Publié le 16 Aug 2012 - 15:50
DERNIÈRES PLUIES-YARAKH SOUS L'EFFONDREMENT

Bilan six morts et une dizaine de blessés

C’est la consternation au quartier Rail-bi de Yarakh, après la forte intempérie enregistrée dans la nuit du lundi au mardi. Le mur d’un entrepôt s’est affaissé sur une dizaine de chambres en baraque occasionnant 6 morts et plusieurs blessés.

 

Six habitants d’une même maison ont péri sous la dalle d’un mur meurtrier. De quoi alimenter les commentaires les plus fous au quartier Rail-bi de Yarakh. De loin, on aperçoit la foule. Dans ce quartier perdu, les baraques s’étendent à perte de vue. Par petits groupes, les habitants jalonnent l’axe principal qui mène au lieu du drame et jettent un regard curieux sur les entrées et les sorties dans cette maison, subitement devenue le lieu de convergence de tous. Sur place, la rangée de maisons en baraque faisant face au rail cache derrière elle une image déconcertante. Pour s’en convaincre, il faut s’enfoncer dans une des petites ruelles qui donnent accès à une autre rangée de chambres, cette fois-ci en ruine. Le spectacle est là et donne le tournis. Plus de 15 chambres rasées par un mur en dur qui étale toute sa hauteur et toute sa longueur sur l’espace qui quelques heures plus tôt accueillait des baraques. C’est difficilement que l’on reconnaît les débris de zinc, de bois, de tapis… qui tentent vainement de résister à ce coup de massue. Ici, six personnes ont péri et plusieurs blessés ont élu domicile à l’hôpital général de Grand-Yoff.

 

‘’Fatou était enceinte d’environ 7 mois et son mari est au village’’

Le regard perdu, la mine serrée, Ousmane Diouf habillé en chemise blanche et pantalon kaki marron s’active sur les décombres dans l’espoir de sauver ce qui peut encore l’être. Mais Ousmane ne tient pas, tantôt il repose les objets sortis des décombres, comme s’il ne s’était jamais donné la peine de les en extraire, tantôt il fait des va-et-vient ‘’inutiles’’ sur les lieux. A tout point de vue, il semble perdu. Il ne saurait en être autrement d’ailleurs chez cette homme âgé de 47 ans qui confie avoir perdu presque toute sa famille dans ce drame. Mane Diouf, sa grande sœur âgée de 50 ans, ainsi que Penda Diouf, sa cousine de 25 ans, ont laissé leur vie sous les gravats. Et ce n’est fini, dans cette folie meurtrière, Ousmane a aussi perdu sa cousine et ‘’amie’’ Fatou Thiam la trentaine révolue. ‘’Fatou était enceinte d’environ 7 mois et son mari vit au village’’, confit-il d'une voix tremblotante. Avec un visage crispé d’où perlent de grosses gouttes de sueur, triste, il lâche dans un gestuel qui entraîne tout son corps dans la désespérance : ''J’ai tout perdu sous ces pierres, c’est l’unique famille que j’avais à Dakar.''

 

''Ousmane ? Aide-moi je t’en prie’’

Le brin d’espoir qui lui reste, c’est une autre grande sœur, Khady Ngom, 65 ans et rescapée du drame. Fracturée des deux jambes et du bras, la dame a été admise d’urgence à l’Hôpital général de Grand-Yoff. D’ailleurs, Ousmane ne cesse de dire qu’il doit se rendre dans cet hôpital pour rendre visite à sa sœur, la seule qui lui reste désormais. Il se souvient des propos qu’ils ont échangés, alors que la dame était sous les décombres : ''c’est vers 3h et demie du matin qu’un grand bruit m’a réveillé en sursaut. Une fois dehors, j’ai été surpris de ne plus voir la rangée de chambres qui presque jouxtaient la mienne''. Toujours dans une narration ponctuée par un soupir pavlovien, il poursuit : ‘’Lorsque je me suis rapproché pour voir où sont passés les occupants, mon pied a glissé et j’ai entendu ma grande sœur sous les décombres : Ousmane ? aide-moi je t’en prie''. Il s’agissait bien de Khady Ngom qui croulait sous le poids des pierres. ''C’est ainsi que j’ai appelé des gens qui étaient là et nous sommes parvenus à l’extirper des débris. Ensuite nous l’avons couchée à côté des rails jusqu’à l’arrivée des sapeurs-pompiers''. Ces derniers qui ont mis beaucoup de temps avant d’arriver, selon des témoignages, ont été obligés de faire un détour pour accéder à ces lieux fortement soumis au diktat de la promiscuité.

 

La vielle Khady Ngom et le petit Ibrahima, fils aîné de la femme enceinte qui a péri, ont été les seuls à sortir vivants de leur chambre. Ousmane ne se souvient même pas de l’heure à laquelle les secouristes ont débarqué sur les lieux, ''j’étais sous le choc'', dit-il, les yeux écarquillés. En réalité, cet homme ne semble toujours pas sorti du choc.

 

Originaires des villages de Dadag, Ndangalma et Thiola Réfane, tous situés dans la région de Diourbel, cette famille n’a pas été la seule à payer la furie de ce mur qui n’a su tenir, face à la pluie du mardi. Assise sur une pierre, au pied de sa chambre, Khady Yade, la trentaine, tient son enfant dans le creux de ses jambes. Le regard vide, elle cite d’un trait tous ceux qui ont été tués dans l’effondrement du mur : ‘’Alioune Sène, Djib Tine, Khady Yade, Mane Diouf, Fatou Thiam et Penda Diouf’’, puis elle poursuit : ‘’Khady était mon homonyme, elle était la fille de mon frère’’. Cette dame avoue sa ''peur'' et son ‘’étonnement’’. Plongée dans ses souvenirs de la veille, elle refuse d’en sortir : ''Dans l’après-midi d’hier (NDLR : Lundi), nous étions assises sous cet arbre avec Khady, Mane qui lavait le linge et Fatou Thiam. Nous discutions et pouffions de tout. Rien dans ces sourires n’annonçait un drame’’. Pourtant, il est arrivé et c’est de peu qu’il a épargné cette dame à la chambre située à peine à un mètre des ruines. Le crépuscule s’abat dans le quartier perdu de Rail-bi, mais pour certains, l’heure est à l’angoisse. Avec un matelas, une bonbonne de gaz et quelques habits, trois jeunes filles s’éloignent des lieux. ‘’Notre chambre n’a pas été épargnée, nous allons chez une cousine pour passer la nuit là-bas’’, confie la plus jeune. Dans ce quartier pauvre habité par des lavandières, charretiers et autres femmes de ménage, la nuit s’installe et se dessine sous les courbes de la peur, de l’angoisse et de l’incertitude.

 

 

Amadou NDIAYE

 

 

 

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