien du Sénat va-t-il empoisonner l'ambiance dans la majorité présidentielle ? En tout cas, même si les grands partis approuvent Macky Sall dans ses intentions, une frange des jeunes issus de Benno Siggil Senegaal, du M23 et de la société civile compte lancer une pétition en sens contraire.
La question du Sénat, une institution que le président de la République a décidé de conserver après qu'elle a été très décriée sous le régime de Wade, suscite beaucoup de réactions. Contrairement aux grands partis, un air différent est chantonné par des jeunes issus de Benno Siggil Senegaal, du M23 et de la société civile. Regroupés dans un mouvement né ce week-end et dénommé «Génération sentinelles de la République», ces jeunes vont lancer une pétition pour marquer leur désapprobation quant au maintien du Sénat.
Sous la houlette du responsable des jeunes du M23, Ousmane Ndiaye, ils refusent la survie de cette institution et condamnent «l'attitude complice des alliés de Macky Sall» sur la question. «C'est parce qu'ils sont dans le gouvernement que certains des leaders de Benno Bokk Yaakaar ont retourné leurs vestes tandis que d'autres qui sont dans l'attente des sinécures se sont tus», regrettent-ils. «Le Sénat que le président Macky Sall veut mettre en place, c'est presque le même Sénat de Wade : un sénat inopportun, inutile et budgétivore. Il sert simplement à récompenser une clientèle politique», persiflent Ousmane Ndiaye et ses camarades. Qui comptent ainsi se lancer dans une campagne de sensibilisation nationale et internationale pour «mobiliser tous les Sénégalais motivés, qui étaient sur le terrain en train de combattre les dérives de Wade».
A la Ligue démocratique du Pr. Abdoulaye Bathily, les explications du porte-parole Moussa Sarr renvoient presque au grand écart. D'un côté on affirme : «Compte tenu des multiples difficultés auxquelles sont confrontés les citoyens sénégalais, nous avons toujours estimé que le mieux est de surseoir au Sénat», indique Moussa Sarr. «C'est notre position de principe», ajoute-t-il. D'un autre côté, on fait preuve de compréhension. «Maintenant, des contingences politiques peuvent justifier qu'à un moment précis, le pouvoir sente la nécessité, pour plusieurs raisons, de créer une deuxième chambre, en l'occurrence le Sénat», déclare-t-il à EnQuête.
Haro sur les «putschistes»
Moins nuancé, Abdoulaye Wilane, le chargé de la communication du Parti socialiste, estime lui, que «la décision de Macky Sall de maintenir le Sénat et le mode de désignation de ses membres repose sur une légitimité à la fois politique et juridique.» Cela, d'autant plus que «ce qu'il fait est cautionné et approuvé par le peuple sénégalais.» Pour le maire de Kaffrine, «c'est être putschiste et prétentieux que de dire qu'il n'a pas le droit» de maintenir le Sénat en l'état.
Pour les Socialistes, la position la plus sage consiste à laisser faire Macky Sall sur cette question. «Qu'on le veuille ou pas, force nous est imposée de nous conformer à ce que le peuple lui a attribué comme prérogatives légitimes et légales.» Pour Wilane, le combat est ailleurs : engager les réformes idoines qui rendent au Sénat une crédibilité perdue «depuis qu'Abdoulaye Wade en a fait ce qu'il est actuellement».
ASSANE MBAYE