La grave mise en scène
Plus de 24 heures après la tenue d’un séminaire d’échange et de partage du gouvernement sur le nouveau référentiel économique, les officines du régime partagent les éléments de langage relatifs notamment à l’exigence d’une gouvernance ‘’irréprochable’’.
La rencontre est passée presque inaperçue. Elle aurait été tenue le vendredi 11 octobre sans que le public en soit informé. Il aura fallu attendre plus de 24 heures pour voir les officines du régime en distiller des éléments de langage, partagés à grand renfort médiatique et par le biais des réseaux sociaux.
Selon ces éléments de langage, le président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye aurait mis en garde ses collaborateurs au sein du régime. ‘’Nous devons être irréprochables’’, leur aurait-il asséné, comme s’il était exaspéré par les parfums de scandales de plus en plus nombreux pour un régime qui vient à peine de s’installer. Le président Faye ajoute : ‘’Si nous sommes pris à défaut dans le cadre de la gouvernance, le peuple sera désenchanté et nous ne pourrons plus le mobiliser’’, citent de nombreuses sources, dont le Bureau d’information gouvernemental (BIG).
Alors que l’on s’interrogeait sur l’authenticité de ces extraits sortis de nulle part et prêtés au président de la République, une vidéo a été publiée dans la soirée d’hier avec beaucoup de mise en scène. Un fond sonore grave, une tonalité très solennelle, un Diomaye Faye en véritable chef de guerre, qui rappelle avec beaucoup de sérieux les exigences de la bonne gouvernance. ‘’À partir de maintenant, peste-t-il, rappelons-nous les péripéties qui nous ont menés ici’’. Citant son Premier ministre et non moins le chef de son parti, il clame : ‘’Un programme, ça se défend. Des actions, ça se vulgarise. Un gouvernement, ça doit être solidaire, mais dans la vérité.’’
La peur de ne plus mobiliser les Sénégalais
À l’en croire, si l'un d'entre eux, en toute responsabilité et en toute connaissance de cause, décide, dans l'intimité de son bureau, de transgresser, il ne pourra entraîner personne dans une solidarité gouvernementale. À ce propos, il s’est voulu on ne peut plus clair. Du moins dans le discours. ‘’Ces choix doivent être assumés par les auteurs. Nous en souffrirons certes, parce que c’est tout le gouvernement qui sera attaqué. Mais nous devons tous savoir que ce que nous avons découvert à nos différents niveaux de responsabilités nous engage à faire en sorte que ce même schéma ne puisse se reproduire’’, a insisté le chef de l’État.
Ce discours, il faut le souligner, arrive dans un contexte où de hauts responsables du régime de la rupture sont cités dans des scandales à millions ou à milliards. L’un des derniers en date est l’affaire Aser (Agence sénégalaise d’électrification rurale) qui n’a pas encore livré tous ses secrets. Dans cette affaire, plusieurs questions sont soulevées et n’ont jusque-là pas trouvé de réponses. Parmi ces interrogations : comment un régime, qui se dit souverainiste, peut-il écarter une société sénégalaise au bénéfice d’une étrangère ?
Quel sort pour les contrevenants du gouvernement
Dans leurs différentes réponses servies, le directeur général de l’agence publique et ses soutiens accusent la société sénégalaise AEE Power Sénégal d’être coupable de surfacturation, de fraudes sur des documents administratifs, entre autres griefs invoqués pour justifier son évincement du marché. Pendant ce temps, des faits similaires ont été reprochés à l’Espagnol – du moins en ce qui concerne la surfacturation - et cela n’a nullement justifié la remise en cause du contrat dans son intégralité. L’État qui a découvert, selon ses propres termes, des anomalies s’est contenté de renégocier le contrat avec la même entreprise.
Auparavant, l’affaire Onas avait éclaboussé le ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement. Lors d’un passage à l’Assemblée nationale, le ministre de la Justice Ousmane Diagne affirmait : ‘’Une enquête complète a été ordonnée pour tirer au clair l’affaire de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas).’’ À en croire le garde des Sceaux, l’État s’emploie à faire toute la lumière dans cette affaire. ‘’Je peux vous assurer que sur mes instructions, une enquête complète a été ordonnée. Et je dis bien une enquête sur l’ensemble des faits. Et je peux vous donner ma parole que la lumière sera faite sur cette affaire’’, fulminait-il, réagissant à des questions des parlementaires.
Ces scandales qui dépècent la promesse d’une gouvernance ‘’irréprochable’’
Dans le même sillage, l’affaire des voitures de la RTS est aussi venue mettre un sacré coup aux promesses de ‘’gouvernance irréprochable’’ du régime. Cette fois, le directeur général de la boite semble avoir plus de chance par rapport à son ex-collègue de l’Onas limogé fissa dès que son nom a été cité dans une affaire de tentative de corruption. Les exemples sont loin d’être exhaustifs. Des dérives qui, peut-être, ont poussé le chef de l’État à éprouver le besoin de monter au créneau pour remonter les bretelles à ses collaborateurs, sans avoir à citer qui que ce soit.
Avec de tels écarts dans la gouvernance des affaires publiques, la réputation du régime de Pastef en a pris un sacré coup.
Ils sont nombreux, en effet, jusque dans les rangs de leurs soutiens, à exiger la lumière dans l’affaire Onas, certains ne manquant pas de réclamer en vain la démission ou le limogeage du ministre chargé du secteur de l’assainissement. Pour l’heure, seul le DG Cheikh Dieng a payé pour son poste, mais les responsabilités tardent à être situées. Comme s’il avait bien perçu le message, le chef de l’État a senti le besoin de rappeler à ses hommes que ‘’si le peuple est désenchanté’’, ils ne pourront ‘’plus le mobiliser’’. Dans ce contexte préélectoral, cela semble presque vital pour la survie du Projet qui sera présenté aujourd’hui au Centre international de conférences Abdou Diouf de Diamniadio.