Un bureau communal divisé pour une localité qui investit
Élue depuis 2009, l’équipe municipale de Mékhé fonctionne au ralenti. Un conflit interne secoue l'institution alors que les investissements semblent visibles. EnQuête est allé à la rencontre des différents acteurs.
Les chaussures en cuir étalées au bord de la route nationale indiquent que montrent que nous sommes bien à Ngaye Mékhé, commune située dans le département de Tivaouane. La fabrication de ces produits y est la principale activité. Beaucoup de jeunes se sont lancés dans ce métier pour gagner leur vie. D’autres se sont rués vers les calèches. Les moins entreprenants croisent les bras et attendent tranquillement que les autorités leur viennent en aide.
Malheureusement, ces jeunes désœuvrés qui passent le plus clair de leur temps devant les maisons pour boire du thé risquent d’attendre longtemps. Ceux à qui ils ont confiés leur destin ne s’entendent presque sur rien, si ce n’est que sur leurs désaccords. Au moment où des querelles internes minent l’institution municipale, les populations réclament une prise en charge de leurs besoins primaires. «Actuellement, rien ne marche à Mékhé. Il n’y a plus d’éclairage public, encore moins de politique de ramassage des ordures ménagères, par exemple’’, a déclaré Boucounta Diagne, membre du Mouvement pour la citoyenneté action et développement (MCAD).
Depuis quelque temps, un conflit au plus haut sommet oppose les différents acteurs. Du coup, selon certains conseillers municipaux, la commune n’a plus d’administration. «Tout se fait presque dans l’illégalité», note Daouda Gaye, conseiller municipal. «Le maire a sorti un arrêté autorisant l’extraction du sable dans la zone non lotie du périmètre communal, ce qui constitue une violation du code des collectivités locales’’, s'indigne Daouda Gaye.
C'est ce genre de malversations qui, cet élu local, qui poussent certains adjoints au maire et autres conseillers municipaux à se retirer complètement de la gestion de la municipalité. Dans cette ambiance, et pour «la bonne marche de la mairie et dans l’intérêt des populations», des adjoints, conseillers municipaux et militants de la jeunesse se sont levés pour réclamer la tête du maire. «Si nous sommes dans l’incapacité de régler les problèmes et que seule une délégation spéciale est en mesure de débloquer la situation, je suis preneur au delà de toute considération partisane ou politique», affirme Serigne Mayoro Thiam, adjoint au maire.
A coté d’autre voix s’élèvent pour dénoncer la gabegie et la mauvaise gestion des ressources de la ville. ‘’Nous ne sommes pas satisfaits de la gestion de nos élus car nous ne sommes en rien associés aux décisions, confie Momar Fall, secrétaire général du mouvement d'alerte et de veille pour l'intérêt des populations. En réalité, il n'y a pas de gestion participative.»
«Des accusations gratuites par des individus mal intentionnés»
Un tour à la mairie situé au centre-ville suffit pour se rendre compte des maux dont souffre la municipalité. Les bâtiments sont en état de délabrement avancés. Les quelques rares personnes trouvées sur les lieux viennent chercher des papiers administratifs. L’Etat civil manque pratiquement de tout. «C’est vraiment regrettable, ce qui se passe ici. Même pas assez d’exemplaires pour faire les extraits de naissance. A chaque fois, on est obligé d’aller faire des photocopies», se plaint le dénommé Cheikh Diop, documents entre les mains.
Néanmoins, le maire de la commune de Ngaye Mékhé balaie tout d’un revers de la main. Selon Ass Diagne, ce «discours malveillant» est l’œuvre d'adversaires politiques en panne de représentativité et qui ont tout fait pour prendre sa place à la tête de la municipalité. «Je suis démocratiquement élu, et depuis lors je suis en train de faire de mon mieux pour faire bouger les choses. Mais on ne peut pas satisfaire tout le monde, surtout avec des des gens qui sabotent et qui souhaitent votre échec», se défend l'édile.
Souvent accusé pour sa mauvaise organisation et raillé pour son niveau d'études jugé bas, Ass Diagne, ancien militant du Pds passé à l'Apr après le second tour de la présidentielle, indique n'avoir jamais été confronté à cet obstacle. «Je me soumets toujours à l'équipe municipale avant n'importe quelle décision ou avant signature de quoi que ce soit», explique le maire. «En réalité, ces gens veulent prendre ma place c’est ce qui a amené tout ce bruit’’, dit-il.
«225 millions pour la réfection de l’hôtel de ville et du stade»
La commune de Mékhé est sans industrie. Le commerce qui a toujours été la principale source de revenu des populations a considérablement baissé. La commune subit la forte concurrence des localités environnantes qui développent aujourd’hui leurs propres économies locales. De ce point de vue, les autorités rencontrent d’énormes difficultés pour satisfaire l’ensemble des besoins de la commune. «Les taxes et les impôts n’arrivent plus à régler nos besoins. Le marché hebdomadaire qui était l’attraction et qui faisait rentrer beaucoup d’argent dans les caisses fonctionne au ralenti à cause des marchés parallèles qui se sont créés aux environs de Mékhé’’, déclare Cheikh Niang, secrétaire municipal.
Pour combler ce manque, les dirigeants ne sont pas resté les bras croisés. Ils se sont tournés vers la coopération extérieure. Grâce au Programme national de développement local (PNDL), la commune a pu bénéficier d’un financement de plus 80 millions de francs Cfa. «Cela nous a permis de réfectionner la salle des fêtes à hauteur de 16 millions. La construction du poste de santé de Ngaye Djitté a coûté 24 millions», détaille le secrétaire municipal pour EnQuête. «Nous allons encore recevoir 20 millions pour continuer l’extension du réseau électrique. Donc en deux ans le projet nous a apporté 85 millions de francs Cfa», ajoute-t-il. Pour sa part, l’Agence de développement municipale (ADM) a financé la construction de l’hôtel de ville pour un montant de 125 millions de francs Cfa, tandis que plus de 100 millions ont été consacrés à la réhabilitation complète du stade municipal de Mékhé.
Selon le secrétaire municipal, à chaque fois que de besoin les populations ont été informées de tous projets et réalisations. A ses yeux, il est donc aberrant de reprocher à la commune une gestion non participative d’autant plus que Mékhé est l’une des mairies les plus ouvertes du Sénégal. «Des charretiers aux commerçants, tout le monde a son mot à dire sur tout ce que nous faisons», a-t-il conclu.
NGAGNE FALL