La criminalisation du trafic de médicaments encore réclamée
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Les pharmaciens souhaitent que l’état du Sénégal ratifie la Convention Medicrime qui criminalise la contrefaçon, mais aussi la fabrication et la distribution de médicaments sur le marché. Ils l’ont réitéré lors de l’incinération, hier, des faux médicaments saisis en 2017 par la brigade de gendarmerie de Touba Bélel.
L’incinération des faux médicaments saisis le 11 novembre 2017 par la brigade de gendarmerie de Touba Bélel, a constitué, hier, l’étape ultime de l’exécution d’une décision de justice rendue le 7 mai 2020 par la Cour suprême. C’était dans une affaire dans laquelle l’Ordre des pharmaciens et le Syndicat des pharmaciens constituaient la partie civile. Et ils poursuivaient Amadou Oury Diallo, le convoyeur, et Bara Sylla, le propriétaire des médicaments contrefaits. Ces derniers ont été condamnés respectivement à 5 et à 7 ans d’emprisonnement ferme. Mais Amadou Oury Diallo avait bénéficié d’une grâce présidentielle.
Aujourd’hui, les pharmaciens ne souhaitent qu’une seule chose : c’est l’adoption de la loi instituant la criminalisation de la vente illégale et du trafic des médicaments. Et cela passe, d’après le Dr Ndiaye, membre du Conseil de l’ordre des pharmaciens et point focal du dossier sur la saisie des médicaments, par ‘’la criminalisation de l’exercice illégal de la profession pharmaceutique. Nous demandons la ratification de la Convention Medicrime’’, a-t-il dit.
Si les pharmaciens vont en croisade contre le trafic des faux médicaments, c’est parce que cela représente un danger pour la santé publique. Dans la région de Diourbel, du fait de l’ampleur de ce trafic, le nombre de personnes souffrant d’insuffisance rénale a gravement augmenté ces dernières années. En 2018, on dénombrait 400 personnes souffrant d’insuffisance rénale à Touba.
Cette vente illicite de médicaments est une hantise au niveau de la région. ‘’Le marché des faux médicaments peut être estimé à plus de 15 milliards de francs. Nous en voulons pour preuve tous les points de vente illicites dans ce pays, mais également des marchés dédiés exclusivement à la vente des faux médicaments comme Thiaroye, Diaobé, Ocass’’, regrette le docteur Assane Diop.
Pour toutes ces raisons, il demande des sanctions contre les faux pharmaciens. A Touba, le nombre de ‘’faux pharmaciens’’ est supérieur au nombre de pharmaciens qui ont l’autorisation légale d’exercer dans 10 régions du pays. C’est dire l’ampleur et la gravité du phénomène. ‘’Nous n’avons cessé de demander la ratification de la convention qui permettra au juge de prononcer des peines plus lourdes pour les contrevenants. Mais actuellement, ce sont des peines de 6 mois et des amendes de 600 000 F CFA. L’Etat doit passer à la ratification. Il faut que l’état hâte le pas dans ce processus de criminalisation du trafic des faux médicaments, parce que les juges auront les outils et les moyens nécessaires pour lutter efficacement contre ce trafic’’, pense le Dr Diop.
En marge de l’incinération des faux médicaments, le président de l’Ordre des pharmaciens du Sénégal, Docteur Amath Niang, a interpellé l’autorité religieuse de Touba. Il lui demande de s’impliquer pour que ce trafic cesse. Et c’est ce qui permettra aux pharmaciens de s’installer dans la cité religieuse qui ne compte que 46 pharmaciens légaux contre 313 dépôts de médicaments.
Cette incinération aura permis au chef de la Subdivision des douanes de Diourbel, le lieutenant-colonel Cheikh Faye, d’inviter les populations à partager les informations qu’elles ont avec eux. ‘’Il faut le dire, la lutte contre les faux médicaments et la drogue reposent essentiellement sur le renseignement. Et pour que cela puisse aboutir, il faut nécessairement une coopération des forces de sécurité, que ça soit la douane, la gendarmerie et les sapeurs-pompiers. La douane est connue beaucoup plus dans sa mission fiscale, c'est-à-dire, on cherche des recettes qu'on met dans le budget de l'Etat. Mais là aussi, il y a une autre mission extrêmement importante : c'est cette mission sécuritaire’’.
Boucar Aliou Diallo