Publié le 27 Oct 2021 - 07:51
BACARY DOMINGO MANE, SPÉCIALISTE DE LA COMMUNICATION POLITIQUE

‘’Les effigies d’hommes politiques sur des dons et cadeaux ne sont qu’un rapport d’opportunités’’

 

A l’approche des élections départementales et municipales du 23 janvier 2022, tous les moyens semblent bons, pour les candidats à la gestion des collectivités locales, pour se faire voir d’un bon œil. Beaucoup ont usé de cette stratégie politique, surtout au sein du parti au pouvoir.  Formateur à l'Institut supérieur des sciences de l'information et de la communication, Bacary Domingo Mané analyse cette générosité calculée qui, dans le contexte politico-social actuel, peut être un couteau à double tranchant.  

 

L’affichage de l’effigie de politiciens sur des produits offerts aux populations est-il une bonne stratégie de communication ?

Il s’agit d’une vieille pratique. Lorsqu’on parle d’effigie, l’on pense aux gadgets que l’on voit pendant la période électorale (tee-shirts, montres, stylos, etc.). Donc, il ne s’agit pas d’une pratique qui date d’aujourd’hui. Maintenant, ils le font car tout homme politique aspire à assumer des responsabilités. Et pour cela, il doit marquer son territoire. Cela veut dire une opération de charme à obtenir des hommes et femmes acquis à sa cause et surtout, avoir l’opinion de son côté. Ces gadgets sont ainsi un moyen de créer une intimité dans la relation de l’individu politique avec les populations. Un cahier avec l’effigie d’un homme politique qu’une personne utilise tous les jours, surtout les enfants, va créer un lien inconscient.

Qu’est-ce qu'une telle forme de communication traduit de la perception des hommes politiques vis-à-vis des populations ciblées ?

Les politiciens ne destinent pas ces ‘’dons’’ et ‘’cadeaux’’ à n’importe quelle cible. En général, ils le font avec des populations pauvres, à ces hommes et femmes qui ne comprennent pas les soubassements des actes posés par les hommes politiques. Seulement, ces derniers ne prennent pas en compte les évolutions sociétales. On vit aujourd’hui dans la République des preuves. C’est-à-dire les personnes qui, à travers la toile, informent et éduquent les populations. Même ceux qui ne connaissent pas grand-chose de la manipulation politique. Cela renseigne sur le type de rapport qu’ils ont avec l’électorat sénégalais. Ces effigies ne sont rien d’autre qu’un rapport d’opportunités que les hommes politiques qui se livrent à ce jeu ont avec les populations. Mettre une photo sur un sac de riz que l’on donne à des personnes dans le besoin, représente une forme de violence exercée sur la population. A chaque fois que ces pères de famille regarderont la photo d’hommes politiques sur le sac de riz qu’ils mangent, on leur impose le souvenir qu’une telle personne le leur a offert. C’est de la violence qu’il faut noter.

Comment éviter cela ?

Les hommes politiques doivent avoir des professionnels de la communication à leurs côtés, des personnes qui connaissent bien le métier. Chaque acte que pose un politicien pour augmenter son aura peut se retourner contre lui. Donc, il doit bien s’entourer de sorte à bien préparer tout choix à faire. Une équipe qui maîtrise la communication politique n’aurait jamais commis ce genre d’erreur.

En second lieu, nous sommes dans un pays particulier. On ne peut pas faire de la politique sans connaître le minimum de la sociologie des populations. On ne doit jamais perdre de vue la perception que les Sénégalais ont du don : il doit se faire dans la discrétion.

Cette communication peut-elle être un couteau à double tranchant ?

Oui, cela peut être contreproductif. Surtout avec ce qui s’est passé à Kolda. Le contexte aidant (des élections locales dans trois mois), les hommes politiques doivent faire très attention et ne pas se livrer à ce jeu. Il y a d’abord ce nombrilisme, comme si le monde était centré autour d’eux. Il y a cette hyperpersonnalisation avec la photo de l’auteur des cadeaux. Au Sénégal, certaines valeurs religieuses et sociales voudraient une grande discrétion, lorsqu’on offre quelque chose à une personne.

De mon point de vue, c’était une mauvaise idée de mettre la photo d’un homme politique sur des cahiers offerts par cette même personne aux élèves d’un établissement scolaire. Au moment où l’on cherche à réduire l’image des inégalités à l’école et que des milliards seront décaissés pour confectionner des blouses pour tous les élèves, offrir des cahiers à l’effigie d’hommes politiques n’est pas bien pensé. C’est une communication nulle qui risque de coûter cher à ceux qui l'ont proposée.  

L’Administration a-t-elle raison de réagir, de faire retirer ces cadeaux ?

Nous vivons dans un monde à l’air du numérique. Il faut intégrer le pouvoir des réseaux sociaux. C’est dans ces canaux de communication que les images ont été postées et l’Administration était acculée. N’eût été cela, peut-être qu’elle n’aurait pas réagi. Déjà qu’il y a beaucoup de problèmes à l’école avec les enseignants syndicalistes. Si l’on y ajoute d’autres futilités, je peux comprendre que l’Administration veuille stopper un épiphénomène pour clore la polémique qui commençait à s’installer.   

 Lamine Diouf

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