Un destin fabuleux !
Porté au pinacle par le peuple sénégalais depuis sa victoire en finale de Coupe d’Afrique des nations contre l’Egypte en terre camerounaise, le sélectionneur de l’équipe nationale du Sénégal, Aliou Cissé, triomphe sur l’histoire, en faisant preuve de résilience, de persévérance, mais aussi avec beaucoup de patience.
Il est têtu. Il n’écoute personne. Il est incompétent. Pourquoi untel ? Pourquoi tel autre ? Et tutti quanti. Que n’a-t-il pas entendu, le coach des Lions du Sénégal Aliou Cissé ? Avec très peu de mots, l’homme en dreadlocks a continué son œuvre à la tête de l’équipe nationale du Sénégal. N’en déplaise à une partie de son entourage qui n’a pas hésité à lui demander de jeter l’éponge. ‘’J’avoue qu’à un moment, c’était devenu intenable pour nous qui sommes ses proches. Personnellement, j’ai eu, un jour, à lui dire est-ce qu’il ne faudrait pas laisser tomber tout ça… Il a ri et m’a répondu : est-ce que tu m’imagines te dire d’abandonner ton métier parce que simplement des gens ne sont pas contents ? Baal len ma aqq (pardonnez-moi) car je sais que cela vous fait mal. Mais c’est le métier que j’ai choisi’’, raconte un de nos interlocuteurs.
L’homme ne lâchera donc rien. Il continue à se battre de toutes ses forces. Ses meilleures réponses à ses détracteurs, c’est souvent sur le terrain qu’il les apporte. Avec des statistiques insolentes qui font s’écrouler comme un château de cartes toutes les critiques malveillantes à son endroit. Et plus il passe du temps sur le banc des Lions, plus il donne du fil à retordre à ses détracteurs les plus irréductibles.
Depuis 2019, en effet, suite à la défaite face à l’Algérie en finale de la Can en Egypte, l’ancien capitaine des Lions en 2002 n’a pas connu de défaite. C’était la troisième et dernière défaite d’’’El Tactico’’ depuis qu’il est sur le banc de l’équipe nationale, en mars 2015. Sa deuxième en match officiel lui a été infligée par la même équipe d’Algérie lors de la même compétition. La première, c’était au Mondial-2018 en Russie, face à la Colombie. Bien évidemment, ce décompte ne tient pas compte du match perdu face au Cameroun en 2017, aux tirs au but. ‘’Sur 57 matches officiels à la tête de l’équipe nationale depuis le 4 mars 2015, précise une source proche de Cissé, Aliou Cissé n’a perdu que trois fois, dont deux en 2019 contre l’Algérie, les seuls sur le continent. Il a fait 14 nuls et 40 victoires’’.
Il a repris la sélection nationale en lambeaux
Mais la réussite de Cissé, c’est plus que des victoires et des nuls. Remplaçant d’Alain Giresse au lendemain de la débâcle de 2015 en Guinée équatoriale, Cissé avait pris une équipe plongée dans une crise profonde, après une triste élimination au premier tour. C’était la deuxième fois de suite, puisqu’en 2013 également, sur les mêmes terres équato-guinéennes, les Lions de la Teranga n’avaient pas vu les quarts, alors qu’ils revenaient d’une longue absence, suite aux Can de 2010 et de 2011. Bref, quand Cissé prenait les rênes de l’équipe, celle-ci était restée presque 10 ans sans goûter aux délices du deuxième tour de la phase finale de la Can. Depuis lors, l’équipe n’en finit pas de cumuler les belles performances.
D’abord en 2017, pour sa première participation à une phase finale de Coupe d’Afrique des nations en tant que coach, le Sénégal est qualifié en quart de finale, après 11 longues années de sevrage. Malheureusement pour la bande à Sadio Mané, ils étaient tombés sur plus forts qu’eux, le Cameroun, futur vainqueur de l’épreuve. Ce n’était que le début d’une belle épopée avec l’ancien capitaine des Lions. Premier acquis, le stress des éliminatoires n’est plus qu’un vieux souvenir. Souvent dominateur de ses adversaires, le Sénégal s’est souvent qualifié avant même les dernières journées des éliminatoires. Cerise sur le gâteau, le ‘’Pays de la Teranga’’ retrouve le Mondial, plus de 16 ans après Séoul et Tokyo 2002. Ils n’ont été éliminés qu’au fair-play face à des habitués comme la Pologne, la Colombie et le Japon. Un an plus tard, Aliou égale Bruno Metsu en hissant son équipe jusqu’en finale de la Can-2019. Bonifiant ainsi son palmarès déjà riche d’un quart de finale des Jeux olympiques joué en 2012 avec Sadio Mané et Gana Guèye notamment. Il était à la tête de l’équipe olympique.
Malgré tout, l’ancien joueur du PSG reste l’un des coaches les plus critiqués, pour ne pas dire le plus critiqué de l’histoire du Sénégal. Journalistes, consultants, fédéraux, présidents de club, il était rare de trouver quelqu’un prendre sa défense. Parfois de bonne foi, mais souvent avec un brin de méchanceté. Cissé étant l’un des rares coaches à ne pas être jugé sur la base de ses résultats sportifs. Dans les difficultés, le jeune entraineur de 46 ans aurait sans doute souhaité compter sur le soutien de ses frères d’armes de l’épopée de 2002. Hélas, ces derniers ne faisaient que grossir le rang des détracteurs.
‘’J’ai joué au PSG, en Angleterre, surtout à Birmingham. La pression était encore pire’’
Jusqu’à la veille de la Can camerounaise, les gens ont réclamé sa tête. Cissé ne devait ainsi compter que sur ses propres résultats pour durer à la tête de l’équipe nationale. Aux regrets ou à la consolation de ses proches, il a toujours répondu : ‘’La pression, moi, j’en ai l’habitude. Il ne faut pas oublier que j’ai été professionnel, j’ai fait une finale de coupe d’Afrique, un quart de finale de la Coupe du monde. J’ai joué au PSG, en Angleterre, surtout à Birmingham. La pression était encore pire. Je connais donc ce que c’est. Je la vivais tout le temps.’’
Résilient, persévérant et très patient, il a alors tenu bon avec beaucoup de rigueur, sans jamais transiger sur certains principes. Sans tambour, ni trompette !
Le destin l’avait ainsi voulu. Aliou devait entrer dans le cercle restreint des grands coaches du continent. En tous les cas, il sera le plus titré du Sénégal, l’un des plus titrés d’Afrique, avec notamment un quart de finale des JO, une Coupe d’Afrique des nations, mais aussi l’un des rares sélectionneurs à avoir joué deux finales d’affilée. Il est certes loin de la jouer triomphant, mais ses proches n’en démordent pas.
‘’C’est le destin, personne n’y pouvait absolument rien. On a fait tout ce que vous pouvez imaginer, mais vraiment tout ce que vous pouvez imaginer, mais c’était sans compter sur le mental du garçon en face. A chacune des compétitions, avant de partir, il me disait avec une confiance qui dépassait l’entendement : ‘Grand, je pars pour remporter ce trophée pour mon pays.’ Moi, je pensais qu’il était loin d’avoir la meilleure équipe d’Afrique. Mais lui avait confiance en ses garçons. Cela montre également que c’est un gagneur, un vrai meneur d’hommes, quelqu’un qui ne recule devant rien’’, réplique un de nos interlocuteurs.
Record de temps passé à la tête du classement de meilleure nation africaine
Cette troisième fois au Cameroun sera donc la bonne, celle de la consécration de l’expertise nationale, africaine. Une première historique que le peuple n’a toujours pas fini de savourer. Tout un symbole, selon ‘’El Tactico’’. ‘’Gagner la Can au Cameroun est un symbole fort (c’est la deuxième équipe la plus titrée d’Afrique). La gagner face à l’équipe la plus titrée d’Afrique, c’est un autre symbole fort’’, commentera-t-il comme à son habitude très avare en paroles.
Malgré des résultats extraordinaires, malgré le bruit qui n’a eu de cesse d’enfler, coach Cissé fait partie des entraineurs les moins bien payés parmi les grands d’Afrique, avec seulement un salaire ne dépassant guère les 15 millions de francs CFA, avec une menace permanente de licenciement qui pèse sur sa tête. Il n’a jamais souhaité en parler, mettant souvent en avant son patriotisme et son sens de l’engagement au service de la Nation.
Il pourra peut-être compter sur les groupes ‘’baal ma aqq’’ (Aliou Cissé pardonne moi) qui se forment non sans ironie pour plaider en faveur d’une valorisation de son misérable contrat, compte tenu des standards même africains. Last but not least, le sélectionneur des Lions de la Teranga sera également celui qui a hissé et qui maintient le Sénégal à la tête du classement Fifa de la zone Afrique depuis le 19 novembre 2018. Il a ainsi battu tous les records de longévité à la tête dudit classement, avec au moins 39 mois, contre 36 pour l’ancien record de la Côte d’Ivoire.
MOR AMAR