Chienlit
Honteux ! La deuxième institution du pays transformée en arène de gladiateurs. Des députés, de surcroit leaders d’opposition qui cassent des micros, déchirent des enveloppes et prennent vulgairement place sur des tables comme des élèves en manifestations de lycée. Des dames bien habillées se donnant en spectacle aussi bien dans le discours que dans les déambulements sur la scène ‘’sacrée’’ de l’hémicycle, comme en scènes de ‘’tanebeer’’. Dans quel monde sommes-nous finalement descendus ?
Bien bas, il faut le dire sans ambages. Nos députés se sont livrés de fort vilaine manière à la risée du monde. Les images qui circulent sur la Toile vont donner un sacré coup à l’honorabilité du pays. Fissures en continu, chaque jour qui passe, notre jeune démocratie semble se craqueler de façon progressive, mais résolue. Et c’est le Sénégal qui trinque.
Visiblement, le coup était préparé et il faut être atteint de cécité totale pour ne pas voir qu’il s’agissait bien là d’un scénario bien appris qu’il fallait simplement dérouler. L’opposition s’étant présentée avec trois candidats à la présidence, il n’y a aucun suspense à attendre de l’élection, même si personne ne sait par quelle alchimie le président Macky Sall a pu sortir de son mouchoir un président d’une si auguste institution et l’imposer à ses députés. Bref, même le débat sur le profil et le cursus d’Amadou Mame Diop a été noyé par les performances au rabais de l’opposition.
Il faut bien finalement se demander si les députés que nous avons vus hier à l’Assemblée nationale sont réellement de vrais patriotes qui méritent la confiance du peuple. Ce peuple, ‘’souverain silencieux’’, qui garde toujours une bonne longueur d’avance sur ses élites politiques.
À l’opposé du spectacle offert en direct, les Sénégalais se sont tranquillement rendus aux urnes, le 31 juillet dernier, pour dire leur mot. Le résultat est connu qui consacre une montée en puissance de l’opposition. Tout le monde s’en est félicité parce qu’au fond, c’est la violence qui a été conjurée et la démocratie portée au pinacle. Moins de deux mois seulement après ce sacre, voilà donc l’opposition qui tourne sur elle-même. Elle se saborde en initiant un spectacle aux antipodes de l’élégance républicaine.
Et – ne nous y trompons pas, ces scènes diffusées en direct ne vont pas manquer de laisser des traces dans l’opinion. Non pas seulement à cause de l’intrusion des gendarmes sur la scène (chose inédite qu’on n’avait plus vue depuis le bras de fer Senghor-Dia) tout à fait compréhensible du fait du niveau d’anarchie qui régnait hier dans l’hémicycle, mais surtout à cause du retour d’image que cette prestation risque de laisser au niveau de l’opinion. Et finalement, le député Thierno Alassane Sall, dont personne ne discute l’intégrité, a bien raison de s’interroger sur l’impact que de telles scènes risquent de laisser chez les plus jeunes. Tout dernièrement, faut-il le rappeler, des élèves avaient cassé tables-bacs, chaises, déchiré leurs blouses au point de choquer toute l’opinion publique. Quelle leçon ces députés pourront-ils donner à ces élèves, après une telle performance ? Ne valident-ils pas le comportement de ces tout-petits qui ont besoin plus que jamais de modèles ? Qui sont aujourd’hui les modèles pour ces jeunes à fleur de maturité ?
En définitive, le problème principal n’est plus seulement Macky Sall et son supposé troisième mandat, mais aussi la question de la relève. Les Sénégalais sont connus pour être des as du dégagisme. Une fois dans leur collimateur, difficile d’échapper à la guillotine. Mais si cette petite vérité à la Sénégalaise a été bien éprouvée ces dernières années aussi bien avec Diouf qu’avec Wade, le temps est sans doute venu d’avoir une démarche plus réfléchie que réactive. Cela veut dire qu’on devra faire l’apprentissage du vote actif. Ne pas se contenter de sanctionner, mais de bien regarder avant de choisir.
On pourrait très aisément prendre l’hyène pour l’agneau.