A quelques heures du début de la campagne électorale, l'atmosphère politique au Sénégal devient de plus en plus électrique. Les différentes coalitions politiques du pays sont engagées dans une course contre la montre pour finaliser leurs stratégies et rallier le maximum de soutiens. Tous les 19 candidats affûtent leurs armes dans l'espoir de marquer les esprits et les urnes.

La campagne électorale de 2024 débutera ce samedi 9 mars à minuit et s’achèvera vendredi 22 mars à minuit, soit une semaine de moins que ce qui est normalement prévu par la loi (21 jours).

C'est ce jeudi 7 mars que les candidats ont été informés de la date du début de la campagne électorale. Elle va durer 15 jours en plein Ramadan et carême, une particularité qui exige que les différentes coalitions s'adaptent à ce contexte.

Pour Iyane Demba Tine, le chargé de communication du parti politique ARC dirigé par Anta Babacar Ngom, l'unique candidate de cette élection, il faut avoir une stratégie intelligente pour s'adapter à cette situation.  ‘’Nous sommes convaincus que cette période peut être une opportunité pour renforcer les liens avec les citoyens et faire entendre nos propositions de manière constructive et respectueuse. Il est donc important de concilier ces deux événements de manière harmonieuse et respectueuse’’, souligne-t-il.

Par ailleurs, il estime que cette occasion doit leur permettre de toucher un maximum de personnes durant ce période de jeûne. ‘’Il est essentiel, dit-il, de respecter les traditions et les coutumes de chacun, tout en faisant entendre nos voix et nos idées pour l'avenir’’.

Barthélémy Dias : ‘’Ces circonstances exceptionnelles exigent des stratégies adaptées’’

Ce sont les mêmes reflexes du directeur de campagne de Taxawu Sénégal, Barthélémy Dias. L’actuel maire de Dakar relève que « ces circonstances exceptionnelles exigent des stratégies adaptées pour engager les électeurs, tout en respectant les pratiques religieuses. Taxawu Sénégal est conscient de l'importance du respect des traditions religieuses. Ainsi, plusieurs activités sont tenues après la rupture du jeûne ».

Face à cette campagne inédite, le vice coordinateur de la Jeunesse patriotique du Sénégal, Souleymane Faye révèle qu’il y aura des nouveautés. « Nous sommes obligés de respecter la foi des gens et éviter tout ce qui est sonorisation. Nous allons privilégier les porte-à-porte et continuer à sensibiliser les électeurs au cours des jours ouvrables. En outre, des caravanes seront organisées pendant les week-end ».

Une stratégie qu’épouse bien celle de la candidate de l’ARC. Iyane Demba Tine indique que le parti ARC fera tout pour être présent dans tout le pays avec la marche verte qui démarre ce samedi 9 mars. « Des caravanes et des iftar (cérémonies de rupture du jeûne) de campagne, pour renforcer les liens avec la population et écouter leurs préoccupations, auront lieu. Nous souhaitons être à l'écoute des citoyens et être présents sur le terrain pour comprendre au mieux leurs attentes et besoins. Ces moments de rassemblement seront également l'occasion de partager un repas convivial et de renforcer la cohésion au sein de notre mouvement. Nous mettrons tout en œuvre pour être proches des citoyens et pour promouvoir le dialogue et l'échange dans un climat de fraternité et de solidarité. Le tout dans une ambiance de carême et de ramadan ».

Adapter le message à la période

Dans cette perspective, le chercheur en sciences politiques, Amadou Moctar Ann pense qu'il serait intelligent de se conformer au contexte. "Reconnaissant l'importance du tissu communautaire pendant le Ramadan et le Carême, les partis devraient cherchent à mobiliser les électeurs à travers des initiatives de proximité. La distribution de denrées alimentaires, l'organisation de repas communautaires pour l'Iftar, et la participation à des actions caritatives sont autant de moyens utilisés pour tisser des liens avec les électeurs, tout en apportant une contribution positive à la communauté".

A cette heure des derniers réglages, certains préfèrent ne pas encore communiquer sur leur stratégie. Pour le directoire de campagne de Benno Bokk Yaakaar (BBY), les préparatifs sont toujours en cours. C’est ce vendredi 8 mars que le comité a été convoqué pour ficeler tous les plans gagnants.

Un des objectifs de cette rencontre, sous la direction du candidat, Amadou Bâ, est de dégager les pistes de financement de la campagne pour relever ensemble les défis de l'heure, renseigne le journal L’Observateur dans son édition du même jour.

Pour Ngouda Sall, coordonnateur de Taxawu Sénégal et membre du directoire de campagne, ‘’de grands candidats vont rejoindre notre coalition comme Alioune Sarr de l’AFP et d’autres grands noms politiques’’.

Pour le parti dissout Pastef, la réalité est autre, car le candidat Bassirou Diomaye Faye est toujours en prison, attendant la promulgation de la loi d'amnistie votée le 6 mars 2024. Pour son mandataire, Amadou Ba accroché par JeuneAfrique, « il est urgent qu’il soit libéré, car la campagne va commencer sans lui, insiste son mandataire Amadou Ba. Le 31 mars nous aurait donné un peu plus de temps, certes, mais tous les candidats s’étaient préparés à l’ouverture de la campagne. Techniquement, nous n’avons plus rien à faire. »

Le directeur de cabinet du candidat Idrissa Seck, Ass Babacar Guèye, estime dans les colonnes de JeuneAfrique que l’Assemblée nationale devrait être saisie pour voter la réduction du délai de la campagne, mais affirme que l’ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade est quoi qu’il arrive prêt à se lancer dans la course. « Idrissa Seck est un homme politique expérimenté, dit-il. Il en est à sa quatrième élection. Nous ne pouvons pas ne pas être prêts. »,

Pour mieux peaufiner leur stratégie, le jeune chercheur et spécialiste du discours politique recommande que la communication des partis politiques prenne en compte « le caractère sacré de cette période. Les messages diffusés visent à promouvoir une image de respect et d'inclusion, mettant en avant des thèmes comme la paix, la solidarité, et l'unité nationale. Les réseaux sociaux et les plateformes en ligne jouent un rôle crucial dans cette approche, permettant une diffusion large et respectueuse des contenus de campagne ».

Cette digitalisation de la campagne électorale pourra aussi permettre de pallier l’absence de temps et de moyens logistiques pour atteindre toutes les parties du pays.

Alors que le Sénégal s'avance vers une élection cruciale, l'approche adoptée par les partis politiques en cette période de Ramadan et de Carême sera un test de leur sensibilité culturelle et de leur ingéniosité stratégique. Dans ce contexte, l'engagement des électeurs et le respect des traditions religieuses s'avèrent être des éléments clés pour une campagne électorale réussie.

AMADOU CAMARA GUEYE