Publié le 29 Sep 2021 - 14:45
ABDOU KHADRE BA (CHERCHEUR)

‘’Ce que Serigne Touba disait sur le Ndigël ’’

 

Cordon ombilical entre le marabout et son disciple, le ‘’Ndigël’’, pour ne pas dire injonction ou recommandation, a une mission primordiale chez les mourides. Dans cet entretien, le chercheur Abdou Khadre Ba revient sur l’importance de ce ‘’Ndigël’’, sa place, etc.

 

Qu’est-ce que le ‘’Ndigël’’?

C’est un mot wolof qui signifie le fait de donner des ordres, des injonctions, des recommandations à une personne sur une action et/ou fait bien défini. Cela peut être un geste ou une parole. Mais, étymologiquement parlant, si on parle de ‘’Ndigël’’ dans ce sens, on retourne dans le Saint Coran, là où Dieu parle des ordres et ou injonctions qui ont un rapport avec une personne et son chef spirituel. C’est le cas entre le Prophète Mouhamed (PSL) et ses sahaba, avec des injonctions qui viennent directement d’Allah (SWT) ou entre un marabout et son disciple.

Pour ce cas aussi, il y a lieu de préciser que les injonctions du marabout sont les souhaits, directives, recommandations de Dieu, qu’il est censé rappeler à son disciple. Donc, quand on parle de ‘’Ndigël’’ dans la religion, c’est des souhaits et vœux d’Allah et de son Prophète que le marabout est obligé de rappeler à chaque fois que de besoin à son disciple ou ceux qui le suivent.

Serigne Touba avait dit qu’un vrai marabout est celui qui n’a pas de point de divergence, ni une vision antagoniste à celle du Prophète Mouhamed (PSL). Il doit être une personne qui base son tout sur la sunna.

Sur cette même lancée, on peut dire que Serigne Touba a donné des injonctions générales qui concernent toute la Oumah islamique. En guise d’exemple, il a demandé à tout mouride qui dépend de lui d’aller chercher du savoir, de la connaissance, de s’atteler aux obligations divines, d’aimer le Saint Coran, de respecter ses deux parents, de pratiquer le ‘’wird makhouss’’. Tout ceci constitue des sortes de ‘’Ndigël’’, entre autres, mais tous retournent aux vœux d’Allah (SWT) partagés dans le Saint Coran et rendu célèbre par Mouhamed (PSL).  

A son tour, Cheikh Ahmadou Bamba a continué à perpétuer le legs à travers ses disciples.

Qui a le droit de donner un ‘’Ndigël’’ chez les mourides ?

Chez les mourides, il vient et exclusivement chez Serigne Touba. Tous les autres qui sont venus après lui suivent ses recommandations antérieures. Donc, on retient par-là qu’il y a des ‘’Ndigël’’ généraux et particuliers. On peut citer, en guise d’exemple, le ‘’wird malkhouss’’, qui est le ‘’wird’’ des mourides, et Serigne Touba a donné l’injonction à chaque mouride de le pratiquer. Mais pour le faire, il faut qu’une personne assermentée vous en donne les codes. Pourtant, c’est une injonction générale. C’est pour cela que je vous disais que toute recommandation qui venait après le Cheikh allait se trouver dans ce qu’il a déjà donné. C’est ce qui est recommandé par Dieu et son Prophète.

Donc, le premier des ‘’Ndigël’’ que nous suivons est celui du khalife général des mourides, car il est le représentant de Serigne Touba sur terre. Après lui, les autres guides religieux de Touba, chacun a aussi la totale liberté de donner des recommandations à ses propres disciples.

Ainsi, un ‘’Ndigël’’ peut provenir du khalife ou de ses frères, fils et petits-fils, pour aller vers les disciples qui dépendent d’eux.

Quelle est la place du ‘’Ndigël’’ dans le mouridisme ?

Le ‘’Ndigël’’ est le cordon ombilical qui lie le marabout à son disciple. C’est la corde qui cimente leur relation. C’est la raison pour laquelle, si un disciple arrête de respecter les injonctions de son marabout, la relation est éteinte. C’est la raison pour laquelle, quand Serigne Touba listait les qualités d’un mouride véridique, le respect du ‘’Ndigël’’ était le deuxième critère. Il faut donc exécuter les ordres donnés par le guide spirituel.

 Le premier consiste à avoir un amour sincère envers son marabout. Après, c’est le fait de respecter à la lettre les injonctions de son marabout, de ne pas les discuter ou de ramer à contre-courant des directives de son marabout, et le dernier est de ne pas avoir un choix, mais de tout laisser entre les mains de votre marabout.  Voici les quatre critères d’un mouride décrit par Serigne Touba.

Le respect du ‘’Ndigël’’ est donc important. Un talibé ne peut pas vivre au sein de cette communauté sans ce respect. Le marabout aussi est obligé de donner des ‘’Ndigël’’, mais ils doivent être en conformité avec les recommandations divines ou de celles du Prophète de l’islam.

Serigne Touba a aussi dit que le ‘’Ndigël’’ est la charte qui fait qu’une action est reconnue. Donc, toute action que vous menez et qui découle d’un ‘’Ndigël’’ sera facilement gratifiée. Serigne Mbaye Diakhaté a dit, dans ce sens, que la seule chose qui compte est le ‘’Ndigël’’ entre un marabout et son disciple. Un marabout ne peut rien faire pour un talibé qui n’accepte ni ne respecte ses injonctions envers lui-même, si les plus grandes relations de ce monde vous lient.

Serigne Touba avait écrit une lettre dans laquelle il partageait les caractéristiques d’un mouride exemplaire. Il y disait : ’’Le mouride exemplaire, s’il aspire à la réussite dans tous les domaines, doit placer son marabout entre Dieu et lui, mais tout en respectant ses directives et laisser ses interdits. Qu’il soit aussi convaincu que les recommandations et interdits du marabout ne diffèrent point de ceux d’Allah (SWT).’’ Il a également ajouté que ’’tout mouride qui fait ce que je viens de dire ici aura les récompenses d’ici-bas et de l’au-delà, pour ne pas dire une réussite sur terre et une entrée sûre au paradis’’. Ces exemples sont tirés d’une lettre écrite par Serigne Touba. Dans cette même missive, il a ajouté : ‘’Tout marabout qui fait des recommandations et interdits à son nom propre et non au nom d’Allah ni de son Prophète pour des raisons qui lui sont propres, est un égaré. Il va égarer aussi toute personne qui le suivra sur son chemin. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle j’avais dit qu’une autorité religieuse qu’on doit suivre dans son chemin est celle qui suit les traces du Sceau de l’humanité, le Prophète de l’islam. C’est celui qui mérite d’être suivi.’’

C’est pour toutes ces choses que les mourides ne discutent jamais les injonctions ou recommandations. Qu’il soit issu de Serigne Touba et/ou de son khalife général, car ils savent que c’est le seul lien ombilical qui les lie au marabout, mais aussi qui prouve qu’ils sont des mourides exemplaires. Ils ont l’ultime conviction que les injonctions du marabout sont celles d’Allah (SWT) et ils vont trouver une réussite ici et dans l’autre monde.

Peut-on dire que le respect du ‘’Ndigël’’ existe toujours ?

Il faut comprendre que les mourides sont plus déterminés de nos jours à respecter le ‘’Ndigël’’, mais aussi de le faire comme le souhaite leur guide spirituel. Les Magal de 2020 et 2021, en sont des preuves palpables. Tout le monde sait le contexte dans lequel ils ont eu lieu avec la pandémie de la Covid-19 et tous les spécialistes sont unanimes sur la question, à savoir que le virus se propage rapidement au cours des rencontres, pour ne pas dire les rassemblements. L’année dernière, il y a eu beaucoup de spéculations autour de sa tenue ou non. Malgré la pression venant de partout, les mourides n’écoutaient qu’une seule personne, à savoir le khalife général des mourides qui devait trancher cette question. Quand le moment est venu, il a donné des injonctions pour la tenue de cette manifestation religieuse. Vous tous vous avez vu comment la rencontre a vécu. Il n’y avait pas de différences avec les Magal qui l’ont précédé en termes de croyance, de foi. La seule chose qui leur traversait la tête, est que la tenue du Magal était la meilleure des choses à faire. C’était une action qui allait plaire à Allah. Ils avaient l’ultime conviction que c’était la meilleure chose à faire. Ils ont aussi respecté toutes les recommandations de Serigne Mountakha, et à la lettre.

Mais il y a une chose à préciser, car nous sommes dans un monde où il y a une crise d’autorité et, des fois, il arrive que les gens parlent d’une personne qu’ils prennent comme un guide spirituel, alors qu’au fond, elle ne l’est pas. Elle ne répond pas aux critères. Elle n’a aucune assise religieuse. Pour ce genre de cas, cette personne ne fait qu’égarer toutes les personnes qui la suivent. Ses injonctions ne sont pas basées sur le Saint Coran, encore moins la sunna. Au contraire, elle ne se base que sur ses intérêts crypto-personnels. Il arrive que parmi leurs disciples, certains suivent leurs recommandations.

Un disciple qui a un marabout digne de ce nom, comme l’a défini le Cheikh (Serigne Touba Cheikh Ahmadou Bamba), quand il reçoit de lui un ‘’Ndigël’’, il n’hésite pas. Il fonce sans calcul. Il ne prend pas du temps. Il le fait et le plus rapidement possible. La seule chose qui doit suivre, quand un ‘’Ndigël’’ tombe, c’est son exécution. Un bon marabout ne donne jamais de mauvaises recommandations à son disciple. Ce dernier d’ailleurs y gagne plus. Serigne Darou Assane Ndiaye avait dit dans ce sens : ‘’Durant le temps que j’ai accompagné Serigne Touba, il ne m’a jamais donné des recommandations pour son propre bien. A chaque fois qu’il recommande une chose au fond que je l’analyse, c’est pour ma propre réussite.’’

Donc, on apprend par-là que le ‘’Ndigël’’ d’un marabout est uniquement pour le bien de son disciple. Il en tire et toujours des bienfaits.

PAR CHEIKH THIAM

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