Un virage pro-pétrole favorable au Sénégal
Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche bouleverse l’ordre mondial, notamment en matière énergétique et sociétale. Avec une politique pro-pétrole assumée, il favorise indirectement des pays producteurs comme le Sénégal, qui cherche à maximiser l’exploitation de ses hydrocarbures. Parallèlement, sa posture conservatrice sur les questions LGBT+ trouve un écho favorable dans plusieurs pays africains où les législations se durcissent. Entre opportunités économiques et clivages sociétaux, le Sénégal pourrait profiter d’une nouvelle donne internationale où les décisions américaines influencent son avenir.
Dès son retour au pouvoir, le lundi 20 janvier 2025, Donald Trump a déployé une politique énergétique ambitieuse visant à relancer massivement l'exploitation des ressources fossiles aux États-Unis. En signant plusieurs décrets, il a officialisé la suppression de nombreuses réglementations environnementales et facilité l'extraction pétrolière, gazière et minière sur le territoire américain, y compris en Alaska. Ce retour au "tout fossile" ne manque pas de susciter des controverses à l'échelle internationale, notamment avec le retrait annoncé des États-Unis de l'Accord de Paris.
Toutefois, cette orientation bénéficie paradoxalement à certains pays producteurs de pétrole et de gaz, dont le Sénégal.
Depuis son accession au statut de pays exportateur d'hydrocarbures, le Sénégal mise fortement sur cette manne énergétique pour booster son développement économique. L'exploration et l'exploitation de ses ressources ont pris une nouvelle dimension avec le lancement des opérations d'extraction en juin dernier sur le gisement de Sangomar. Le secteur extractif, enregistrant une croissance de +247 %, est devenu un pilier du secteur secondaire, dont la progression globale a atteint +32 %, selon l'Institut national de la statistique.
Les décisions prises par Donald Trump en matière énergétique pourraient offrir de nouvelles opportunités au Sénégal. En augmentant la production et l'exportation des hydrocarbures américains, le marché mondial pourrait connaître une stabilisation des prix, facilitant ainsi l'intégration du Sénégal dans le commerce international des hydrocarbures. De plus, les nouvelles orientations de Washington incitent les investisseurs pétroliers à développer des projets dans des pays à fort potentiel, à l'instar du Sénégal, renforçant ainsi son attractivité pour les multinationales du secteur.
Exportations en hausse, perspectives prometteuses
Lors de son allocution (DPG) en décembre 2024 devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre Ousmane Sonko a déclaré que le gouvernement s'engageait à "maximiser l'impact local des hydrocarbures et d'en faire une locomotive de la diversification économique". Cette stratégie semble déjà porter ses fruits. Durant le premier trimestre, plus de huit millions de barils de pétrole ont été extraits et principalement destinés à l'exportation.
Début décembre, le gisement exploité par la compagnie canadienne Woodside a révélé un potentiel supérieur aux prévisions initiales. Le ministère de l'Énergie a confirmé que la production avait dépassé les objectifs fixés, offrant des perspectives économiques encore plus encourageantes.
Par ailleurs, la future grande raffinerie du pays devrait permettre de mieux valoriser les ressources nationales et de réduire la dépendance aux importations de produits raffinés.
L'année 2025 s'annonce historique, avec l'entrée en production du gisement gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA), partagé avec la Mauritanie. Le site dispose d'une unité flottante de production, de stockage et de déchargement (FPSO) installée depuis six mois. Après plusieurs retards, les premières exportations de gaz sont attendues pour le premier semestre 2025. Les prévisions indiquent une production annuelle de 2,5 millions de tonnes de gaz, plaçant le Sénégal sur la carte des grands producteurs de gaz naturel liquéfié (GNL).
Ce projet revêt une importance stratégique majeure. Il devrait permettre au pays de capter des investissements substantiels et d'attirer de nouveaux acteurs industriels, notamment dans le domaine de la liquéfaction et de la distribution du gaz. À moyen terme, cette production pourrait également réduire les coûts énergétiques nationaux et favoriser l'industrialisation.
Des enjeux géopolitiques et climatiques sous tension
Malgré ces perspectives prometteuses, les décisions de Donald Trump ne sont pas sans conséquences sur l'Accord de Paris et les efforts mondiaux en faveur de la transition énergétique. Le désengagement des États-Unis de la COP pourrait entraîner un effet domino, encourageant d'autres nations à revoir leurs engagements climatiques. Cette tendance pourrait ralentir la transition vers les énergies renouvelables et renforcer la compétition entre pays producteurs d'hydrocarbures.
Pour le Sénégal, le défi sera d'assurer un équilibre entre l'exploitation de ses ressources fossiles et le respect de ses engagements environnementaux. La récente stratégie énergétique du pays prévoit d'ailleurs une diversification progressive vers les énergies renouvelables, notamment le solaire et l'éolien. La mise en place de mécanismes de transparence dans la gestion des revenus pétroliers et gaziers sera également décisive pour éviter la "malédiction des ressources" qui a touché d'autres pays africains.
Trump et la question LGBT : un écho favorable en Afrique et au Sénégal
Par ailleurs, la décision du président américain Donald Trump de restreindre les politiques de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) a trouvé un écho favorable dans plusieurs pays africains, notamment au Sénégal. En réaffirmant sa volonté d'éliminer toute reconnaissance officielle des identités de genre au-delà du masculin et du féminin, Trump s’attire les faveurs de nombreux gouvernements africains qui ont déjà légiféré contre les droits des personnes LGBT+.
Dans une déclaration qui a marqué un tournant dans sa politique, le président républicain a affirmé : ‘’Nous forgerons une société sans distinction de couleur et fondée sur le mérite. Nous mettrons fin aux politiques visant à intégrer la race et le genre dans tous les aspects de la vie publique et privée. À partir d’aujourd’hui, la politique du gouvernement des États-Unis sera de reconnaître uniquement deux genres : masculin et féminin.’’ Cette posture radicale, qui inquiète les défenseurs des droits humains, suscite cependant un certain enthousiasme sur le continent africain où plusieurs pays ont adopté des lois répressives à l’égard des minorités sexuelles.
Des nations comme l'Ouganda ont récemment adopté des législations parmi les plus répressives au monde en matière de droits LGBT+, allant jusqu'à prévoir la peine de mort pour ‘’l’homosexualité aggravée’’. Dans ce contexte, la politique de Trump trouve un accueil favorable dans plusieurs pays africains qui prônent une vision conservatrice de la famille et de la société.
Le Sénégal, notamment, a récemment renforcé sa position contre toute forme de reconnaissance des identités transgenres et interdit toute promotion des théories du genre.
Le rejet de la question LGBT par une partie de l’opinion publique sénégalaise s'est illustré récemment avec la figure de Jean-Luc Mélenchon. Bien qu'il ait affiché un soutien indéfectible à Pastef et défendu les militants du parti lorsqu'ils étaient persécutés, son plaidoyer en faveur des droits LGBT+ a été rejeté par une grande partie des militants du mouvement. Cette opposition illustre une réalité sociale où la majorité des Sénégalais restent attachés à une vision traditionnelle de la famille, basée sur l’union entre un homme et une femme.
Si la politique de Trump est vivement critiquée dans de nombreux pays occidentaux, elle semble conforter certains dirigeants africains dans leur rejet des théories du genre. En Afrique, où l'homosexualité est encore largement criminalisée, ces mesures sont perçues comme une réaffirmation des valeurs traditionnelles. Dans plusieurs pays, des dispositions législatives vont jusqu'à prévoir des peines de prison pour toute personne enseignant ou faisant la promotion des théories du genre, avec des sanctions pouvant aller jusqu’à vingt ans de prison.
Pour beaucoup d’observateurs, l'écho favorable des politiques de Trump en Afrique révèle une fracture de plus en plus marquée entre les valeurs sociétales africaines et celles portées par les institutions occidentales. Alors que les ONG et les organisations internationales militent pour une reconnaissance des droits LGBT+, plusieurs pays africains revendiquent leur souveraineté culturelle et récusent toute ‘’ingérence’’ dans leurs affaires internes.
Dans ce climat de tensions et de débats, la politique de Donald Trump pourrait continuer à influencer les orientations sociales et politiques sur le continent, confortant ainsi les gouvernements qui défendent une vision conservatrice de la société et de la famille.
Dans un contexte où le Sénégal s’apprête à tirer pleinement parti de son essor pétrolier et gazier, la politique énergétique de Donald Trump pourrait lui offrir une conjoncture favorable. Mais si cette dynamique économique semble prometteuse, le pays devra aussi jongler avec les tensions géopolitiques et climatiques qu’elle implique.
Par ailleurs, sur le plan sociétal, l’alignement de certaines postures sénégalaises avec la vision conservatrice du président américain, notamment sur les questions LGBT+, montre une fracture crescendo entre l’Afrique et l’Occident sur les valeurs sociétales. Entre prospérité économique et crispations idéologiques, le Sénégal évolue dans un monde en mutation, où chaque opportunité s’accompagne de nouveaux défis.
AMADOU CAMARA GUEYE