Les étudiants sèment la grève et récoltent la session unique
Après 45 jours de grève, les cours ont repris à la Faculté des sciences juridiques et politiques (FSJP). Mais cette reprise risque d’être interrompue à tout moment à cause de la session unique prévue par les autorités de la Fac.
A quand l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) retrouvera une stabilité et un calendrier universitaire normal ? Il est difficile, voire impossible de répondre à cette question. A la Faculté des sciences juridiques et politiques (FSJP), l’accalmie notée depuis quelques jours risque de ne durer que le temps d’une rose. Une décision des autorités d’organiser une session unique risque de saper tout. Quatre jours après la signature de l’accord, l’ambiance habituelle est de retour. Les apprenants ont repris le chemin des amphithéâtres. Au niveau du hall, les étudiants font des va et vient et forment de petits groupes autour des tableaux d’affichage pour s’informer. Dans ce brouhaha, une affiche sur laquelle on peut lire: ‘’les cours reprennent le lundi 13 juin 2016 (…), la période de révision pour la session unique du premier semestre, est prévue du 6 au 15 août ‘’, attire particulièrement l’attention des étudiants en cette matinée du 17 juin 2016.
Cette note signée par le doyen, Mamadou Badji est le nouveau calendrier de son établissement. Ici la bonne nouvelle (reprise des cours) n’est pas tombée seule. Elle est venue avec une autre, ‘’très mauvaise’’. En effet, après un mois et 15 jours de grève des étudiants, un accord a été trouvé entre l’Amicale et les autorités de la Fac. Les motifs de la grève (Master pour tous, la réfection des toilettes, climatisation des chapiteaux et l’accès aux livres de la bibliothèque interne de la fac fermé à cause de travaux) ont été satisfaits. Mais contre toute attente on prévoit une session unique dans le calendrier réaménagé.
‘’C’est inacceptable. On préfère une année invalide qu’une session unique’’, réagit, le président de l’Amicale des étudiants de la FSJP, Mansour Ndiaye. Pour justifier sa position il dit : ‘’l’année dernière en premier cycle (L1, L2 et L3) le taux de réussite était de 6%. Imaginez combien d’étudiants vont ‘’cartoucher’’, si on organise une session unique. Nous avons fait une assemblée générale et on a demandé aux étudiants de poursuivre les cours en attendant qu’on négocie avec l’administration. Si cette dernière ne revient pas sur sa décision, il n’y aura pas d’examens cette année à la faculté de droit’’. Cette mesure rappelle la session unique instaurée en 2013/2014 dans toutes les facultés de l’Ucad et qui ‘’a été désastreuse’’, se souviennent des étudiants.
Devant l’affiche la plus consultée depuis quelques jours à la FSJP, les discussions vont bon train. ‘’Je suis étonné. Ils veulent nous sacrifier’’, lance Ibrahima Koté. L’étudiant en licence 2 n’arrive pas à y croire. Il estime que si l’Amicale laisse passer cette mesure, ce sera une trahison. Assis sur un des nombreux bancs publics au milieu de la cour, Ndongo Seye lui met dos à dos les étudiants et les responsables de la Faculté. Selon lui, ses camarades grévistes sont responsables de la tournure des événements. ‘’Il faut être réaliste. Le master pour tous n’existe nulle part dans le monde’’, précise-t-il. Notre interlocuteur est en colère contre le comportement de ses camarades grévistes. ‘’On a démarré les cours au mois d’avril et on n’a même pas fait un mois de cours, ils déclenchent une grève qui a duré 45 jours. Maintenant il y aura une session unique car, on ne peut pas se permettre de reprendre la grève ‘’, raisonne Ndongo.
Tout de blanc vêtu, écharpe autour du cou, Ousmane Kâ lui aussi s’en prend à ses camarades qui ont dirigé le mouvement. Il estime tout en défendant le master pour tous qu’il faut revoir la manière de revendiquer. ‘’La session unique n’arrange personne. Mais les étudiants ont en partie provoqué cette situation’’, soutient l’étudiant en licence 3, option judiciaire.
Qui est responsable de la situation dans laquelle se trouve, la FSJP ? Les étudiants renvoient la balle aux autorités universitaires. Pour Ibrahima Gueye étudiant en master 1, ce que veut l’administration est inacceptable car elle sélectionne par élimination. ‘’Imaginez-vous ce que vont devenir les 256 étudiants qui n’ont pas été orientés en master 1. Avec une licence en droit on ne peut rien faire. Pour les concours, il faut avoir un master 2 ‘’, déplore-t-il. Le président de l’Amicale pour sa part pense que le problème principal de la Fac, c’est son administration. ‘’Il y a trop de lenteurs administratifs. Après chaque examen, il faut attendre 2 mois voire plus, avant que les résultats ne sortent’’, déplore-t-il
‘’Master pour tous’’
Sur la question de master pour tous qui paralyse chaque année la FSJP, il se veut catégorique. ‘’On a suspendu le mot d’ordre en faisant des concessions compte tenu de la situation critique de l’année en cours. Mais nous disons toujours non à la sélection par élimination car les textes ne le prévoient pas pour accéder en master. Et nous n’accepterons non plus une session unique ‘’, a conclu Mansour Ndiaye.
Abdourahim Barry (Stagiaire)