Publié le 25 Jan 2023 - 16:32
TRAFIC INTERNATIONAL DE DROGUE

805 kg de cocaïne saisis au large de Dakar 

 

La cargaison illicite, d’une valeur estimée à 64 milliards F CFA, a été saisie par la marine nationale sénégalaise qui a procédé à l’interpellation de sept individus de nationalités étrangères.

 

À force de saisir autant de drogues, sans compter ce qui passe entre les mailles des filets, le Sénégal ne pourra plus nier sa position de plaque tournante du commerce international de stupéfiants. C’est une nouvelle énorme prise qui a été faite, dimanche, par la marine nationale sénégalaise.

Selon la Direction des relations publiques des armées (Dirpa), c’est 805 kg de cocaïne qui ont été saisis sur un navire, au large de Dakar. Une estimation de cette prise faite à 64 milliards F CFA. Après ses investigations, ‘’EnQuête’’ est en mesure de donner plus de détails : sept personnes ont été arrêtées dans le cadre de l’opération réalisée par le patrouilleur de haute mer "Kédougou" de la marine nationale, à 335 km au large de la capitale sénégalaise. Il s’agit de trois Gambiens, trois Ghanéens et un Italien. 

Selon nos informations, tous les suspects, interpellés à bord du bateau qui transportait la drogue, sont entre les mains de l'Unité mixte de contrôle des conteneurs (UMCC), où ils subissent les premières auditions sous la supervision du chef de la Subdivision des douanes de Dakar-Port. Ils ont quitté la Gambie avec la drogue pour effectuer un transbordement dans un autre navire en haute mer. Ils ont été arrêtés avant d’avoir pu opérer cette manœuvre. Ce système de transport est connu sous le nom de ‘’mothership’’ : un grand bateau, qui mouille au large des côtes, dans les eaux internationales et auprès duquel des petits bateaux de pêche, de tourisme ou des pirogues viennent s’approvisionner.

3 Gambiens, 3 Ghanéens et 1 Italien

Selon les premiers éléments, ils auraient confié aux enquêteurs qu’ils ignorent la destination finale de la cargaison, leur travail s’arrêtant à la livraison à un autre navire.

Au terme de leur passage entre les mains des enquêteurs de l'UMCC, les suspects seront remis à la Direction de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Docrtis). Aux hommes du commissaire Ndiaré Sène de continuer la procédure, nous signale-t-on.

Cette nouvelle saisie porte à 1,1 tonne de drogues saisies en trois mois au Sénégal. En effet, à ces 800 kg, viennent s’ajouter les 300 kg de cocaïne annoncés le 29 octobre 2022 par la douane. La brigade commerciale des douanes de Kidira, qui a effectué cette saisie dans un camion frigorifique en provenance du Mali voisin, estime la valeur de la drogue à 24 milliards F CFA. ‘’Il s’agit de la plus grosse saisie de cocaïne par voie terrestre jamais réalisée’’ au Sénégal, indiquait le communiqué des douanes.

1,1 t de drogues saisies en trois mois

Le fait que cette drogue ait été saisie en direction du port de Dakar, une première, montre que l’endroit constitue un point stratégique dans le trafic international de drogue. Et ce n’est pas la première fois que des Italiens sont impliqués dans des histoires de drogue. La dernière grosse saisie faite au port remonte à juin 2019, lorsqu’en quatre jours, plus d’une tonne de cocaïne a été saisie au port de Dakar ; 238 kg étaient cachés dans des Renault Kwid arrivées à bord du ‘’Grande Africa’’, un navire de la compagnie italienne Grimaldi, parti de Paranagua, dans le sud du Brésil. La cargaison était en partance pour Luanda, en Angola.

Trois jours plus tard, à bord du ‘’Grande Nigeria’’, un autre porte-conteneurs de la compagnie Grimaldi, lui aussi venant de Paranagua et transportant des Renault Kwid destinées à la même entreprise angolaise, une prise inédite de 798 kg a été effectuée. Le commandant italien du ‘’Grande Nigeria’’ a été arrêté, en même temps qu’un membre de l’équipage et un couple de jeunes Allemands qui voyageaient à bord.

À partir de ces auditions et de numéros issus de téléphones qu’ils ont exploités, les agents de l’Ocrtis identifient trois Sénégalais qu’ils considèrent comme les têtes du réseau au Sénégal.

Malgré les efforts de la lutte contre la drogue…

L’importance et la fréquence des saisies montrent que les capacités d’intervention ont été accrues par les autorités. La plupart des observateurs internationaux saluent les efforts accomplis par les gouvernements ouest-africains en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants : renforcement des unités spécialisées, meilleure maîtrise des techniques d’enquête, coopération policière et judiciaire accrue entre les pays de la région sur ces affaires… Les progrès sont notables. Entre 2019 et 2021, les autorités ont saisi 11 tonnes au Cap-Vert, 5 tonnes au Sénégal, 4 tonnes au Bénin, 3 tonnes en Gambie, 2,7 tonnes en Guinée-Bissau et presque 2 tonnes en Côte d’Ivoire. Au total, 47 tonnes de cocaïnes saisies ; un chiffre qu’il faudrait peut-être multiplier par au moins 20, pour avoir une idée des volumes réels en transit entre l’Amérique latine et l’Afrique de l’Ouest.

Si la destination finale de la drogue est l’Europe, une partie est consommée localement. Dans un entretien accordé, il y a un an à RFI, le directeur régional de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, exprimait ses inquiétudes. ‘’À la faveur du développement des économies de la région, les narcotrafiquants ont découvert qu’au Sénégal, au Ghana ou au Cap-Vert et dans plusieurs pays de la côte, il y a une classe moyenne susceptible de devenir une nouvelle base de consommateurs et le trafic actuel les vise particulièrement’’, renseigne Amado Philip de Andrés.

Plus de 24 000 personnes au Sénégal

Le chef du bureau régional de l’ONUDC à Dakar avait également annoncé les chiffres de l’institution onusienne sur la drogue au ‘’Pays de la Téranga’’.

Selon Amado Philip de Andrés, ‘’au-delà de la consommation de cannabis, il y a une consommation de cocaïne, de tramadol (médicament opioïde) et de nouvelles substances psychoactives qui viennent d’Asie. Nous estimions avoir, par exemple, près de 10 000 toxicomanes au Sénégal. Mais les derniers chiffres de prise en charge font état de plus de 24 000 personnes et je pense que, d’ici à deux ans, elles seront plus de 50 000. Avant, nous observions que 5 à 8 % de la cocaïne qui transitait dans la région restait sur place. Mais aujourd’hui, ce chiffre est passé de 10 à 17 %. Cela indique qu’il y a une base de consommateurs qui se développe au niveau régional et c’est une grande source d’inquiétude’’.

Lamine Diouf

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