Publié le 9 Mar 2023 - 19:08
APRÈS SES QUESTIONS AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Hadjibou Soumaré dans le viseur de procureur

 

L’ancien Premier ministre sous Abdoulaye Wade sera entendu, ce matin, à la Sûreté urbaine, après sa lettre ouverte au président de la République et les questions polémiques qu’il y a posées. 

 

Il espérait des réponses du président de la République Macky Sall. Ce sera à lui de répondre aux questions des enquêteurs de la Sûreté urbaine de Dakar. Cheikh Hadjibou Soumaré a été convoqué hier, pour ‘’affaire le concernant’’, à se présenter aujourd’hui, à 10 h. Le tout en précisant qu’il pourra se faire assister par un avocat, conformément au Code de procédure pénal.

Si le gouvernement a précisé qu’il se réservait le droit d’apporter les suites appropriées aux ‘’insinuations’’ contenues dans les questions soulevées par l’ancien Premier ministre du Sénégal, l’activation du procureur de la République vient mettre le leader du mouvement politique Démocratie et République devant le fait accompli.

Une auto-saisine du procureur ou instruction du ministre de la Justice ? Aucune information n’a filtré, pour le moment, sur le déclenchement d’une enquête. Mais, par son communiqué en réaction à la sortie de M. Soumaré, le ministre porte-parole du gouvernement du Sénégal avait déjà évoqué un discrédit sur les institutions.

En effet, selon Abdou Karim Fofana, l’État du Sénégal ‘’rejette et condamne fermement de telles insinuations, lâches et sans fondement, qui témoignent manifestement d’une volonté maléfique de jeter le discrédit sur la personne du président de la République, porter atteinte à l’institution qu’il incarne et nuire aux relations entre le Sénégal et une puissance étrangère’’.

Des questions aux sous-entendus lourds

Samedi 4 mars, Cheikh Hadjibou Soumaré a été l’auteur d’une lettre ouverte au président de la République, dans laquelle il interpelle Macky Sall sur des ‘’sous-entendus et ‘’note’’ revêtue de votre nom et sceau paraît-il dont certains ont eu écho’’. Rappelant le serment du chef de l’État consacrant ses fonctions de président de la République lors de sa réélection en 2019, le leader de Démocratie et République a soulevé quatre questions : ‘’Avez-vous donné récemment de l’argent à une personnalité politique française ? Dans l’affirmative, est-ce un montant de 12 millions d’euros, soit environ 7,9 milliards, argent d’un pays catalogué pays pauvre très endetté. Surtout quand on sait que la haine et le rejet de l’autre ont toujours été utilisés par le parti comme véhicule d’une ascension politique ? Lui avez-vous envoyé à l’issue de votre rencontre, une note revêtue de votre sceau ? Si, par extraordinaire, tout cela était avéré, éclairez le peuple sénégalais avoir agi ès qualités de président de la République du Sénégal ou de chef de parti politique et avec quel argent ?’’

Cet épisode fait suite à la visite polémique, en mi-janvier, de Marine Le Pen au Sénégal, lors de laquelle elle a été reçue par le président Macky Sall, dans la discrétion totale. La cheffe de file du Rassemblement national (RN) a visité la Compagnie agricole de Saint-Louis, plus grande rizerie d’Afrique de l’Ouest, puis la Compagnie sucrière sénégalaise, premier employeur privé du pays. Selon ‘’Le Monde’’, elle a rencontré des membres des Éléments français au Sénégal (EFS), la présence permanente des forces armées françaises dans le pays, et s’est rendue dans deux centres hospitaliers à Dakar.

Une visite à problèmes…

Connue pour ses positions dures contre l’immigration et figure de l’extrême droite, la députée RN n’était pas la bienvenue, pour beaucoup de Sénégalais. Outre les personnalités politiques de l’opposition politique sénégalaise qui ont fustigé cette audience, le président de SOS Racisme en France, Fodé Sylla, dans des propos rapportés par le journal français, estime qu’aucun Sénégalais n’est dupe : ‘’C’est une insulte à leur intelligence ! Il y a toute une génération qui est au fait de qui est Marine Le Pen, de ses discours violents contre les Africains, anti-immigrés, islamophobes… Nous n’oublions pas les violences racistes subies depuis près de quarante ans !’’

L’idée que malgré la polémique, la personne qui symbolise le racisme et le sentiment anti-africain et anti-islam puisse recevoir un soutien financier du chef de l’État sénégalais suscite un autre scandale.

Pour Birahime Seck, Coordonnateur du Forum civil, cette histoire pourrait se régler dans l’espace public, là où elle a commencé. En effet, estime le représentant de la section sénégalaise de Transparency International, ‘’Il n'y a pas lieu de menacer qui que ce soit. Monsieur Soumaré a posé des questions. Le gouvernement a répondu. Il faut juste laisser les citoyens et l'avenir en juger, au lieu de vouloir judiciariser ce qui doit rester un débat sur la gouvernance’’.

Le procureur à l'affût

Il revient maintenant à Hadjibou Soumaré d’organiser sa défense. Selon une source judiciaire, le simple fait de poser des questions ne devrait pas poser de problèmes à son auteur, fût-il au président de la République. Mais l’audition permettra au mis en cause de s’expliquer sur sa lettre ouverte, sur des ‘’sous-entendus’’ ou pas. Ce n’est qu’après ce face-à-face avec les enquêteurs et en se basant sur le PV qui en découlera  que le procureur pourra déterminer s’il y a lieu de viser des articles du Code pénal pour intenter des poursuites à l’encontre de l’ancien Premier ministre du Sénégal.

Lamine Diouf

 

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