Publié le 21 Aug 2024 - 11:25
SUBVENTIONS ET AIDES

Des acteurs encouragent et demandent la généralisation à tous les secteurs

 

Face à des pratiques opaques profondément enracinées, le président Bassirou Diomaye Faye s’est engagé dans une réforme ambitieuse certes, mais qui suscite moult interrogations. Alors que le régime divulgue un peu partout les subventions allouées au secteur de la presse – un exercice de reddition des comptes salué par beaucoup d’observateurs - son silence sur les subventions et aides accordées aux autres secteurs est de nature à semer le doute sur ses réelles motivations.

 

Le chef de l’État a fait de la reddition des comptes une priorité de son mandat. Le 10 avril 2024, il a pris des mesures pour renforcer les mécanismes de vérification des comptes publics. Il a ordonné des audits sur le fonctionnement des différents ministères et exigé des rapports détaillés sur la situation des finances publiques. À côté de cette décision, Diomaye a procédé à la nomination des magistrats devant composer le Pool judiciaire financier (PJF), destiné à traquer les malversations financières. Aussi, l’Inspection générale d’État (IGE), l’un des organes de contrôle les plus redoutés, a été mobilisée pour mener des audits financiers approfondis dans plus de 70 ministères, agences et fonds publics. Les premières missions ont révélé des irrégularités dans la gestion de certains fonds et les attentes sont élevées quant aux résultats de ces investigations.

Pour le président Faye, il s’agit de rectifier les dérives du passé et d’instaurer un climat de confiance entre l’État et les citoyens.

La société civile exige une reddition des comptes systémique

Tout en saluant ces efforts, certaines personnalités élèvent la voix pour réclamer une encore plus de transparence, en particulier concernant les subventions et aides allouées aux syndicats, magistrats, religieux, organisations patronales, enseignants et autres corporations. Birahim Seck du Front civil insiste sur la nécessité d’une reddition des comptes systémique et non sectorielle.

Selon lui, pour garantir une véritable rupture avec le passé, toutes les subventions et aides doivent être rendues publiques et soumises à un contrôle strict.

Cette demande de transparence trouve toute sa légitimité dans les récentes révélations concernant la gestion des fonds d’aide à la presse, un secteur déjà fragilisé par des pratiques opaques. Plus de 800 millions de francs CFA, destinés à soutenir les médias, n’ont pas été distribués de manière transparente et objective, expliquait récemment le ministre de la Communication qui dit avoir confié le dossier à l’Inspection générale d’État. Les critères de répartition de ces fonds restent flous, laissant les acteurs du secteur dans l’incertitude.

Plus troublant encore, certains sites web bénéficiaires n’ont même pas de noms de domaine, tandis que d’autres médias ont rapporté n’avoir jamais reçu les montants annoncés dans l’audit.

Cette situation a suscité un tollé au sein de la corporation, avec des journalistes réclamant plus de transparence dans la gestion de ces fonds. Ces dysfonctionnements illustrent l’urgence d’une réforme en profondeur pour garantir une gestion rigoureuse et équitable des subventions publiques, exigent-ils.

Les magistrats, traditionnellement bénéficiaires d’une subvention annuelle de 40 millions de francs CFA, n’ont pas reçu ce soutien financier en 2024. L’Assemblée générale de l’Union des magistrats sénégalais (UMS), prévue pour le 10 août, a dû être délocalisée en raison de ce manque de fonds. Les raisons de cette situation demeurent floues, mais elle met en lumière la nécessité d’une gestion plus transparente des subventions publiques.

Les associations religieuses et leurs subventions : entre tradition et controverse

Dans le même sillage, l’on peut s’interroger sur l’opacité totale qui entoure les actions de l’État envers certaines formes d’organisations comme les associations religieuses, notamment lors des grands événements. L’affaire du ‘’Soukeurou Koor’’, qui concerne une aide financière traditionnelle en faveur des imams pendant le ramadan a particulièrement fait parler d’elle. Si certains dignitaires religieux nient l’existence de subventions régulières, ils reconnaissent néanmoins que des sommes sont occasionnellement versées, ce qui soulève des inquiétudes quant à la transparence de ces pratiques.

Les centrales syndicales et leurs enjeux financiers

Dans cette quête effrénée de transparence, les centrales syndicales ne sont pas en reste. Chaque année, elles reçoivent une subvention de 600 millions de francs CFA ; une somme qui suscite des rivalités internes et des querelles de positionnement. La gestion de ces fonds est souvent critiquée pour son manque de transparence, ce qui affaiblit la crédibilité des syndicats auprès de leurs membres.

Babacar Ba : ‘’La transparence est fondamentale pour renforcer le lien de confiance entre l'État et les citoyens.’’

Face à ces dysfonctionnements, Babacar Ba du Forum du justiciable, plaide pour une réforme en profondeur. Il souligne l'importance cruciale de la reddition des comptes avec objectivité. Selon lui, cette pratique est un pilier essentiel pour promouvoir la bonne gouvernance et elle doit être un impératif pour tout État aspirant à adopter la bonne gouvernance comme modèle politique. Il affirme que toute personne occupant un poste public ou travaillant au sein d'une institution doit être tenue de répondre de ses actes, tant sur le plan administratif que financier. La transparence, ajoute-t-il, est fondamentale pour renforcer le lien de confiance entre l'État et les citoyens.

Dans le cadre de cet appel à une gouvernance plus transparente, l'association Afriktiviste insiste sur la nécessité d'une meilleure organisation pour garantir une transparence accrue, notamment en matière d'accès à l'information. Selon cette structure, plusieurs obstacles continuent de freiner cet accès, tels que la censure, le manque de transparence de la part du gouvernement, la pauvreté, l'analphabétisme et les inégalités numériques. Ces défis doivent être surmontés pour que la transparence dans la gestion des subventions et des aides sociales devienne une réalité tangible.

Pour beaucoup d’observateurs, la transparence dans la gestion des affaires publiques est non seulement une exigence de justice, mais aussi une condition sine qua non pour instaurer une gouvernance responsable et renforcer la démocratie au Sénégal. Les citoyens, quant à eux, doivent rester mobilisés pour exiger des comptes et veiller à ce que les promesses de transparence se traduisent en actions concrètes.

C’est pourquoi, à l'approche de la Journée internationale de l'accès universel à l'information (IDUAI) le 28 septembre, les appels pour une transparence accrue au Sénégal se multiplient. Dans ce contexte, Article 19, en collaboration avec d'autres acteurs de la société civile, intensifie sa pression pour l'adoption rapide d'une loi sur l'accès à l'information. Cette initiative coïncide avec l'arrivée du nouveau gouvernement du président Bassirou Diomaye Faye, qui a fait de la transparence et de la reddition des comptes des piliers de son mandat incarnés par le slogan "Jub, Jubbal Jubanti". Alors que les réformes pour renforcer la bonne gouvernance sont en cours, la mise en place de mécanismes clairs pour l'accès à l'information devient un enjeu crucial pour garantir que ces principes soient véritablement respectés.

Amadou Camara Gueye

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