Publié le 6 Apr 2021 - 23:18
‘’DANGER’’ DU PROJET DU PORT DE NDAYANE

Le cri du cœur du poète Amadou Lamine Sall 

 

Le président de l’Association pour la défense, la protection et la sauvegarde écologique du site de Ndoungouman et alentours, Amadou Lamine Sall, lance un cri du cœur au président de la République, pour dénoncer ‘’un danger gigantesque’’ pour la culture, l'écologie et les populations. Dans sa lettre adressée à Macky Sall, il lui demande de sauver ce qui peut encore l’être.

 

Meurtri, le poète Amadou lamine Sall, qui s’est toujours opposé au projet de construction du futur port à Ndayane, a écrit au président Macky Sall pour l’avertir d’un ‘’néant qui s’annonce’’. Dénonçant la destruction de sites culturels, il estime que la construction d’une telle infrastructure représente un danger pour la culture. ‘’Le projet du port de Ndayane exproprie, par votre décret n°2021-19 du 11 janvier 2021, pour 1 200 ha, des populations émérites, rase au bulldozer des infrastructures culturelles de renom comme le célèbre  théâtre de verdure international de l’écrivain, poète et sculpteur Gérard Chenet, aujourd’hui âgé de 94 ans’’, fait-il savoir dans sa lettre.

La résidence d’écriture du poète Amadou Lamine Sall, ‘’l’œuvre de toute une vie acquise depuis 1989’’, est également impactée et rasée. L’école et les ateliers de Patricia Gomis, ‘’la tenace et brave Sénégalaise’’, structures créées avec tant d’années d’efforts et de soutiens internationaux, l’école des Sables de Germaine Acogny, tout récemment distinguée par la Biennale de Venise, ont subi le même sort, d’après le président de l’Association pour la défense, la protection et la sauvegarde écologique du site de Ndoungouman et alentours.

Il lance un appel de partage, d’humanité et de sauvegarde culturelle et artistique au président de la République. ‘’Quelque chose peut et doit être fait. Vous portez un immense espoir. Mille deux cents hectares pour un port, c’est habiter à la fois la terre et mars. C’est colossal. Unique dans le monde’’, lui dit-il.

Même s’il reconnaît qu’il est ‘’malaisé’’ de s’opposer à un projet politique et économique de cette dimension, Amadou Sall estime qu'’’il faut savoir raison garder sur la superficie à exproprier’’. ‘’Ce n’est pas un hasard si, avec une volonté farouche, vous aviez intimé l’ordre à votre administration de ne pas dépasser les 450 ha de terres à exproprier. Votre posture était admirable, humaine, juste’’, dit-il, tout en s’interrogeant sur ce qui s’est passé après.  ‘’Nous ne voulons pas sembler être des fossoyeurs d’un projet présidentiel majeur... Bien sûr que nous aurions été fous de bonheur de voir ce port installé sur le littoral vers Saint-Louis où dans le Saloum. Bref, là où tout manque’’, précise-t-il. Non sans inviter le président à sauver ce qui peut l’être.

‘’Comment Ndayane, jusqu’à empiéter sur Toubab-Dialaw, a-t-il pu être choisi, sinon, d’après les observations d’experts, qu’il faut prolonger le port de Dakar pas loin, faciliter également les trajets dès 1 200 camions/jour sur Dakar sans des budgets faramineux en carburant’’, dit-il. Estimant que tout aurait été bien calculé, qu’il n’y a pas de hasard, Amadou Lamine Sall pose des questions qu’il juge utiles et posées avec respect : ‘’Le port de Bargny-Sendou, déjà si problématique, ne suffisait-il ? Fallait-il encore, sur le même littoral, à deux jets de pierre, implanter un autre port à containers ?’’ 

 ‘’Les études d’impact environnemental sont introuvables’’

Dans un récent communiqué, le patron du port de Dakar dit avoir rencontré les populations. Mais Amadou Lamine Sall semble nier cela. ‘’Il doit être légitime de défendre son bien. C’est le travail de toute une vie. Toutes les populations ont droit au respect et surtout au respect de la juste information. C’est une question d’éthique. Perdre nos biens et réalisations par expropriation est douloureux, alors qu’il peut être possible de sauver ce qui peut encore être sauvé’’, indique-t-il, précisant qu’ils cherchent la paix et le consensus et non l’affrontement.  ‘’Nous devons faire partie du dialogue. Nous devons être écoutés et non ‘barbelés’ par tous ceux qui ont mission d’accompagner la réalisation imminente de ce projet de port et qui ne veulent avoir en face d’eux aucun son discordant’’, a-t-il ajouté. Selon le président de l’Association pour la défense, la protection et la sauvegarde écologique du site de Ndoungouman et alentours, tout n’a pas été dit au président de la République, d’où son choix de s’adresser directement à lui, pour lui demander d’étudier de très près leur sollicitation sur l’effarante superficie de 1 200 ha à exproprier. ‘’Le président est le défenseur des arts et des lettres. Et il les défend. Alors, où aller ailleurs que chez vous, auprès de vous, pour ne plus faire face à ceux qui nous fuient, parce que notre action les dérange ?’’, dit-il.

Quant au maire de Ndayane qui les a reçus, Amadou Lamine Sall confie : ‘’Le pauvre, il est entre la vérité et sa charge politique. Il n’a pas tort. Tout lui échappe. Il doit être compris. Il est dans son rôle comme tous ceux qui refusent de nous recevoir, de peur d’être épilogués, parce que nous défendons nos biens et parce que nous demandons de faire attention aux conséquences environnementales d’un tel titanesque projet dont les risques écologiques sont gigantesques.’’

Ainsi, soulignant que ‘’les études d’impact environnemental sont introuvables’’, le poète appelle à la prudence. ‘’Les populations ont le droit de les connaître. Leur santé est en jeu. C’est un respect qu’on leur doit. Rien d’autre. Ce n’est pas une faveur’’, rappelle-t-il. ‘’Le port de Ndayane ne doit pas ressembler à une tragédie. Vous seul, par votre charge suprême, pouvez ramener la paix des cœurs et laisser les créateurs vivre, laissez les populations s’épanouir dans l’héritage de leurs pères. Leur prendre et la mer et la terre, toute la terre, est un insupportable exil dans leur propre pays’’, sollicite-t-il.

BABACAR SY SEYE

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