‘’Pourquoi il est difficile de lutter contre le terrorisme’’
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Les terroristes ont changé de mode opératoire et de fonctionnement. L’expert en sécurité, Djibril Diaw, analyse le phénomène et donne des pistes de solution.
Plusieurs procès pour actes de terrorisme se tiennent, actuellement, à la chambre criminelle de Dakar. Une première pour le Sénégal qui n’a jusqu’ici connu que des cas d’apologie de terrorisme. Parmi les affaires jugées, celui du terroriste qui avait blessé plusieurs personnes, dans le nord du pays, avant d’être neutralisé.
Analysant le phénomène, le spécialiste en sécurité privée, Djibril Diaw, souligne que le terrorisme a pris une autre physionomie et des proportions inquiétantes aux quatre coins du monde. Aucun pays n’est pas à l’abri d’un acte terroriste. Ce qu’il faut comprendre aujourd’hui, selon M. Diaw, est que les terroristes ont changé leur mode de fonctionnement. Ils s’immiscent dans la population.
Avant, on voyait des barbus ou des individus avec des accoutrements qui permettaient de les distinguer des autres citoyens. Actuellement, les terroristes se fondent dans la masse. ‘’C’est ce qui complique la situation. Au Sénégal, la chance que nous avons est qu’il y a un renseignement qui est très important. Il est à la base de tout, en termes de sécurité. Chez nous, on n’a pas les outils nécessaires pour suivre les activités des terroristes, parce qu’ils vivent avec la population. Ils font les mêmes choses que les populations et s’habillent de la même manière. Ils fréquentent les restaurants et endroits publics et, pourtant, ils prônent une idéologie qui n’est pas la nôtre. Donc, il n’y a que le renseignement qui peut nous aider pour les identifier’’, confie l’administrateur d’une société spécialisée dans la sécurité des personnes et des biens.
Il dit attendre du tribunal qu’il donne un signal fort, car les terroristes sont bien organisés. Ils ont des soutiens un peu partout dans le monde. C’est un réseau dont il urge de couper la tête, avant que cela ne se propage pas sur l’ensemble du territoire. ‘’Vous savez, le terroriste, quand il est sur place, il est tout le temps embêté. Donc, il est obligé de se mélanger avec la population. Ils ont aussi plusieurs longueurs d’avance sur les gens, vu qu’ils ont un bon matériel. Ils sont dans la vente de drogue, le vandalisme. Du coup, ils ont beaucoup d’argent qui leur permettent d’avoir une certaine assise financière et de bien s’organiser. Je pense qu’il faut être vigilant et pouvoir gérer les frontières. La libre circulation dans l’espace CEDEAO leur permettent de rentrer directement dans notre pays, à partir de la sous-région’’, renchérit-il.
Djibril Diaw invite les services de sécurité à redoubler de vigilance, car le terroriste d’aujourd’hui s’habille comme ‘’monsieur tout le monde’’. ‘’Il nous appartient de tirer la sonnette d’alarme, car nous ne sommes pas à l’abri. Arrêtons de jouer la fatalité, car les terroristes sont là, à l’intérieur du pays, mais peut-être qu’ils vont attendre le moment opportun pour passer à l’action. Le seul point d’optimisme que nous avons, est que nous avons des forces de défense et de sécurité qui essayent d’avoir une longueur d’avance sur eux, pour essayer de connaître leur mode de gestion et d’organisation. C’est quelque chose à saluer’’, soutient-il.
‘’Nos propositions au gouvernement pour freiner le terrorisme’’
Pour contrecarrer les desseins des terroristes, l’expert en sécurité privé prône le renforcement du contrôle au niveau des frontières. ‘’Nous avons un appel à lancer à l’endroit des autorités pour leur dire que nous avons à notre à disposition des tablettes qui permettent d’identifier les gens, grâce à leurs empreintes digitales. Cela va permettre d’avoir des informations réelles pour savoir ceux qui sortent et entrent dans le pays’’, préconise-t-il.
Il fait aussi remarquer que dans les normes, c’est un policier pour 1 000 habitants. Mais au Sénégal, c’est un policier pour 3 887 habitants. Donc, selon lui, l’Etat ne peut pas mettre un homme de tenue derrière chaque citoyen. C’est la raison pour laquelle il appartient aux citoyens de se prendre en charge et de voir comment aider les forces de défense et de sécurité, pour régler cette lancinante question de l’insécurité.
‘’Il faut savoir que la sécurité n’est pas une question de gros muscles. C’est de l’intelligence et de la prévention. A Yeumbeul, on a mis sur place une stratégie de lutte contre le banditisme qui est en train de donner de bons résultats. Ceci pourrait faire tache d’huile dans les autres endroits du pays. On a formé des jeunes, mis à leur disposition un matériel adéquat. Du coup, on a fait d’une pierre deux coups, autrement dit : sécuriser leurs parents et gagner leur vie avec ces comités de vigilance. Ce combat continue. Nous essayons de mettre les moyens adéquats. Nos résultats sont probants’’, dit-il.
Ainsi, sa conviction est qu’on est en sécurité dans ce pays, ‘’même s’il y a des zones de résistance. Il faut noter que la police ne peut pas être partout. Elle ne peut pas assurer la sécurité de tous les citoyens. Mais à nous de nous organiser pour nous sécuriser. On ne dit pas de former des milices, car cela est dangereux. On a entendu cette histoire de nervis. Je pense que c’est dangereux pour la démocratie et pour notre pays. Elles vont être des forces parallèles aux forces de défense et de sécurité. Avec les terroristes qui ont une manière de semer le désordre dans un pays, c’est donc une mauvaise chose’’.
CHEIKH THIAM