Buenos Aires ne répond plus
Depuis l’éclatement de l’affaire du chant raciste entonné par les joueurs argentins, les politiciens locaux font consensus : on ne touche pas à la sélection.
En 2024, c’est une mission bien délicate que de faire aimer le football aux plus jeunes. Entre magouilles, violences, ingérences politiques et discriminations, les éléments contraires sont légion. Les deux derniers cités ont d’ailleurs récemment trouvé preneurs. Du côté de l’Argentine. Après avoir remporté la Copa América, les joueurs de l’Albiceleste se sont en effet adonnés à un chant raciste visant ceux de l’équipe de France, le tout filmé par Enzo Fernández. Le scandale légitimement lancé, les politiciens argentins se sont alors emparés de la chose, en volant au secours des leurs. Argument invoqué : l’Argentine gagne, il ne faut donc pas y toucher. Problème : les choses ne fonctionnent pas comme cela.
Pas touche au maillot rayé !
Tout est ainsi parti d’une intervention de Julio Garro, secrétaire adjoint aux Sports argentin, au micro de la radio Urbana Play 104.3, dans laquelle il exigeait des excuses de la part du capitaine de l’équipe, Lionel Messi, et du président de la fédération (AFA), Claudio Tapia : « Je pense que le capitaine de l’équipe nationale devrait également s’excuser pour cette affaire, tout comme le président de l’AFA. » Une demande louable, curieusement démentie quelques heures plus tard par le même Garro : « Je nie catégoriquement avoir demandé à Messi de s’excuser. Ce serait un manque de respect pour une personne qui nous honore en permanence. » Avant d’être démis de ses fonctions par le sulfureux président de la République, Javier Milei.
En parallèle, les sorties fustigeant la déclaration de Julio Garro ont été nombreuses, à commencer par celle de la vice-présidente du pays, Victoria Villarruel : « Aucun pays colonialiste ne nous intimidera pour une chanson, ni pour dire les vérités qu’ils ne veulent admettre. Fini de simuler l’indignation, hypocrites. Enzo, je te soutiens, Messi merci pour tout ! » Dès lors, comment ne pas s’indigner devant de telles absurdités ? Comment décemment accepter que de simples footballeurs soient élevés au rang de héros nationaux d’un pays aussi important que l’Argentine, sans contrepartie ? Certains évoqueront le « folklore local ». Ici, nous parlerons simplement de bêtise humaine.
Le capitaine Messi est attendu
Évidemment, cet article n’a aucunement vocation à donner de leçon à l’Argentine. Seuls les Argentins sont habilités à le faire. D’autant qu’en France, le fricotage entre ballon et politique a souvent fait mauvais ménage (Roselyne Bachelot et les gamins apeurés, Le Graët et le non-racisme dans le football, etc.), même si, paraît-il, « il ne faut pas politiser le sport ». Cela étant dit, l’objectif est avant tout de rappeler que le football ne devrait jamais s’émanciper des lois morales. Qu’un joueur comme Enzo Fernández – coéquipier à Chelsea de Wesley Fofana, Axel Disasi, Loïc Basiashile ou Malo Gusto, pour ne citer qu’eux – ne se contente que d’un banal communiqué d’excuses publié sur les réseaux sociaux est un scandale. Qu’il enchaîne dans la foulée avec des photos le montrant trophée de la Copa América en main et sourire aux lèvres, comme pour narguer on ne sait qui, en est un autre.
De même, voir le capitaine et légende vivante de cette équipe, Lionel Messi, garder le silence près d’une semaine après les faits a également de quoi faire tiquer. Si le numéro 10 n’a jamais été très expansif, il paraît tout de même logique de l’entendre sur ce sujet. Peut-être le fera-t-il dans les prochains jours, du moins on l’espère. Car en attendant, ces silences en disent long et donnent un peu plus de poids aux stupidités balancées par le gouvernement populiste de Milei. Surtout, c’est l’image de la société argentine, déjà bourrée de clichés sur le racisme, qui en pâtit. Entre joueurs déconnectés et politiciens imbuvables , on plaint la jeunesse locale.